La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), sous prétexte de tenir compte des aspirations de sa base, tient coûte que coûte à intégrer dans le texte de l'accord d'Alger validé par Bamako et les autres groupes armés du Nord, des éléments d'amendements qui, disons-le tout net, risquent de vider le document de toute sa substance. Il est donc normal que ni Bamako et ses alliés, ni la communauté internationale ne veuillent en entendre parler. Et ils l'ont fait savoir en des termes on ne peut plus univoques.
En effet, dans un communiqué rendu public le mercredi 18 mars 2015, la médiation internationale a tenu à rappeler que la négociation est terminée et qu'il n'est pas envisageable de modifier le texte de l'accord qui a déjà été paraphé par les autres parties le 1er mars dernier à Alger. Ce qui est possible, c'est que les observations formulées par la CMA soient annexées au document et étudiées ultérieurement. Les choses, peut-on dire, ne souffrent d'aucune ambiguïté.
L'on peut alors se poser la question de savoir quelle sera la réaction de la CMA. Va-t-elle faire contre mauvaise fortune bon cœur en paraphant le texte en l'état tout en y annexant ses observations ? Ou va-t-elle engager un bras de fer avec la communauté internationale, en refusant de le parapher dans sa version actuelle ?
La première hypothèse serait la plus sage. Car elle ouvrirait la voie à une sorte de paix des braves au Nord-Mali. En effet, cette hypothèse signifierait que les parties en conflit, c'est-à-dire Bamako et la CMA, ont accepté, chacune de son côté, de faire des concessions pour aller à l'essentiel. Et l'essentiel ici est de regarder ensemble dans la direction de la paix. L'enjeu donc en vaut le compromis. Cela serait d'autant plus sage de la part de la CMA que la communauté internationale s'est engagée à examiner ultérieurement les observations que le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et ses alliés ont formulées après avoir consulté leur base.
L'autre hypothèse, celle qui consisterait pour la CMA à refuser de parapher le document tant que celui-ci n'intégrera pas ses exigences, serait la pire des hypothèses. Car la guerre pourrait reprendre ses droits au Nord-Mali et les conséquences pour les populations pourraient être désastreuses. Ce qui milite pour que, dès à présent, la communauté internationale prenne ses responsabilités, comme Bamako l'y a d'ailleurs invitée. Et le gouvernement malien n'a pas tort.
La communauté internationale ne doit pas se laisser abuser ni distraire par la CMA
En effet, Bamako a bien des raisons de montrer son agacement vis-à-vis des agissements des irrédentistes du Nord-Mali. D'abord, depuis le début de la crise dans cette partie du pays, les gouvernements qui se sont succédé au Mali n'ont, à aucun moment, développé à l'endroit des rebelles du Nord, une politique d'ostracisme ni d'exclusion. Loin de là, les populations de la zone, notamment les Touaregs et les arabes, ont toujours été associées à la gestion des institutions du Mali.
Ensuite, Bamako a accepté de faire sa part de chemin vers la paix, dans le cadre des pourparlers d'Alger, en accordant à la CMA des concessions dont certaines, il faut le dire, suscitent l'ire de nombreux Maliens du Sud. C'est pourquoi, l'on peut comprendre que Bamako ne veuille pas accepter que l'accord d'Alger, élaboré laborieusement après plus de 6 mois de tractations et de surcroît validé par la communauté internationale, soit dénaturé par la CMA sous le prétexte qu'il n'a pas pris en compte les préoccupations majeures de sa base.
En réalité, intégrer ces fameuses préoccupations dans le document reviendrait à accompagner et à encourager la CMA à mettre en application la revendication originelle du MNLA, c'est-à-dire l'indépendance de l'Azawad. Et cette organisation politico-militaire ne s'en est jamais départie, depuis qu'elle a pris les armes contre le Mali, il y a plus d'un demi-siècle. Elle a, de ce fait, toujours joué avec la ruse et la mauvaise foi, pour faire capoter toutes les initiatives allant dans le sens d'une paix durable au Nord-Mali. C'est ce qu'elle est en train de faire à propos de l'accord d'Alger.
C'est pourquoi, aujourd'hui, la communauté internationale ne doit pas se laisser abuser ni distraire par la CMA. Elle doit, par conséquent, se convaincre que la paix au Nord-Mali passera par la fermeté. Toute attitude contraire ferait l'affaire des irrédentistes de la CMA qui, de toute évidence, ont fait de la crise du Nord-Mali un fonds de commerce qui les fait vivre à l'abri du besoin. Mettre un terme à la crise en paraphant le document d'Alger, signifierait pour eux la fin des haricots.
La fermeté est d'autant plus nécessaire qu'elle peut aider non seulement à la paix, mais aussi à faciliter la traque des djihadistes qui profitent du fait que la région de Kidal, contrôlée aujourd'hui par le MNLA, est en réalité une zone de non-droit, pour y prospérer.
Par Pousdem Pickou
Source: Le Pays.bf