Les forces africaines pourront- elles déloger les jihadistes qui occupent les régions septentrionales du pays ? Si oui, à quel prix ? Quels sont les véritables objectifs de l’opération militaire projetée ? Quel accueil les putschistes de Kati réserveront- ils à ces troupes longtemps présentées par la propagande officielle comme des forces d’invasion ?
La Cédéao se prépare pour libérer le Nord
Autant de questions qui resurgissent avec les derniers développements du dossier malien, notamment la résolution adoptée le 12 octobre 2012 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui donne 45 jours à la Cedeao pour présenter un plan d’intervention.
L’arrivée annoncée des forces de la Cedeao en territoire malien est depuis quelque temps incontestablement le sujet qui fait débat au Mali et en Afrique. Longtemps perçue comme un épouvantail que l’on agite périodiquement pour impressionner les groupes armés occupant le Nord du Mali ou la junte au pouvoir à Bamako, cette intervention militaire est désormais envisagée comme une issue inéluctable tant par l’opinion publique que par l’ensemble des protagonistes du conflit.
En effet, les exactions et atrocités commises par le Mujao, Ansardine, Aqmi et consorts contre les populations civiles ont fini par convaincre les plus réticents de la nécessité d’une action urgente pour libérer le Nord du Mali de l’emprise des groupes jihadistes.
Les actes de profanation des lieux de culte ; la destruction systématique du patrimoine culturel et religieux, les crimes de mutilation et de lapidation froidement perpétrés dans les zones occupées par les islamistes armés, sur fond de déliquescence de l’armée nationale, ont fini par convaincre les plus sceptiques de la légitimité d’une intervention internationale au Mali.
Cette intervention, fortement espérée par l’immense majorité des Maliens mais redoutée dans certains milieux, suscite cependant de nombreuses interrogations et fait polémique depuis que l’idée en a été lancée par les dirigeants de la Cedeao.
Les forces africaines pourront- elles déloger les jihadistes qui occupent les régions septentrionales du pays ? Si oui, à quel prix ? Quels sont les véritables objectifs de l’opération militaire projetée ? Quel accueil les putschistes de Kati réserveront- ils à ces troupes longtemps présentées par la propagande officielle comme des forces d’invasion ?
Autant de questions qui resurgissent avec les derniers développements du dossier malien, notamment la résolution adoptée le 12 octobre 2012 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui donne 45 jours à la Cedeao pour présenter un plan d’intervention.
Quelles sont les chances de succès de l’opération Timbuctu ?
Timbuctu, c’est, selon la presse internationale, le nom de baptême donné à l’intervention qui sera menée par la Cedeao, sous l’égide des Nations Unies, pour bouter hors du territoire malien les hordes d’islamistes et les réseaux criminels qui se sont emparés des trois régions administratives constituant ce qu’il est convenu d’appeler le Nord Mali. Il s’agit des régions de Tombouctou, Gao et Kidal, soit plus des deux tiers de la superficie du pays.
La Cedeao compte déployer au moins 3 000 hommes au Mali. Les troupes déployées pourront s’appuyer sur une logistique composée au sol de véhicules militaires adaptés au désert malien, d’un système de communication et de coordination intégré. Un dispositif d’appui aérien constitué d’appareils de combats et de reconnaissance devra permettre de couvrir les mouvements des forces islamistes et de mener des opérations ciblées contre leurs bases, leurs dépôts d’armements et de munitions.
Mais il s’agit d’un concept opérationnel complexe: devant être menés sous l’égide d’un commandement intégré composé d’officiers ressortissants des Etats membres de la Cedeao et d’officiers locaux, les combats seront d’abord et avant tout l’affaire des soldats maliens.
En effet, l’intervention militaire de la Cedeao s’inscrit dans une logique d’appui à l’armée malienne. C’est donc cette armée et ses forces qui seront véritablement en première ligne. Ce choix est dicté autant par les considérations purement militaires que par des préoccupations politiques.
Sur le plan militaire, l’armée malienne est sensée avoir une meilleure connaissance du terrain, et politiquement il serait du plus mauvais effet que la reconquête des régions occupées se passe sans cette armée ou qu’elle se fasse en reléguant celle – ci à un rôle de faire – valoir.
En clair, le schéma opérationnel arrêté est le fruit d’un compromis laborieux entre la Cedeao et les autorités actuelles du Mali, qui ne se sont ralliées à l’idée d’une intervention militaire internationale que contraintes et forcées. Le pouvoir de Bamako, privé de l’aide budgétaire depuis le coup d’Etat du 22 mars, et en déphasage avec une opinion publique nationale acquise à la libération des régions du Nord par tous les moyens, ne pouvait plus se payer en effet le luxe de narguer le monde entier et de vivre dans un splendide isolement en récusant toute intervention étrangère.
Qualifié de serpent à trois têtes par la presse locale, avec un premier ministre de Transition boulimique, une Junte omniprésente et interventionniste, un président par intérim animé des meilleures intentions mais tragiquement impuissant, l’attelage improbable qui gouverne le Mali a donc du procéder à une révision déchirante de stratégie pour rejoindre les rangs des partisans d’une reconquête du nord avec l’appui des forces de la Cedeao.
Cette reconquête, qui s’annonce délicate et périlleuse, aura un prix, mais aussi un coût.
La libération du Nord, à quel prix ?
Au plan militaire et sécuritaire, tout le monde s’accorde à dire que l’élimination des groupes terroristes du Nord du Mali sera tout sauf une promenade de santé. C’est pourquoi peu d’observateurs se risquent à pronostiquer une guerre de courte durée et d’aucuns n’hésitent pas envisager un scénario à l’afghane ou à la somalienne.
