A Mopti le stress sécuritaire altère l’économie locale ! La psychose, le marasme économique, l’absence de l’état par endroit, flot de déplacés de guerre, la résignation morale, le désespoir, le tableau que présente la Venise malienne est peu flatteur.
Mopti, carrefour commercial entre le nord et le sud du Mali et les pays limitrophes, le tourisme y était jadis bien développé, avec les villes de Djenné et de Mopti et le pays Dogon. Le tourisme, avant 2010, représentait 25% de l’économie régionale.
La région divisée en huit cercles : Bandiagara, Bankass, Djenné, Koro, Mopti, Ténenkou, Youwarou et regroupant 108 communes, était la destination privilégiée des touristes pour les nombreux et précieux sites qu’elle regorge. Des éléments matériels et immatériels, culturels et naturels qui participaient à l’amélioration des conditions de vie des communautés locales. Comme c’est le cas du site des « Falaises de Bandiagara, ou Pays dogon » possédant un patrimoine culturel et naturel riche et varié qui lui a valu son inscription, en 1989, sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en tant que bien mixte.
Malheureusement avec la crise que traverse le pays, Mopti est passée de la zone orange à la zone rouge de l’indice de sécurité de l’Union Européenne. Dès lors le tourisme, principale activité génératrice de revenus pour aussi bien les autorités municipales que les opérateurs économiques du tourisme et de l’artisanat (les hôteliers et les restaurateurs, les guides et les agences de voyage, les transporteurs, les agences de location de véhicules, les artisans et les musiciens) a cessé. Une situation qui a bouleversé de fond en comble le train de vie des populations. « Nous vivons vraiment des moments très difficiles. Aucun touriste ne s’aventure vers ici. Beaucoup de guides ont quitté les lieux pour aller à la capitale. D’autres sont devenus des ‘coxers’. Certains jeunes ont tenté de virer vers l’agriculture mais sans succès. Ça ne va pas du tout.» nous a confié à Bandiagra, Kamian Ousmane de l’Association des Guides et Accompagnateurs Touristiques de Bandiagara.
Le témoignage de ce guide touristique montre à dessein la situation de rupture des activités commerciales des hôtels et restaurants qui désormais, jonglent entre fermeture et licenciement de personnel. Comme l’attestent les confessions de Fousseyni Guindo, le réceptionniste de l’hôtel la falaise à Bandiagara : « Depuis les événements on n’a plus de clients, alors qu’avant ça marchait très bien. L’hôtel pouvait enregistrer avant la crise sur les 26 chambres au minimum 10 à 15 personnes par jour contre zéro client aujourd’hui. La situation est tellement compliquée que la direction a licencié 20 personnes sur un personnel de 26 ». Le marasme économique a atteint tous les secteurs clés de tous les cercles de la région. Les piliers de l’économie locale s’effritent « Vous avez vu l’hôtel Kananga. Il n’y a même pas un client. Et cela dure plus d’un mois. Avez-vous une idée de ce que cela peut avoir comme conséquences néfastes sur l’économie locale? » a renchéri le maire de la commune urbaine de Mopti. Cette interrogation du maire Oumar Bathily, invite à engager une stratégie d’économie de guerre délibérée, ciblée et opportuniste pour soulager Mopti.
Le stress sécuritaire
La population de Mopti, quoiqu’encadrée par les forces armées et de sécurité, ne cache pas son inquiétude. Convaincue comme elle est, que la région est une zone de guerre. Pire, Mopti a souvent l’impression que Bamako n’est pas entrain de réaliser les réalités qu’elle vit. Aussi les populations souhaitent-elles que la crise ne perdure. Se prononçant sur l’état sécuritaire de la région, Seydou Toumani Camara, le gouverneur de la région tentera de rassurer en ces termes : « C’est vrai que la menace est réelle, mais pour autant nous ne sommes pas des pleurnichards. On n’est pas là pour pleurer sur notre sort. Parce que, je dois avouer que d’importantes mesures de précaution ont été prises dans le domaine sécuritaire pour mettre à l’abri la ville de Mopti et sa région de toute surprise désagréable. En clair, je veux dire que nous ne percevons pas un seul instant que des rebelles et d’autre islamistes d’Ançar dine ou MUJAO ou tout ce que vous voulez, ont une possibilité matérielle de venir à Mopti même si quelque part nous avons quelques-uns de leurs éléments basés à Douentza qui font de la diversion. Mais aujourd’hui, là-bas, ils ne font pas plus de 10 éléments ».
Le manque de volonté de l’Etat à manifester de l’autorité et à prendre des risques dans des localités de Mopti ne rassure pas les opérateurs économiques, encore moins les paysans, qui n’en demeurent pas moins motivés pour dynamiser l’économie locale. Une économie qui se meurt à petit feu chaque jour qui passe.
Une économie locale altérée
Avec la partition du pays et l’insécurité entretenue par les islamistes armés et les séparatistes du MNLA, les populations de la région de Mopti vivent quotidiennement dans une grande psychose. Les paysans sont obligés de retourner très tôt au village de peur de se faire tuer dans leurs champs. Quant aux éleveurs, désormais ils ne peuvent plus s’éloigner de leurs campements par peur de se faire voler le bétail. « Les gens continuent leurs activités de pêche ou d’agriculture, mais avec la peur au ventre. Les cultivateurs descendent au plus tard à 16h et les éleveurs ne vont pas plus loin que dans les rayons immédiats de leurs villages. Cette année, beaucoup n’ont pas pu cultiver la totalité de leurs champs à cause de l’insécurité » s’est apitoyé Soumaïla Djindé, le maire de la commune de Koro que nous avons vu sur place.
Des cercles comme DOUENTZA, KORO, BANKASS sont délaissés par les banques et les institutions de micro-finances. Toute chose qui tue l’économie locale. D’autres collectivités plus malheureuses vivent sans administration de l’Etat, d’où le coup de colère du maire de la commune urbaine de Mopti et président régional de l’Association des Municipalités du Mali: « Des zones sont complètement désertées. C’est le cas des communes de TENENKOU, YOUWAROU où il n’y a plus d’administration. L’état n’est plus présent depuis le début de la crise. Les collectivités là-bas, elles vivent comment? ».
Autre signe du ralentissement des activités commerciales dans toute la région, le transport. En effet, de San à Mopti, à peine si nous avons croisé des cars sur la voie. A peine six cars, si ce n’est pas trop, tout le temps qu’a duré le trajet. Le trafic routier est faible sinon inexistant. Et sur le trottoir, plusieurs cars des compagnies de transport en panne qui jonchent la route.
Autre cliché d’une économie asphyxiée, la stagnation des petits commerces et surtout les marchés de nuit. Les produits artisanaux ne se vendent plus. Le poisson est devenu un produit de luxe. La nuit c’est le calme plat. Quelques rares commerçantes aux plateaux presque vides viendront vous tendre des fruits ou des amuse-gueules à vendre.
Aujourd’hui plus qu’hier, Mopti a besoin de ses amis. Ne dit-on pas que c’est dans le malheur qu’on reconnait ses meilleurs amis ? Alors Mopti appelle ses amis au secours, notamment Jean-Louis Tourenne, le président du conseil général d’Ille-et-Vilaine et François BONNEAU, le Président du Conseil régional du Centre en France. Et pour cause, le conseil général d’Ille et Vilaine et la région de Mopti entretiennent des relations de partenariat depuis le 28 avril 1984. Quant à la région Centre (France) et la région de Mopti, elles ont signé un accord de coopération décentralisée le 17 décembre 2005.