Des membres d’Ançar Eddine ont profané le vendredi dernier le mausolée du saint Cheick Sidi Mahmoud Ben Amar. L’acte a été condamné par l’opinion nationale et internationale. Mais le Haut conseil islamique (HCI) ne s’est pas encre prononcé et son silence a été négativement interprété, même par des leaders musulmans. Pour le président de l’organisation, El hadj Mahmoud Dicko, que nous avons rencontré hier, les raisons sont aussi simples : « le Haut conseil est dans une négociation de couloir humanitaire avec Ançar Eddine et ce n’est pas le moment de… »
C’est le vendredi 4 mai 2012 que les membres d’Ançar Eddine d’Iyad Ag Ghaly ont profané le mausolée de Cheick Sidi Mahmoud Ben Amar, l’un des 333 saints qui reposent à Tombouctou. Les mausolées à Tombouctou sont des tombes des saints que les musulmans vénèrent pour chercher des bénédictions. On appelle cela la ziyara. Mais pour les djadistes d’Ançar Eddine, l’acte est contraire aux préceptes de l’islam. D’où la profanation pour mettre fin à la pratique.
Cet acte a été condamné par le gouvernement du Mali et le reste de l’opinion nationale, mais aussi par la communauté internationale, notamment l’Unesco qui a inscrit les 16 mausolées de Tombouctou sur sa prestigieuse liste du Patrimoine mondial. Mais curieusement la voix du Haut conseil islamique, qui est l’institution suprême des musulmans au Mali, n’a été entendue dans le concert de désapprobation.
Ce profil bas du HCI n’a pas manqué de créer la polémique au sein de la communauté musulmane du pays. En atelier le mardi 8 mai 2012 au Centre international de conférence de Bamako, le Groupe des leaders religieux a jeté une pierre dans le jardin du Haut conseil islamique. L’un de ses leaders Cherif Ousmane Madane Haïdara, vice-président du Haut conseil islamique, a dénoncé le silence de l’institution sur ce sacrilège. Pour le Groupe des leaders musulmans, le HCI devait se prononcer sur la question. Quitte à ce que son premier responsable désigne quelqu’un pour cette cause.
Pour le président du HCI, El hadj Mahmoud Dicko, « il faut que les gens calment le jeu. Ançar Eddine a dit à tout le monde que son seul interlocuteur reste le Haut conseil islamique. Partant de là, nous nous sommes impliqués et nous sommes présentement en train de négocier un couloir humanitaire pour venir en aide aux populations sinistrées. Est-ce ce même moment qu’il faut condamner ces mêmes gens qui ont refusé de dialoguer avec tout le monde sauf nous ? Je crois que les gens doivent avoir cette intelligence pour bien cerner les choses. Si Ançar Eddine profane un mausolée, c’est un sacrilège et les auteurs vont en répondre devant Dieu, mais ce saint est déjà mort, et les vivants qui souffrent aujourd’hui le martyre ? C’est leur sort qui doit plus nous préoccuper ou pas ?
Moi je crois que ce qui est le plus préoccupant aujourd’hui, c’est de pouvoir secourir les populations du Nord et on ne peut le faire qu’avec l’accord d’Ançar Eddine. Donc, il faut savoir mener la diplomatie. On ne peut pas être en négociation avec eux et les condamner en même temps. Le gouvernement a déjà condamné, la communauté internationale a fait autant, pour quoi les gens tiennent coûte que coûte à la condamnation du Haut conseil au moment où celui-ci est en pleines négociations avec les occupants pour créer des couloirs humanitaires en vue de sauver la situation ?
C’est le sort des vivants qui est plus préoccupant ou celui de quelqu’un qui est déjà mort ? Vraiment que les gens sachent que l’heure n’est pas à la division. Nos militaires sont en train de s’entredéchirer, les politiciens sont aussi en train de s’entredéchirer, pendant ce temps le Nord est occupé, si les leaders musulmans, sur lesquels l’espoir est fondé pour trouver une issue favorable, doivent aussi s’entredéchirer, quand est-ce qu’on pourra en finir avec tout ça et secourir nos populations au Nord ? Certains membres du groupe sont aussi membres du Haut conseil, pour quoi ils ne sont pas venus me voir pour qu’on en parle ? ».
Mahmoud Dicko a aussi ajouté que le Haut conseil islamique ne va rien négocier avec Ançar Eddine sans l’Etat. « Nous pouvons négocier un couloir humanitaire avec Ançar Eddine, mais quand il s’agira d’aller discuter une sortie de crise, nous le ferons sous la couverture de l’Etat. Pour le moment c’est la création du couloir humanitaire qui est le plus important ». Par ailleurs, le président Dicko a ajouté que les imams du pays ont pu mobiliser dans les mosquées la somme de 45,5 millions F CFA et plusieurs dons en natures qui seront acheminés dans les jours à venir au Nord-Mali.