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L'Indépendant N° 3133 du 31/10/2012

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Lettre ouverte d’un officier au président de la République par intérim, chef suprême des armées » L’armée doit engager le combat avec les moyens disponibles et attaquer l’ennemi sans délai et sans attendre les soldats de la CEDEAO
Publié le mercredi 31 octobre 2012  |  L'Indépendant


Réunion
© aBamako.com par as
Réunion Extraordinaire du Comite des Chefs d’Etat-major de la CEDEAO
13/08/2012. Bamako. EMP


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Je vous écris cette lettre ouverte aujourd’hui, Monsieur le président, parce que, comme tous les soldats maliens qui ont encore une conscience, ma dignité a été violée, mon honneur amputé, ma liberté empiétée, ma fierté écorchée. Je porte aujourd’hui Monsieur le président, le fardeau de l’affront, de l’humiliation et de la honte.

J’aurais souhaité vous remettre cette lettre ouverte à mains propres, mais j’ai tenté tous les moyens sans succès. Je suis donc désolé que vous appreniez son existence par voie de presse.

L’acte que je pose aujourd’hui devant le destin et l’histoire, n’est ni une incitation à la révolte, ni un appel à la violence. Je suis indigné et révolté.

Mon pays est agressé et occupé dans ses deux tiers par des bandits armés, des barbares apatrides et autres mécréants qui, au nom d’un islam mal assimilé, sèment la terreur dans le septentrion du Mali.

Le nord de mon pays est devenu aujourd’hui une ruche sur laquelle se ruent des abeilles assoiffées. Le nord de mon pays est aujourd’hui une zone de non droit où des exactions les plus inhumaines sont le lot quotidien des populations abandonnées, livrées à elle-même.

Ces braves et innocentes populations martyrisées, violées, séquestrées, engrangées, sont réduites au silence, réduites à la plus petite expression de leur existence.

Devant cette tragédie humaine inqualifiable, Monsieur le président, le silence m’étouffe.

Lieutenant-colonel de mon Etat, officier supérieur de l’armée de la République du Mali, para commando de formation, j’ai été blessé lors de ce même conflit latent et récurrent en 1994, précisément, le 5 octobre, à Temeira, entre Bourem et Tombouctou, à bord du bateau » Général Soumaré » ; j’étais alors jeune Lieutenant et vous, Monsieur le président, ministre de la défense.

Aujourd’hui, je refuse de capituler devant ce diktat et cet affront. Je dénonce l’inaction et l’immobilisme des uns et des autres, la peur de l’ennemi et le manque de volonté réelle de combattre cet ennemi avec les moyens disponibles. Un adage bambara dit, je cite : « quand un serpent sort de son trou pour vous mordre, vous l’écrasez avec le bâton disponible « .

Les Maliens vivent aujourd’hui dans l’indignation et la crainte d’un lendemain incertain, ce lendemain déjà hypothéqué.

Où sont donc Soundiata Kéita, Tièba Traoré, Babemba Traoré, Samory Touré, qui ont préféré la mort à la capitulation, à la honte ? Où est donc ce grand et glorieux Mali dont nous étions tous fiers ? Où est donc l’armée malienne, cette vaillante, brave et intrépide armée malienne qui faisait notre fierté ?

Aujourd’hui, Monsieur le président, comme tout soldat malien qui a encore une conscience, j’ai honte. Oui j’ai honte, Monsieur le président, j’ai honte d’être officier. Oui j’ai honte. Oui aujourd’hui j’ai honte, j’ai honte Monsieur le président, j’ai honte de porter l’uniforme et de marcher dans la rue. Dans la rue, monsieur le président, j’ai l’impression de marcher sur des braises ardentes. Oui aujourd’hui j’ai honte, Monsieur le président, j’ai honte de croiser le regard des autres, ce regard qui me transperce telles des flèches empoisonnées. Oui Monsieur le président, aujourd’hui j’ai honte d’être soldat, j’ai honte de moi-même. Mais je suis fier d’être Malien, car le Malien ne baisse jamais les bras devant l’adversité, le diktat, l’affront, l’humiliation et la honte. Le Malien ne capitule jamais.

Je ne vous apprends rien par cette lettre ouverte, Monsieur le président. Mais au Mali, l’histoire est en marche, rien, nul ne peut l’arrêter.

