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Économie : Pourquoi l’Afrique ne se développe pas
Publié le samedi 21 mars 2015  |  courriers des Afriques
L`ouverture
© AFP par Samuel GEBRU
L`ouverture du 22e sommet ordinaire de l` Union africaine (UA)
Jeudi 30 janvier à Addis-Abeba en Ethiopie: A eu l`ouverture du 22e sommet ordinaire de l` Union africaine (UA) et l`élection du Président Mauritanien Mohamed, Ould Abdelaziz à la tête de l`Union Africaine(UA)




Le continent n'exploite pas ses nombreuses richesses et n'a pas su tirer les leçons des modèles sociopolitiques expérimentés à travers le monde.
C’est une lapalissade de dire que l’Afrique est un continent riche, tant elle regorge de ressources naturelles. Même ci celles-ci ne sont pas inépuisables, l’Afrique est encore riche de ses terres en grande partie cultivables et de ses ressources humaines. Et pourtant, elle peine à se développer —c’est le moins que l’on puisse dire.
Au lieu de tirer leçon des succès et des échecs des modèles de développement qui ont été expérimentés de par le monde, elle continue à s’engluer dans ses politiques stériles. Plusieurs facteurs essentiels sont la cause de cette situation.
La faillite des politiques
Depuis la fin de la colonisation, presque tous les pays africains ont été dirigés par une élite sans vision politique à moyen ou long terme. Cette élite, qui s’est substituée aux anciens colonisateurs, a été incapable d’ambition et s’est davantage préoccupée d’elle-même que des peuples dont elle prétend défendre les intérêts. Résultat: le système colonial a été purement et simplement perpétué sous une autre forme dans les domaines politique, économique et culturel au fil des années. A cela, il faut ajouter l’insécurité de l’environnement économique qui ne favorise pas les investissements, et le règne de l’informel.
L’indépendance est donc devenue une véritable dépendance vis-à-vis des puissances étrangères, en particulier des anciennes puissances coloniales. Faute de réflexions endogènes ou prospectives et de volonté politique en vue d’amorcer un changement par une synergie d’actions, les politiques actuelles sont une navigation à vue. Les Etats sont gérés à la petite semaine par les dirigeants, juste le temps d’accomplir les hautes charges qui sont les leurs.
Le marché de consommateurs
Il n’y a pas meilleur marché de consommation que l’Afrique. C’est ce que nous appelons, avec un certain humour, dans nombre de pays africains les «receveurs universels». Comment peut-on se développer quand on consomme tout ce qui vient de l’extérieur sans distinction et qu’on ne produit rien, ou pas grand-chose?
Le comble, c’est que beaucoup d’Africains ont le complexe suranné de la préférence étrangère. Même quand ce qui est produit localement est de bien meilleure qualité que ce qui est importé. L’extraversion est non seulement un phénomène économique, mais aussi culturel. Et cette tendance doit être inversée par la création et la recherche de qualité, afin que les produits africains puissent être concurrentiels à l’échelle internationale.
L’Afrique ne doit pas être uniquement un marché de consommateurs —bien au contraire, elle a tout intérêt à se lancer dans la production tous azimuts. En effet, les Africains doivent encore prouver, comme qui dirait, qu’ils ne savent pas jouer que du banjo.
La négligence de l’agriculture
L’agriculture a toujours été reléguée au dernier rang des activités humaines en Afrique. Le paysan est considéré comme un citoyen de seconde zone. C’est le moins que rien. La plupart des Africains veulent être des commis de l’Etat. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, tous les pays africains font de l’agriculture la base de leur développement. Mais ils ne font rien pourtant pour développer cette agriculture. Et ce n’est qu’un euphémisme.
Il faut bien le dire, depuis l’époque de la pierre, l’Afrique n’a remplacé l’outil agricole que par le fer. Rien de plus. Ce n’est pas avec la houe et la daba que l’Afrique peut se rendre autosuffisante alimentairement avant de parler de développer son agriculture à des fins de commercialisation ou de transformation. Comme les résultats d’investissements dans ce secteur ne s’obtiennent qu’à moyen ou long terme, cela intéresse peu les investisseurs étrangers et les Etats eux-mêmes.
