On souffre actuellement d’une grande peur au Mali. Soit on cherche donc désespérément à se rassurer, soit on tente de soigner sa peur, mais de façon stupide et nocive. Mais pourquoi a-t-on autant peur?
D’abord, on a peur parce qu’il y a des Bérets rouges toujours fidèles au Président déchu (ATT) et des étrangers soupçonnés d’être des mercenaires ou des miliciens pro-ATT qui, chaque fois qu’on les arrête, sont en groupe de deux ou plus. Ils ne sont jamais armés, mais on les accuse de «complot contre l’Etat», de «tentative de coup d’Etat et de déstabilisation »… Ensuite, on a peur parce qu’il y a un sentiment de culpabilité qui dérange tout putschiste. Et il voit l’ennemi partout, dans tous les regards, les gestes et les paroles qui, du coup, deviennent des allusions et des accusations indirectes. En fait, celui qui se reproche bien des choses a toujours des raisons de voir partout le mal, souvent de façon maladive.
Et qui a peur?
En principe, c’est celui qui est en danger et qui n’a pas les capacités de se défendre. Or au Mali, d’un côté, il y a ceux qui sont de la junte, une junte certes avariée, mais qui est considérée comme un Etat dans un Etat. De ce même côté, il y a ceux qui ont pour armée nationale les forces fidèles au CNRDRE, la branche armée de la caserne de Kati. Il y a également la Gendarmerie, la Garde nationale et les Donsos (chasseurs) qui se font passer pour des seigneurs de la brousse dotés de pouvoirs mystiques, alors qu’ils sont jusque-là incapables de rallier le Nord pour combattre les rebelles comme ils l’avaient promis (et à la télé, s’il vous plaît !). A moins que ces Donsos prometteurs ne fassent pas partie de la grande confrérie malienne des Donsos ?…De l’autre côté, il y a les Bérets rouges appelés « anti-putschistes » et les forces fidèles à l’ancien Président (ATT). Ces forces militaires sont devenues des indésirables au sein de l’Armée. Ceux qui sont ce côté sont toujours dans la tourmente, pourchassés, arbitrairement arrêtés et torturés. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont plutôt ceux qui font partie de la junte qui sont amnistiés par l’Accord-cadre, qui paniquent, crient au danger, tirent prétexte de menaces imaginaires et violent les droits les plus élémentaires de l’Homme sans être inquiétés.
La peur du Capitaine Sanogo est-elle devenue une maladie ?
C’est bien de cela qu’il s’agit. Après son « sacre », c’est la peur qui devient un des plus gros problèmes du Capitaine. Aussi fait-il arrêter en restant froid et sans remord. La peur, il en éprouve un état de paranoïa, de démence, de dépendance… Mais lorsqu’on est malade, on se soigne. A Bamako, Sanogo se soigne avec des mises en scène jugées « grotesques » d’arrestations d’individus toujours présentés comme « des mercenaires sénégalais et burkinabés ». Evidemment, ces arrestations finissent toujours avec la libération des prévenus, faute de charges sérieuses contre eux. Mais le drame dans tout cela, c’est que les personnes interpellés ressortent chaque fois en nombre, surtout que ces arrestations sont motivées par la peur panique d’un homme perdu dans ses folles ambitions.
Qu’est-ce qui pourra sauver le Capitaine Sanogo ?
C’est dur à avaler, mais c’est comme ça : le Capitaine se sent perdu. C’est pourquoi il est désespéré et « tire dans tous les sens ». Mais s’il en est arrivé là, ce n’est pas parce que quelqu’un au sein du CNRDRE l’y aura conduit. Non. Sanogo a atteint tout seul son propre point d’achèvement, ou de non retour. Il en a été ainsi parce qu’il s’est servi de subtilités comme instrument d’ascension sociale et politique. Or « le mensonge est un gros arbre qui donne beaucoup de fleurs » mais jamais de fruits », dit-on. Ensuite, il a fait de la violence un « métier d’avenir » pour lui-même et pour les membres du CNRDRE. Résultat : l’interpellation d’hommes instaurée comme mode de vie a terni l’image d’une imposture présentée à la face du monde comme une « nouvelle merveille ». Du coup, pour son propre bien, pour celui de la junte et pour le salut du peuple malien, le Capitaine Sanogo doit « revoir toutes ses copies ».