Depuis qu’ils se sont emparés de ces régions, les jihadistes y ont renforcé leurs positions en se dotant d’armes, de munitions et de véhicules en grande quantité. Ils y ont également crée des réseaux de soutien parmi les populations civiles, notamment au sein d’une jeunesse dont la précarité économique s’est aggravée avec l’effondrement de l’Etat et la baisse de l’activité économique.
A tous ces facteurs, il faudra ajouter la forte détermination des jihadistes. Il est en effet hautement probable que les combattants islamistes occupant les régions nord du Mali opposeront une résistance acharnée aux troupes maliennes et aux soldats de la force malienne. Ils n’hésiteront certainement pas à recourir aux moyens les plus extrêmes, aveuglés qu’ils sont par un endoctrinement qui n’a rien à envier aux techniques de lavage de cerveau expérimentées en Allemagne nazie et au Cambodge de Pol Pot.
Vaincre les groupes jihadistes, détruire leurs bases et éliminer leurs cellules opérationnelles dans un délai raisonnable dans des régions présentant des caractéristiques physiques et climatiques particulièrement rugueuses, tels sont les défis auxquels la coalition militaire internationale et l’armée malienne devront faire face au Nord.
Le succès de l’intervention militaire envisagée passera en tout état de cause par un engagement et une détermination sans faille, une préparation rigoureuse, le réarmement tant moral que matériel de l’armée malienne, étape préparatoire indispensable à toute reconquête, et l’engagement de moyens matériels et logistiques conséquents. Il passera, comme toute guerre, par des dégâts matériels mais aussi et surtout par des pertes en vie humaines et de nombreux blessés tant au sein des forces coalisées que parmi les populations civiles.
Quel sera le coût de l’opération ?
Nul ne peut déterminer le coût définitif de l’opération d’envergure en gestation pour reconquérir le Nord du Mali. Tout au plus, attend – t – on de l’Union africaine et de la Cedeao une estimation des moyens humains et logistiques nécessaires au lancement de l’opération. C’est le sens de la résolution 2071 du Conseil de Sécurité des Nations – Unies qui engage les deux organisations à présenter un plan d’opération comportant des indications chiffrées sur les points précités.
Il est vraisemblable cependant, en raison précisément des enjeux de la partie qui se joue au Nord et surtout au regard des dangers qu’elle fait peser sur la sécurité dans le sahel et dans le reste du monde, que la Communauté internationale ne lésinera pas sur les moyens pour débloquer les concours financiers et fournir les moyens logistiques et matériels nécessaires. Il va de soi que le citoyen malien sera également mis à contribution à travers la levée d’impôts et divers prélèvements obligatoires.
Quels sont les objectifs de l’intervention ?
Les officiels de la Cedeao évoquent grosso modo quelques objectifs lorsqu’il est question de l’intervention militaire envisagée au Mali : restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire en libérant les zones occupées, sécuriser les zones libérées et éliminer les groupes armés qui y font leur loi depuis le mois d’avril 2012. A ces trois objectifs, il convient d’ajouter un autre: la sécurisation des institutions de la Transition.
Annoncé par la Cedeao aussitôt après la signature de l’accord cadre du 6 avril 2012 avec la junte militaire, cet objectif a connu des fortunes diverses. Il a été à nouveau brandi par l’organisation ouest – africaine comme une menace adressée à la Junte et à ses soutiens au lendemain de l’agression contre le Président intérimaire, qui dut alors quitter le Mali pour bénéficier de soins médicaux en France.
Après le retour de M. Dioncounda Traoré à Bamako, l’idée d’une intervention internationale pour sécuriser les institutions de transition était presque tombée dans l’oubli.
Après moult tergiversations et volte – face un consensus sera finalement trouvé entre la Cedeao et la Junte sur cet objectif controversé, qui implique nécessairement le déploiement des troupes de la Cedeao sinon à Bamako, tout au moins à proximité de la capitale malienne.
De fait, aux yeux de nombreux experts, une intervention militaire de la Cedeao aurait très peu de chances de réussite si un volet important n’était pas consacré à la stabilisation de la situation sécuritaire et politique au sud. C’est, du reste, la position constamment défendue par les Etats – Unis. La France s’y est publiquement ralliée, par la voix de François Hollande, qui ne manque aucune occasion pour rappeler cet objectif lorsqu’il évoque le Mali.
Quel accueil aux troupes de la Cedeao ?
La classe politique malienne – et partant l’opinion publique nationale – est très divisée sur la question d’une intervention militaire internationale pour libérer le Nord du Mali. Si le Fdr n’a jamais fait mystère de son adhésion à un tel projet, il en est différemment des partis et organisations qui soutiennent les auteurs du putsch du 22 mars 2012. D’ailleurs, ces derniers ne cessent de battre le pavé à Bamako depuis plusieurs mois pour manifester leur hostilité à toute intervention étrangère, derrière laquelle ils perçoivent un subterfuge pour renverser la junte.
L’extrême mansuétude des membres de la Junte et du Premier Ministre à l’égard de ces anti – Cedeao regroupés au sein de la Copam (Coordination des organisations patriotiques du Mali), en dit long sur la méfiance profonde que l’intervention projetée inspire aux tenants du pouvoir à Bamako.
Après le battage médiatique et la campagne de dénigrement menés par les partisans du putsch, la question de l’accueil qui sera réservé au Mali aux militaires de la Cedeao se pose avec acuité. Elle préoccupe toutes les chancelleries étrangères à Bamako et est étudiée actuellement avec un très grand sérieux par les pays devant fournir des troupes pour appuyer le Mali dans sa guerre contre les bandes armées occupant le Nord du pays. Il faudra sans doute lancer une grande opération de communication pour sinon effacer, du moins, réduire les séquelles de cette campagne xénophobe, dont l’impact sur les populations ne doit point être sous – estimé.