Pourtant, cela concerne la presque totalité de la population du continent. Avec une démographie galopante et un dérèglement climatique qui s’accentue d’année en année, les moyens agricoles traditionnels ne peuvent plus nourrir les nombreuses bouches du continent tant qu’ils n’évolueront pas. Et un homme qui a faim est un homme qui ne pense pas, et par conséquent ne se donne pas les moyens de son développement.
L’inadéquation du système éducatif
Plus de cinquante après les indépendances de la plupart des pays d’Afrique, le système éducatif ne s’est toujours pas adapté aux réalités du monde actuel et à l’évolution des sociétés africaines. L’enseignement élémentaire reste encore un luxe pour la majorité. Et l’enseignement supérieur ne forme en grande partie que des diplômés sans emploi, incapables d’entreprendre ou de s’insérer dans la vie active dès qu’ils quittent leur formation.
Malheureusement, dans un tel contexte, l’enseignement technique et professionnel qui devrait être privilégié demeure le parent pauvre du système éducatif africain. C’est une des questions essentielles du développement de l’Afrique à laquelle il convient absolument d’apporter une solution adéquate.
L’instabilité sociopolitique
On peut compter sur les doigts d’une seule main les pays africains qui peuvent se targuer d’avoir connu une longue stabilité sociopolitique. Or celle-ci est une condition sine qua non du développement. L’Afrique souffre de la faiblesse de son organisation sociale et politique. Tant et si bien que la conjugaison des conflits internes et des appétits voraces externes que suscitent ses richesses ne sont pas pour la prémunir de crises plus ou moins graves.
L’une des raisons à cette instabilité chronique et récurrente est la difficulté à s’approprier les principes de la démocratie. Qu’ils accèdent au pouvoir, au pire par un coup d’Etat, succession dynastique ou au mieux par des élections passablement démocratiques, les chefs d’Etat africains finissent la plupart du temps par succomber à la tentation de la dictature. Grâce à l’absence d’armées républicaines, à la corruption, à l’analphabétisme d’une grande partie des peuples, au clientélisme, au culte de la personnalité et tutti quanti. Toutes choses qui engendrent des conflits sociopolitiques. De manière inconsciente ou non, les peuples africains sont eux-mêmes des usines à dictateurs.
La corruption : une gangrène
La corruption est un véritable fléau en Afrique, qui touche particulièrement les élites. En l’absence d’initiatives individuelles ou collectives de production de richesses, l’Etat reste la seule vache à lait. La politique est ainsi le plus grand pourvoyeur d’emplois et le seul moyen de s’enrichir de façon licite ou illicite sans travailler. Cet état de fait inhibe toute initiative et transforme certains agents de l’Etat, mais surtout ceux qui sont au pouvoir ou proches, en de véritables sangsues. Les économies en sont du coup gangrénées.
Si l’argent qui part en fumée au moyen de la corruption était effectivement investi en faveur des populations, l’Afrique aurait fait un grand bond en avant sur la voie du développement. Mais qui refuse de gagner de l’argent sans travailler? Ils ne sont pas légion, ces agents de l’Etat ou hommes politiques en Afrique. De nos jours, ils sont malheureusement comme des espèces humaines en voie de disparition.
La bonne gouvernance n’est pas le fort des dirigeants africains. Bien au contraire, c’est ce qui leur permet de rester au pouvoir en organisant des élections truquées d’avance par l’achat de conscience non seulement des électeurs en majorité analphabètes, mais aussi de ceux qui organisent les élections. Quand ils ne sont pas purement et simplement des dignes représentants de groupements économiques et politiques étrangers qui font feu de tout bois à cet effet.
Marcus Boni Teiga
Journaliste depuis 1987, Marcus Boni Teiga est le Fondateur de Courrier des Afriques.
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