L’armée malienne a été défaite ; elle est aujourd’hui la risée du monde entier, une sorte de curiosité populaire amèrement célèbre, ses soldats jetés en pâture aux ennemis du Mali. Mais le Mali reste debout Monsieur le président. Des patriotes convaincus et engagés, civils et militaires, sont prompts à relever le défi, à laver l’affront fait au peuple malien et à porter le danger au cœur de Gao, Tombouctou et Kidal.

Depuis le début de ce conflit, l’armée malienne est restée dans une léthargie totale, ballotée entre la peur et le ridicule. Elle est aujourd’hui au bord de l’implosion, minée par de graves dissensions internes, de querelles intestines insensées, de conflits fratricides incompréhensibles, gangrénée par une profonde crise de confiance et de commandement. Il est certain qu’aucune armée ne peut gagner la guerre dans la division, la suspicion et l’indiscipline des hommes. Il apparait aujourd’hui indispensable que l’armée malienne se réconcilie avec elle-même dans un élan de sursaut national, afin d’aller à la reconquête des territoires perdus, unie et solidaire. Il lui faut aujourd’hui engager le combat avec les moyens disponibles et attaquer l’ennemi sans délai et sans attendre les soldats de la CEDEAO.

Ne nous berçons pas d’illusions. L’ennemi, chaque jour, consolide ses positions et renforce ses capacités de combat. Il pose, chaque jour, des actes de défiance à l’Etat, viole, ampute, et tue, pendant que nous perdons notre temps dans des débats stériles interminables et honteux, débats qui se focalisent sur le manque de matériels et une éventuelle intervention de soldats étrangers.

La communauté internationale tergiverse à prendre une décision courageuse. Certains de nos grands voisins jouent à l’hypocrisie, d’autres, prétendent s’en tenir au principe de la neutralité. Pendant ce temps, le Mali se consume et se meurt à petits feux.

Engageons le combat avec les moyens disponibles et attaquons. Les soldats de la CEDEAO nous trouverons sur le terrain.

L’armée malienne, après sa défaite, a opéré un repli stratégique sur le terrain, certes, mais l’armée malienne a cessé le combat ; elle a rangé le matériel et attend aujourd’hui un miracle qui ne se produit toujours pas. En terme clair, opérer un repli stratégique sur le terrain après une défaite militaire ne doit jamais signifier cesser le combat.

En 1940, l’armée française a été défaite, mais l’armée française n’a jamais cessé le combat. L’armée française a même su transformer cette Depuis le début de ce conflit, l’armée malienne est restée dans une léthargie totale, ballotée entre la peur et le ridicule. Elle est aujourd’hui au bord de l’implosion, minée par de graves dissensions internes, de querelles intestines insensées, de conflits fratricides incompréhensibles, gangrénée par une profonde crise de confiance et de commandement. Il est certain qu’aucune armée ne peut gagner la guerre dans la division, la suspicion et l’indiscipline des hommes. Il apparait aujourd’hui indispensable que l’armée malienne se réconcilie avec elle-même dans un élan de sursaut national, afin d’aller à la reconquête des territoires perdus, unie et solidaire. Il lui faut aujourd’hui engager le combat avec les moyens disponibles et attaquer l’ennemi sans délai et sans attendre les soldats de la CEDEAO défaite militaire en un véritable sursaut national et populaire, aidée en cela par des partisans, poursuivant résolument et invariablement son idéal de liberté, de fraternité, d’égalité et de justice dans une France libre et réunifiée. Le peuple français a soutenu l’armée française, parce que l’armée française n’a pas trahi le peuple français.

Et nous ? Qu’avons-nous offert à notre peuple ? Nous lui avons offert un spectacle d’indignation, de désolation et de désespoir, dans une ambiance folklorique frisant souvent le ridicule, dont les pas de danse riment avec les larmes des désespérés. Nous avons trahi le peuple malien, nous avons trahi la confiance du peuple malien et nous lui avons asséné le coup de massue.

Il faut aimer son pays pour accepter de mourir pour son pays. Il faut, Monsieur le président, aimer le Mali pour accepter de mourir pour le Mali.

Depuis le début de ce conflit, Monsieur le président, aucun acte concret n’a été posé pour reprendre l’initiative du combat.

