L’autodétermination n’est qu’un subterfuge juridique destiné à aider le mouvement à se redonner une apparence présentable.
Autodétermination : sur le conseil avisé « d’experts internationaux » et autres parrains qui lui veulent du bien, le Mouvement national de libération de l’Azawad enclenche la marche arrière pour s’extirper du marécage dans lequel le poids de l’indépendance factice qu’il avait proclamée, l’enfonçait inexorablement. La manœuvre ne doit rien à un revirement sincère, juste à l’instinct de conservation. Balayé militairement par ses anciens alliés islamistes, lâché au plan diplomatique par ses protecteurs et sympathisants, miné par des retournements de veste en faveur notamment d’Ansardine, divisé par des dissensions et l’apparition à l’interne d’un concurrent opposé à l’indépendance, le MNLA boit la tasse depuis des mois.
Pour s’en sortir, il s’est résolu à manger son chapeau, d’où cette « autodétermination » à laquelle le mouvement s’accroche désormais comme à une bouée de sauvetage. Le MNLA mérite-t-il cette dernière chance de revenir dans un « jeu » dont il a été éjecté par ses propres turpitudes ? Non, répondrait d’emblée l’opinion malienne si elle était consultée. Même les personnes raisonnables, conscientes que tôt ou tard le dialogue devra prévaloir pour installer une paix durable dans le septentrion, peineraient à dire « oui ».
C’est qu’en matière de violence et d’irrédentisme, les compagnons de Ibrahim Ag Assaleh, affichent un casier long comme le bras. Ils ont déclenché la guerre le 17 janvier en attaquant Ménaka, sont coupables de tout ou partie des atrocités de Aguelhoc, retenaient une centaine de militaires de l’armée nationale en captivité à Tinzawatène jusqu’à l’évasion de ceux-ci le mois dernier. Les combattants du MNLA, si on en croit les témoignages multiples et concordants des habitants des zones occupées, sont les auteurs les plus cités des pillages, agressions, exactions, viols, rackets, de la chute des trois régions du nord du pays à leur déroute militaire, en juin, face aux islamistes. Des djihadistes qu’ils ont assidûment fréquentés, avec lesquels ils ont collaboré et même tenté de fusionner (25 mai) pour mieux asseoir leur contrôle sur les territoires conquis même si aujourd’hui leur amnésie est totale sur cet épisode.
Celui-ci est effectivement très gênant pour eux car les pays qui les avaient en sympathie, étaient persuadés qu’ils participeraient à l’éradication d’Al Qaïda au Maghreb islamique (par droiture) et qu’ils bloqueraient l’application de la charia voulue par Ansardine (au nom de la laïcité). C’est tout le contraire que le MNLA a fait, ouvrant la voie et participant à l’expansion du mouvement terroriste et collaborant de fait avec lui comme avec Ansardine jusqu’à sa propre éviction des grandes villes du nord.
Et pourtant, c’est à nouveau au nom du combat contre le terrorisme (en partie au moins) que s’engage l’opération de rachat du MNLA pour en faire un interlocuteur acceptable dans les discussions qui démarreront tôt ou tard. Cette fois sera la bonne car le mouvement a changé en bien, semblent penser les partisans de ce retour en grâce. On peut douter de leur clairvoyance sur la question car tout le parcours des ex-indépendantistes déclarés, montre que sur la violence armée, le terrorisme, le double ou triple jeu, ils font jusqu’ici partie du problème et non de la solution.
Quid maintenant de l’autodétermination déployée comme un tapis magique propre à survoler et dépasser le passif accumulé ? La plate-forme politique du MNLA présentée à Ouagadougou, reste vague sur la forme institutionnelle que revêtirait cette autodétermination. Le texte évoque la « souveraineté » d’une entité appelée « Azawad » en conflit avec une autre entité appelée « le Mali » et ne s’appuie même pas sur l’expérience de la décentralisation pour avancer des pistes d’évolution. Pourtant, la fin de l’année dernière avait enregistré la création dans le septentrion de collectivités nouvelles : deux régions administratives (Ménaka et Taoudéni) et de nombreux cercles et arrondissements. A l’évidence, la formule n’intéresse pas le MNLA qui la passe sous silence. Que projette-t-il, l’autonomie, le fédéralisme, la libre-association ?
Quelle que soit l’option choisie, y compris l’indépendance désormais taboue, elle va se heurter d’emblée au principe de réalité. Sur les 932 490 km2 qu’il revendique officiellement, soit plus des trois quart du territoire national, le MNLA est très loin d’être majoritaire pour ne pas dire qu’il y est ultra-minoritaire. Et il le sait. L’autodétermination n’est donc qu’un subterfuge juridique destiné à aider le plus grand perdant de cette histoire à se redonner une apparence présentable.
Encore une fois, aveuglé par son outrecuidance ou par le réflexe de maquiller son recul, le MNLA fait fausse route. Le dialogue aura lieu et il lui est ouvert. Mais seulement en qualité de Malien. Ni moins, et surtout dans son cas, ni plus.