L’hypothèse des élections avant la libération du Nord paraissait absurde au départ -beaucoup craignant une scission de fait du pays dans la mesure où les zones occupées ne peuvent pas y participer. Mais à l’épreuve du temps, on se rend compte qu’il y a lieu de poser officiellement le débat puisque c’est l’avenir même de notre pays qui en dépend.
Les Etats-Unis d’Amérique ont été les premiers à nous recommander la tenue d’élections avant la libération du Nord ou du moins préparer les deux concomitamment.
Ils l’ont dit à nos autorités au mois d’août au cours d’un séjour que le sous-secrétaire d’Etat chargé de l’Afrique, Johnnie Carson, a effectué au Mali. Et récemment, l’ambassade américaine au Mali a fait une publication dans les journaux pour expliquer la nécessité pour ce gouvernement de transition de préparer concomitamment les élections, le dialogue, l’option militaire et la gestion de la crise humanitaire.
Les Américains disent que seul un gouvernement légitime, c’est-à-dire sorti des urnes, est habilité à gérer cette crise, simplement par le fait que personne ne pourra s’engager dans une aventure avec un gouvernement transitoire. D’ailleurs, ont-ils dit, leur Constitution interdit de coopérer avec un gouvernement non issu des urnes.
La nécessité d’un débat
Au départ, cette position avait d’autant déconcerté les Maliens qu’elle semblait être, selon une interprétation, comme la concession de facto de la division de notre pays, vu le sentiment psychologique que cela peut créer chez les populations martyrisées.
Et les Maliens n’étaient pas les seuls à être habités par un tel sentiment, puisque le président français, l’ami pour reprendre certains, François Hollande, lors de la récente Assemblée générale de l’ONU avait jugé inadmissible de parler d’élections alors que les 2/3 du pays sont sous occupation des terroristes qui y appliquent des lois contraires à la démocratie.
Mais à l’épreuve du temps, beaucoup commencent à se raviser. Nous avons vu ces derniers temps beaucoup d’organisations de la société civile malienne épouser de plus en plus la position américaine. La première fois, c’était le président du Conseil national de la société civile, Ibrahim A. Touré, à la Maison de la presse et la dernière en date est de l’Alliance des générations démocratiques du Mali (AGDM) dont le président est le juge Dramane Diarra.
C’était le samedi 13 octobre 2012 au cours d’un point de presse à la Maison de la presse. Sa 1ere vice-présidente, Mme Oumou Touré alias Oumou Cafo, a expliqué que le gouvernement de transition étant incompétent, il va falloir organiser les élections pour qu’un gouvernement légitime puisse abréger la souffrance des populations septentrionales sous le joug des mouvements armés.
A y regarder de près, on voit que les tenants de l’approche américaine n’ont pas totalement tort vu le drame socio-économique que connait le pays en raison de la crise. Tout le monde est unanime que la crise est en train de nous asphyxier petit à petit avec la fermeture des entreprises et l’envoi des gens au chômage technique ou définitif et le retrait des investisseurs étrangers.
L’argent devient de plus en plus rare et tout le monde souffre. Peut-on tenir le coup jusqu’au jour de libération des zones occupées pour enfin organiser les élections, synonymes de notre retour dans le concert des nations ? Faut-il continuer à vivre dans une telle situation de crise financière, dont la conséquence est la stagnation de notre processus de développement, jusqu’à nouvel ordre ?
Ces questions taraudent les esprits d’autant plus qu’il est évident qu’aucun pays au monde ne peut s’engager dans une aventure avec ces autorités transitoires que nous-mêmes, à l’interne, sommes en train de contester. Quel pays au monde peut faire confiance aux autorités actuelles de Bamako pour conclure des contrats d’achat d’armes avec notre pays ou quel investisseur peut s’aventurer dans un pays instable ?
Comme on peut le constater, c’est l’avènement d’un gouvernement légitime qui peut permettre à la France ou aux Etats-Unis ou n’importe quel autre pays de mener une coopération militaire directement avec le Mali, au lieu de passer par la Cédéao, et conquérir la confiance des investisseurs et autres partenaires étrangers desquels dépend fortement notre économie. Parce que c’est dû au fait que les autorités actuelles de Bamako ne sont pas fiables que le président Hollande veut fournir la logistique de la libération du Nord-Mali à travers la Cédéao.
Ce sont donc ces élections de la panacée qui permettront certainement à nos populations déplacées ou sous occupation de retrouver rapidement leur dignité. Comme le dira l’autre, une seule journée (de vote) d’indignation pour les populations victimes vaut mieux que des mois voire des années d’humiliations.
Encore que la libération des régions nord n’est pas pour demain ! D’abord, selon un expert Onusien, dans un tel élan de la communauté internationale, pour que les troupes libératrices puissent arriver au Mali, il faut attendre le mois de mars 2013. Et on sait peut-être quand ça va commencer, mais pas la fin. On a pu entendre le chef du gouvernement, Dr. Cheick Modibo Diarra, du haut de son trône primatorial, enseigner que la plus grande puissance du monde (les USA, Ndlr) et l’Europe sont en train de combattre ces mêmes gens en Afghanistan depuis dix ans, sans y parvenir.
Est-ce à dire que cela pourrait être le cas pour le Mali ? Si oui, devrons-nous attendre tout ce temps avant des élections ? Malheureusement, la récente violation de la loi électorale par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, consistant à suspendre la révision annuelle de la liste électorale, semble plaider dans ce sens.
Nous avons trouvé aussi juste la position du président guinéen Alpha Condé exprimée hier sur RFI. Le président guinéen, à défaut d’épouser formellement l’approche américaine, souhaite des élections après la libération des villes de Gao et Tombouctou, Kidal n’étant pas aussi important à ses yeux. Parce que c’est ce gouvernement légitime qui va non seulement s’atteler à la résolution de la crise, mais aussi et surtout faire relancer la machine de développement complètement bloquée en ces temps-ci.
Pour tout cela, il va falloir poser officiellement le débat, pourquoi pas à travers la conférence nationale, plusieurs fois annoncée et plusieurs fois reportée.