La prise de la localité de Douentza devrait servir de tremplin à l’armée malienne pour engager le combat avec les moyens disponibles. Elle aurait pu ainsi redonner l’espoir au peuple malien, car le peuple malien attendait cela. Mais le peuple malien a été lamentablement déçu, il a vécu cette journée dans l’indignation, l’humiliation et la honte.« Si vous dansez avec aveugle, il faut de temps à autre, lui donner de petits coups de pied, pour lui signifier votre présence, afin qu’il sache que vous êtes toujours là et bien là » a-t-on coutume de dire.

Monsieur le président, parler de la venue ou non des soldats de la CEDEAO, spéculer sur nos matériels militaires bloqués aux ports de Conakry, Dakar, ou de je ne sais où, ne nous avancent à rien. Engageons le combat et attaquons avec les moyens disponibles. On ne peut pas travailler au four et avoir peur de la chaleur.

Monsieur le président, l’histoire militaire de l’humanité est jalonnée de hauts faits qui prouvent à suffisance que ce n’est pas le matériel qui est l’élément déterminant d’une victoire militaire sur le terrain. Ce n’est pas le matériel qui fait la guerre, mais l’homme.

C’est l’homme qui fait la guerre avec son courage, sa bravoure, sa détermination, animé par l’idéal pour lequel il se bat. Pour illustrer cela, Monsieur le président, je citerais seulement deux exemples éloquents :

1- Les soldats français ont été défaits à Dien-Bien-Phu, alors que l’armée française disposait des armes sophistiquées et modernes. Dien-Bien-Phu est resté dans la mémoire collective comme la victoire du plus faible sur le plus fort.

2- L’armée américaine, l’armée la plus puissante du monde, a été mise en déroute au Vietnam. L’utilisation des armes ultra modernes, les plus redoutables, souvent non conventionnelles, n’a pas entamé le moral et la détermination du peuple Vietnamien à se défaire de l’impérialisme américain.

Le matériel militaire le plus sophistiqué, le plus redoutable, reste un tas de ferraille, si l’homme qui l’utilise a peur ou ne croit plus à l’idéal qu’il défend. Un Général français, lors de la deuxième guerre mondiale a dit, je cite : » une armée perd la guerre quand le Caporal mouille sa culotte « . Monsieur le président, nous avons eu peur de l’ennemi, nous avons encore et toujours peur de l’ennemi. Voilà l’amère et triste vérité.

La guerre est un art. Le chef militaire qui se trouve sur le terrain est un artiste. Quatre qualités essentielles lui sont indispensables pour lui permettre de tenir toute sa place au sein de sa troupe et commander. Il s’agit entre autres :

1- De l’esprit de sacrifice ;

2- Du courage ;

3- De la bravoure ;

4- Du caractère.

Il lui faut impérativement concilier ces quatre qualités pour réussir sa mission.

Monsieur le président, la guerre n’a d’autre solution que la guerre. Celle-ci nous a été imposée, tramée de l’extérieur, orchestrée et manipulée par des intelligences non avouées, une agression barbare et inhumaine.

Mais où sont donc les Généraux, Monsieur le président ? Où sont donc les officiers ? Nous avons tous déserté, tous disparu sur la pointe des pieds et à présent nous sommes confinés au fond des chambres, tremblotant au moindre bruit de botte à la porte, la peur au ventre. Tous les officiers, Monsieur le président, devraient passer cette année devant une cour martiale, pour haute trahison, désertion en temps de guerre et abandon de matériels sur le terrain. Mais le peuple malien ne nous a fait aucun procès, parce que le peuple malien est un peuple indulgent, parce que le peuple malien est un grand peuple.

C’est une honte pour nous cette année d’attribuer des grades et de s’entredéchirer pour des promotions, pendant que le reste du peuple croupit au bas de l’échelle. Mais comme le dit Mao, ancien président chinois : » le ridicule ne tue pas l’homme dépourvu de dignité « . Le grade se mérite, il ne se décrète pas. Qu’avons-nous fait cette année pour le mériter ? Nous avons déserté le front, nous avons fui le combat, nous avons fui devant l’ennemi, abandonnant tout le matériel sur le terrain. Toute promotion en grade cette année, au sein des forces armées et de sécurité, est une insulte à la conscience du peuple malien.

