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L'Essor N° 17301 du 30/10/2012

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Contribution : La gouvernance aux civils, les militaires au front
Publié le mercredi 31 octobre 2012  |  L'Essor


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Des soldats montent la garde à l`Lumouda Patrice rond-point, à 500m de l`ORTM du Mali la station de radio, à Bamako


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Les civils aux commandes des cités et de l’Etat, les militaires dans les casernes et aux frontières pour la défense du territoire et la sécurité des personnes et de leurs biens.
Ceci est aujourd’hui l’ordre des choses dans les Etats politiquement et économiquement développés du système des Nations unies, qui, du reste, s’échine à l’imposer. La République du Mali, membre du système, doit impérativement se conformer au nouvel ordre. Bien des gens semblent ne l’avoir pas encore compris et d’autres veulent superbement, voire, militairement l’ignorer. Il y a lieu de leur rappeler cette vérité absolue, que nul ne peut échapper aux prises de son temps. Ne pas l’accepter est mortel.
Certes l’histoire des peuples nous enseigne que Napoléon fut le plus grand administrateur de tous les temps. C’est dire, qu’a priori, le génie de la production des biens, des services, des équipements pour un peuple, n’est l’apanage d’aucune profession. Si le génie inventeur de l’empereur a écrasé toutes les tares du système politique d’alors pour offrir au peuple français une avance sur les autres civilisations du monde, l’exemple n’est pas transposable aujourd’hui, ni en France, ni ailleurs, évolution oblige.
Tout au plus les exemples locaux de la gouvernance militaire sont catastrophiques. Notre IIe République fut un règne de 23 ans de reculade, de corruption, de népotisme, de violence meurtrière. Elle fut une République en jachère. Avec la IIIe République, le général président a conduit le Mali à la porte du chaos. Le capitaine Amadou A. Sanogo se chargea de précipiter les deux (ATT et le Mali) dans le précipice. Pour cet acte, il s’estime être le héros national appelé à sauver la République tombée dans l’abîme depuis avril 2012. Le Mali n’a pas encore eu de chance avec ses militaires.
Depuis avril 2012, à défaut de libérer les deux tiers de la patrie, nous assistons à un redressement honteux de l’appareil d’Etat, avec une course accélérée aux nominations d’officiers dans les bureaux climatisés. Les replis stratégiques des généraux de mars et avril 2012 au nord, sont ordonnés depuis, de façon tragi-comique, au sud. Alors que le Mali pleure, nous ne comprenons pas que ses fils, comptables pour l’essentiel de ses larmes, se récompensent grassement en guise de redressement.
Le compte-rendu du conseil des ministres traduit cette fête, en commençant par des promotions individuelles, toujours réservées à la fin, en temps normal. Dans un pays en perdition, on en a honte. La faiblesse d’Amadou Toumani Touré fut en grande partie la cause de la déliquescence de l’Etat et de nos malheurs. Le président Dioncounda doit user de l’autorité que lui confère son statut pour refuser de signer n’importe quoi.
Il y a environ deux mois, les Nations unies avaient invité les militaires de la junte du Mali à rentrer dans les casernes et laisser la gouvernance du pays aux civils. Dans quelques semaines, le Conseil de sécurité va se prononcer sur la requête du Mali, demandant l’aide de la communauté internationale pour recouvrer l’intégrité de son territoire.
Très malheureusement, selon la presse, c’est cette période que les militaires et le gouvernement de transition choisissent pour placer le porte-parole de l’ex-junte à la tête de l’administration de la capitale. Ce sera un bon coup pour eux, mais certainement aussi un coup de poignard dans le dos de la République, quand on sait que ce poste est une vitrine du pays, le gouverneur devant, avec le président de la République, recevoir et raccompagner à l’aéroport tous les grands hôtes du Mali.
Le capitaine, s’il est patriote, doit faire valoir ses mérites au front, pour libérer le Mali, avec la reconnaissance anticipée et les bénédictions du peuple meurtri. Si nous aimons ce pays, il faut arrêter de poser certains actes. Comment les Nations unies vont réagir à cette éventuelle nomination du porte-parole de la junte aux commandes de la capitale, deux mois après leur injonction aux militaires de rentrer dans les casernes ? Que vont penser l’Union européenne, la Cédéao, l’Union africaine ?
Qu’est-ce que le Mali va gagner dans cette nomination en ce moment tragique de son histoire ? Certainement la réprobation de l’institution internationale, de l’Union européenne, des institutions multilatérales, de tous ceux qui se battent à nos côtés pour nous libérer. Au pire des cas, la prise de sanctions précédemment annoncées est à envisager, et même le renvoie de l’examen de la demande malienne alors que notre population croupit dans la prison qu’est devenue le Nord du Mali.
Le président Dioncounda Traoré doit se prémunir contre le guêpier des nominations après la fusillade entre policiers. Il doit surtout se libérer et jouer le rôle qui lui est dévolu par la Constitution, celui du premier magistrat, de premier défenseur des intérêts de la nation. Il doit faire la preuve qu’il n’est pas manipulé par les « Ségoviens ».
A ceux qui jouent aux héros, nous disons que les professions de foi de mars 2012 ne sont pas plus crédibles que celles de novembre 1968, au regard de la course aux postes juteux, alors que la patrie est mutilée. Qu’ils se rappellent qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Qu’ils regagnent le front et nous les célébrerons, l’histoire aussi.
Si notre aspirant-héros avait entendu l’appel vibrant de l’huissier, s’il n’avait attendu les drones (le héros n’attend pas d’être sauvé), s’il s’était jeté à l’eau comme Charles, tout le peuple l’aurait suivi et notre libération aurait été propre de la lapidation d’Aguelhok, des viols de nos enfants et autres crimes salafistes. Si l’aspirant avait foncé, nous l’aurions suivi, comme à la longue marche, et notre libération aurait été complète, malienne, notre fierté historique justifiée et restaurée à jamais.

Bamako, le 28 octobre 2012
Sékou Sissoko

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