Une fois de plus, des braqueurs se sont « illustrés » dans leur sale besogne en dépouillant de pauvres voyageurs sur la route de Ségou dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 octobre 2012.
« Je quittais Ségou pour me rendre à Bamako. A une centaine de kilomètres deBamako, j’ai vu un véhicule au milieu de la route. J’ai ralenti, pensant qu’il y avait un accident. Je ne pouvais pas soupçonner que ce sont des bandits qui tendaient un piège. Dès que je me suis arrêté, une dizaine de personnes, toutes armées, sont sorties de je ne sais où. Trois d’entre elles se sont dirigées vers moi et m’ont demandé d’éteindre mes phares. L’une d’entre elles a braqué son fusil sur ma tête et m’a demandé de l’argent. Après, c’était au tour des passagers. Tout le monde a été dépouillé de ses biens. Je n’avais jamais vu cela de ma vie. Ce sont des bandits professionnels…», relate le chauffeur du véhicule braqué, Abdou Fomba.
Retrouvé assis hier mardi dans un restaurant de la gare routière de Sogoniko (commune IV), Abdou Fomba est encore sous le choc, terrorisé par l’attaque à main armée que son minibus et ses occupants avaient subie. En cette nuit du 22 au 23 octobre, le véhicule de Fomba et des dizaines d’autres ont subi le même sort. Du coup, ils ont perdu tout ce qu’ils portaient sur eux : portables, argent, etc. Selon des témoignages, plus d’une centaine de téléphones cellulaires et environ 40 millions de FCFA ont été emportés par les malfaiteurs. En moins de 30 minutes (le temps qu’a duré notre entretien), le visage Abdou Fomba (le chauffeur du minicar) a paru plus amaigri. Il a même lancé plus de 40 fois : « Al hamdoulihahi ! ». Presque à chaque bout de phrase, il prononçait le nom de Dieu.
«Si je pense à ce qui s’est passé, je me dis qu’il y a beaucoup plus à faire que de parler des biens perdus. Tout pouvait m’arriver, même perdre la vie. L’image du fusil appuyé sur ma tête ne me quitte toujours pas », explique-t-il. Il parait que cette voie sur laquelle a eu lieu le braquage est beaucoup fréquentée à cause du lien qu’elle établit avec les villes du Mali en général et avec le Burkina Faso en particulier. Aussi, de nombreux véhicules contenant certainement de l’argent et des choses précieuses empruntent cette voie. Et les braqueurs le savent. C’est pourquoi ils ont encore opéré sur cette même voie. C’est dire que, comme certains l’affirment, la route de Ségou demeure toujours « la route du danger et de la mort », et c’est la « chasse gardée » des forces de sécurité que les malfrats violent tous les jours. Et qu’on ne nous dise surtout pas que c’est une affaire de policiers ou de gendarmes.
Ce qui est encore plus intriguant, c’est qu’à Ségou, il y a un grand camp militaire : celui des redoutables Gardes nationaux. Il y a aussi des postes de contrôle, sans compter les patrouilles entre les localités, surtout en cette période de crise que traverse le pays. Mais les braqueurs narguent les forces de sécurité en les défiant sur leur propre terrain. Ce qui, plus qu’un déshonneur, représente une honte, voire une gifle infligée à ces forces. Par ailleurs, ces bandits sont bien organisés : en moins de cinq minutes, voire en deux temps trois mouvements, ils font proprement leur opération avant de prendre la clé des champs.
Qui sont ces malfrats pour être aussi bien organisés, aussi bien équipés et aussi bien renseignés ? En tout cas, en voyant combien ils étaient organisés et équipés, les passagers de la vingtaine de véhicules braqués cette nuit du 22 au 23 octobre cherchent à savoir qui ils sont en réalité. Ils ne paraissent pas comme des bandits ordinaires et leur butin se chiffre à plus de 40 millions de FCFA. On ne sait pas si c’est vrai, mais des langues racontent que souvent, ces braqueurs sont issus des rangs de ceux qui doivent les combattre. Mais cette assertion reste à vérifier. En tout cas, tout paraît désormais possible au Mali depuis le coup d’Etat du 22 mars dernier et la crise du pays.
Les forces de sécurité ne parvenant pas à épingler ces malfrats, le problème devient si profond qu’il mérite d’être repensé dans le sens de l’origine de ces braqueurs peu ordinaires et de la raison pour laquelle on ne parvient pas à mettre le grappin sur eux. Mais il faut reconnaître aussi que nos forces de sécurité sont mal équipées, peu motivées et manquent de logistiques face à des braqueurs aussi armés que Rambo II. Ces éléments de sécurité ont peut-être raison, car comme le dit l’adage, « il ne faut pas se laisser lécher par ce qui peut t’avaler ». Aussi, à leurs yeux, ce n’est pas la peine de prendre des risques et de mourir en laissant derrière soi des orphelins et des veuves après s’être exposé aux balles meurtrières de braqueurs sans foi ni loi. C’est leur boulot certes, mais ces forces de sécurité doivent être sérieusement équipées et motivées pour faire face à leur mission de défense des citoyens et de leurs biens.
L’on espère seulement que ce député d’une localité de la région, qui se rendait dans sa circonscription et qui a été témoin de ce braquage et qui a même failli en être victime, a désormais de quoi formuler une demande dans ce sens à l’Assemblé nationale afin que nos forces de sécurité soient motivées et dotées en moyens conséquents si tant est qu’il s’agit de protéger les populations et leurs biens. Mais il revient aussi aux forces de sécurité de réagir, ne serait-ce que par orgueil, face aux exactions des malfaiteurs, sinon ils continueront de faire le malin devant elles et même devant leurs portes.