Je n’engage aucun bras de fer avec l’armée qui reste ma famille et mon point d’attache. Je dis les choses telles qu’elles sont.

Je mesure toute la portée de mon acte, en tant que soldat, j’en assume l’entière et pleine responsabilité. Ce pays m’a tout donné, en retour je lui dois tout. Et pour le soldat que je suis, ce pays, mon pays est au dessus de toute autre considération. Pour le Mali, nul sacrifice n’est vain. Si je ne peux continuer à vivre dans l’humiliation et la honte, la mort sera alors pour moi une véritable délivrance. Je suis un soldat, Monsieur le président, tenu par le devoir de réserve, censé obéir aux ordres de ma hiérarchie. Mais voyez-vous, Monsieur le président, je suis d’abord au service et aux ordres de mon peuple avant d’être au service et aux ordres de l’armée. Il faut souvent choisir la désobéissance là où l’obéissance est déshonorante.

Dès la diffusion de cette lettre ouverte, on m’enverra sûrement une horde de soldats pour me faire regretter mon acte. Mais les commanditaires d’une telle décision se trompent, car je vis pour un idéal, celui de servir mon pays, en tout temps, en tout lieu, en toute circonstance, sans condition aucune, au prix de ma vie s’il le faut. Aucune force au monde ne peut m’enlever cet idéal. Je suis prêt à mourir pour le Mali, dans une civière, s’il le faut, pour débarrasser définitivement et complètement mon pays de cette vermine. Donnez-moi Monsieur le président, un char, un B.T.R, un B.R.D.M.2 et un commando de 90 hommes équipés en grenades, lance-roquettes et fusils d’assaut ; donnez-moi ces moyens, Monsieur le président, et je vous donnerai 24 heures pour libérer Douentza et marcher sur Gao. Je jure sur ma lignée peuhle et sur mon honneur de soldat qu’il en sera ainsi, ou l’ennemi marchera sur mon corps.

Je mets au défi tout juriste, si éminent soit-il, si émérite soit-il, de condamner mon acte. L’ennemi est-il celui qui prend les armes contre son propre pays, ou celui qui le défend au prix de sa vie ?

J’invite tous les patriotes maliens, civils et militaires, convaincus et engagés, à observer une journée de jeun le lundi 5 novembre 2012 par solidarité avec nos compatriotes du nord, pour partager une journée de souffrance et de douleur avec eux.

Pour ma part, j’ai décidé, à compter de lundi 29 octobre 2012, d’entamer une grève de la faim illimitée: soit l’armée se décide d’engager le combat et d’attaquer avec les moyens disponibles, sans délai et sans attendre les soldats de la CEDEAO, soit on me donne les moyens d’engager le combat tout seul et d’attaquer l’ennemi, ou je meurs sur mon lit.

Ces bandits armés ne sont pas invincibles, ils ne sont pas immortels. Ces bandits armés ne sont pas des diables, ce sont des êtres humains comme nous. Pourquoi avoir peur d’eux alors ? Pourquoi avoir peur de les affronter avec les moyens disponibles ?

En tout cas, moi, Seydou Moussa Diallo, lieutenant-colonel de mon état, officier supérieur de l’armée de la république du Mali, je dis non au diktat. Je refuse tout compromis tant que ces bandits armés occuperont encore un centimètre du territoire de mon pays. La guerre d’abord, la négociation ensuite.

Le bateau-Mali a tangué, mais le bateau-Mali n’a pas chaviré, le bateau-Mali ne va jamais chavirer. Seuls les stupides et les imbéciles osent s’en prendre au Mali. Nous n’échangerons rien contre notre liberté, notre dignité, notre honneur et notre patrie. L’intégrité territoriale de notre pays n’est pas négociable. Nous ne capitulerons jamais. Nous sommes jaloux de notre souveraineté et fiers d’être Maliens.

Il faut aimer son pays pour accepter de mourir pour son pays ; il faut aimer le Mali, pour accepter de mourir pour le Mali. Engageons le combat et attaquons l’ennemi avec les moyens disponibles. Les soldats de la CEDEAO nous trouveront sur le terrain.

Pour la gloire et la grandeur du Mali, nous vaincrons

N.B: Les propos publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement le point de vue du journal et ne sauraient donc d’aucune façon eggager sa responsabilité.

La Direction

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