Soulignant que les perspectives immédiates sont bonnes pour le Mali, le président du Parti pour la solidarité et le progrès (PSP), Oumar Hammadoun Dicko, indique néanmoins que la résorption de la crise entre les bérets verts et les bérets rouges, la reprise de la révision des listes électorales, la définition de bons termes de référence pour les concertations nationales… sont des passages obligés pour une sortie de crise durable. Interview.
Les Echos : Tout récemment s’est tenue la réunion du Groupe de contact et de suivi sur la crise malienne. Est-ce une rencontre qui a comblé vos attentes ?
Oumar Hammadoun Dicko : Nous nous réjouissons que le Groupe de contact ait pu se réunir à Bamako. Nous pensons que c’était une très bonne idée que la communauté internationale et particulièrement la Cédéao répondent aux attentes non seulement des populations maliennes, mais aussi du gouvernement.
Nous avions interpellé en tant que Parti pour la solidarité et le progrès (PSP) en tant que Front pour la sauvegarde de la démocratique et de la République (FDR) le gouvernement sur cette question. Nous souhaitions que la communauté internationale depuis le début de ce malheureux drame que vit le Mali soit à côté de notre pays et l’accompagne. Nous pensons que c’est un bon départ et que cette rencontre va ouvrir la voie à la résolution de la crise malienne, c’est-à-dire la récupération des territoires occupés du Nord et l’organisation d’élections dans les meilleurs délais.
Les Echos : Quel commentaire faites-vous des derniers développements de la double crise politico-sécuritaire au Mali ?
O. H. D. : Je pense qu’à ce stade, il faut remercier le bon Dieu. Nous revenons de très loin. Cette crise était majeure, elle était multiforme. Nous avons vécu des fractures multiples : fractures politiques, sociales, crise institutionnelle. Il fallait se ressaisir. Et je pense que les uns et les autres, chacun a mis de l’eau dans son vin.
Et je pense que le dialogue, la discussion, les écoutes multiples des uns et des autres par rapport à cette crise institutionnelle, politique et militaire ont permis aujourd’hui d’ouvrir la voie à un apaisement politico-social. Fondamentalement, je pense que les perspectives sont bonnes. Elles sont certainement lentes pour beaucoup, elles sont toujours difficiles et complexes, mais je pense que nous avons mis le train sur les rails. Il va falloir le démarrer.
Les Echos : Qu’est-ce qu’il faut, selon vous, pour juguler la crise ?
O. H. D. : Je dois dire que la crise est à deux niveaux. Il y a la crise au nord, il y a la crise au sud. Je pense que nous sommes en train de régler la question du Sud. La vie constitutionnelle n’est pas totalement effective, mais elle est en train de se normaliser. Dans le cas de figure, il faut savoir raison garder et poser les éléments de ce retour effectif à l’ordre normal un à un. Je pense que c’est ce que le président de la République par intérim fait au quotidien. Et nous FDR l’accompagnons dans ce sens.
Toutes les questions ne sont pas résolues, parce qu’il y a également une crise militaire interne entre bérets rouges et bérets verts qui est extrêmement grave. C’est le réarmement moral de notre armée qu’il va falloir reprendre en main sans occulter la formation de cette armée. Toutes ces choses pourront être réglées au fur et à mesure. Nous espérons que 2013 sera une année nouvelle pour le Mali. Une espérance nouvelle pour notre pays et va créer les conditions à un retour à une vie constitutionnelle normale mais une récupération également de tout l’ensemble du territoire.
Les Echos : L’autre fait majeur de l’actualité, c’est le retour du Mali au sein de l’Union africaine (UA). Comment la nouvelle a été accueillie au PSP et quel commentaire vous en faites ?
O. H. D. : C’est une excellente nouvelle puisque nous ne pouvons pas nous passer de la communauté internationale. Nous devons avoir voix au chapitre et je pense que c’est le début de la normalisation. C’est un premier grand pas parce que nous sommes un des pays fondateurs de l’UA. Et il est important d’entendre la voix du Mali sur les questions primordiales. Je pense que cette première ouverture va créer d’autres ouvertures.
Les Echos : En votre qualité d’ancien ministre des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine, quelle peut être votre contribution pour le retour des autres partenaires ?
O. H. D. : Nous travaillons à cela au quotidien. Non seulement en tant que président du PSP mais en tant que membre également du FDR et en tant que Malien tout court. Je pense que nous avons besoin de ces partenaires. C’est un besoin multiforme. Au sein de la Cédéao, c’est quasiment un droit. Et c’est un devoir pour la Cédéao de venir accompagner le Mali. Donc, nous avons besoin de tous nos partenaires pour toutes les raisons que vous connaissez. Nous allons travailler à ce que chacun d’eux revienne et poursuivre sa coopération non seulement bilatérale mais aussi la coopération multilatérale qui sont des éléments extrêmement importants dans le processus du développement de notre pays.
Les Echos : Le ministre de l’Administration territoriale est accusé par la Céni d’avoir foulé aux pieds la loi électorale en suspendant la révision des listes électorales. Au PSP, êtes-vous d’accord ou non avec le ministre de l’Administration territoriale ?
O. H. D. : Au PSP, nous pensons que ce n’est pas normal que l’on viole la loi. Et que c’est un processus qui doit participer à la préparation des élections. Et qu’à ce stade, il ne faudrait pas créer une crise dans une crise. Je pense que c’est une décision malheureuse qu’on se doit de rectifier immédiatement. Nous pensons au PSP qu’on doit procéder à la révision de ces listes partout où cela est possible et le faire dès que ce sera possible également dans les régions qui sont occupées. On ne doit pas arrêter un processus institutionnel du fait que notre pays est en situation de guerre. C’est une erreur et nous pensons qu’il faut vite la corriger.
Les Echos : Les avis sont partagés sur l’organisation des élections. D’aucuns pensent qu’elles doivent se tenir après la reconquête des régions occupées. D’autres soutiennent que l’un ne dérange pas l’autre. Vous êtes de quel bord ?
O. H. D. : Au PSP, nous pensons que l’un n’empêche pas l’autre et que les élections ne se préparent pas le jour des élections. Elles se préparent des mois à l’avance. Il faut préparer les élections dès maintenant et au quotidien. Il y a un ministère de l’Administration territoriale qui a des instruments pour ce faire et je pense que ces instruments doivent être mis en place bien avant les élections. Et nous pensons bien sûr que les élections doivent se faire autant que faire se peut non seulement dans les délais mais se faire également sur l’ensemble du territoire.
Les Echos : Souscrivez-vous à la proposition faite par les partenaires qui demandent l’organisation des élections au 1er trimestre 2013.
O. H. D. : Nous souhaitons pouvoir organiser les élections au mois d’avril prochain. Le problème n’est pas à ce niveau. Le moment venu, le gouvernement, les partis politiques, les partenaires sociaux feront le point de la situation. Et c’est à partir de ce moment-là, en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain, que l’on pourra dire que les élections sont possibles en ce moment précis ou qu’elles ne sont pas possibles pour telle ou telle raison. Mais on ne doit pas bloquer un processus ou dès maintenant nous imposer un calendrier.
Les Echos : Si on vous demandait d’adresser un message à l’armée malienne, qui sera en première ligne de la libération des régions occupées, quel serait-il ?
O. H. D. : Nous sommes au lendemain de la fête de Tabaski, je pense que c’est une très belle occasion de remercier chacun et de souhaiter bien sûr très rapidement la réconciliation des esprits, la réconciliation des cœurs particulièrement au sein de l’armée parce que nous avons besoin de cette armée. Nous avons besoin d’une armée rigoureuse, réconciliée avec elle-même. Il faut tirer les éléments positifs et politiques de ces six mois.
Il faut savoir tirer également les leçons des 6 premiers mois de cette occupation et il faut accélérer le processus de renouveau et de reconquête. Je présente mes vœux à toutes les Maliennes à tous les Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur, à tous les amis du Mali et que la fin d’année 2012 soit l’année de la renaissance et celle des retrouvailles. Et permettre à notre pays de retrouver la paix, la sécurité dont nous avons vraiment besoin.
Les Echos : La crise du Nord a fait des déplacés et des réfugiés. Avez-vous une pensée pour ceux-ci ?
O. H. D. : J’ai une pensée particulière pour tous nos parents qui sont du Nord du pays. Moi-même je viens de Douentza, c’est pour vous dire tout l’intérêt que je porte à cette situation que je vis au quotidien. Je comprends leur douleur, je comprends leur malheur. Mai je pense que très bientôt les choses rentreront dans l’ordre.
Les Echos : Pour une transition apaisée au Mali, quelle proposition faites-vous au Premier ministre et à son équipe ?
O. H. D. : Je pense qu’à ce stade, il faut que les Maliens puissent se réconcilier. Il faut savoir les apaiser. Et faire en sorte que chacun puisse jouer sa partition. Je pense très bientôt avec l’organisation des concertations nationales, que cela va être un moment de grandes écoutes, un moment également de partage.
Les Echos : Le FDR participera-t-il à ces assises nationales ?
O. H. D. : Nous souhaitons participer aux concertations nationales.
Les Echos : A quel prix ?
O. H. D. : Nous ne voulons pas participer à n’importe quelles conditions. Il faut qu’on tombe d’accord sur les termes de référence. Il faut qu’on tombe d’accord sur la qualité des participants, leur nombre et qu’on tombe également d’accord sur les objectifs. Et nous nous estimons que le président de la République par intérim devrait présider ces concertations nationales pour lui donner toute la force politique.
Je pense qu’il y a un certain nombre de conditions objectives que nous sommes en train de partager avec les uns et les autres y compris les forces politiques, la société civile. Comme je viens de le dire, le gouvernement doit travailler à réconcilier toutes ces propositions en vue d’en faire une proposition commune qui sera la synthèse des différentes propositions.
Les Echos : Au cas où les conditions posées ne seront pas satisfaites, pourra-t-on s’attendre à un éventuel boycott du FDR ?
O. H. D. : C’est trop tôt de parler de boycott. C’est au gouvernement de poser les actes et de comprendre les messages.
Les Echos : Etes-vous d’accord avec la façon de gérer le pays par le gouvernement de transition ?
O. H. D. : C’est un gouvernement d’union nationale. Le FDR est membre de ce gouvernement. Mais cela ne veut pas dire que nous n’allons pas critiquer les actions, qui ne nous conviennent pas mais nous sommes parties prenantes. C’est dans ce sens que nous orientons, nous donnons nos avis, nous disons ce que nous pensons.
Les Echos : Etes-vous candidat pour la prochaine élection présidentielle ?
O.H.D. : Je pense que ce n’est vraiment pas le moment. C’est trop tôt pour en parler. Pour l’instant, libérons le Nord !
Propos recueillis par
Mohamed Daou