Selon la coutume, les circoncis mettent une semaine de au cours de laquelle une cérémonie festive est organisée chaque nuit pour eux par les habitants du village. Les « solimadén » (circoncis) et les autres spectateurs dansent ainsi au son du balafon ou du tam-tam. Au cours de cette cérémonie, la famille du circoncis offrent des cadeaux, des bœufs, des moutons, des chèvres, des céréales, de l’argent…Ces cadeaux servent les « solimadén » tout au long des 30 jours qu’ils doivent passer dans le «solimablon » (chambre des circoncis). Après leur sortie, c’est le « fari-fari bla » (dance) des « démba » (littéralement : mères des enfants).
En milieu bamanan du Bèlèdougou, la circoncision est l’occasion d’une cérémonie festive de la convalescence jusqu’à la sortie des « solimadén». Ces manifestations ont un caractère significatif pour l’adolescence du circoncis qui sort ainsi de la « saleté » du « bilakoroya » pour embrasser la propreté, la maturité et la responsabilisation d’un homme adulte qui va désormais débuter une nouvelle vie, la vraie vie, car chaque homme constitue à lui seul un foyer, indépendamment dev celui des siens. Dès que la décision est prise au niveau du village, par les sages et les dignitaires, de circoncire les enfants en âge pour cette circonstance, la famille de chaque enfant concerné s’adonne aux préparatifs de cette cérémonie de circoncision commune de tous les adolescents du village.
La danse du « solimadén »
Sept jours durant, toutes les nuits, au son du balafon ou du tam-tam, les « solimadén » et d’autres villageois dansent jusqu’au petit matin. La circoncision en elle-même obeit fondamentalement à deux « rites » : un rite public qui se manifeste par la fête, la danse, les cadeaux et la joie. Aussi, au cours de chaque danse nocturne, des cadeaux et des promesses pleuvent, venant des relations parentales et amicales. Mais aussi festive qu’elle soit, cette cérémonie ne saurait dissiper de la mémoire des circoncis la souffrance jusque-là inconnue de cette dure épreuve qu’est la circoncision. Cependant, quelle que soit l’angoisse et la souffrance, aucun des circoncis ne penserait à se soustraire de l’épreuve de la circoncision le jour J.
Il ne se passe une seule nuit de cette danse sans qu’on ne voie un homme adulte sortir de la foule et demander aux musiciens de faire taire les sons un petit moment. Alors, à haute voix, il appelle un des « solimadén » et avance avec ce dernier au centre du « fèrè » (de la scène) au milieu de la foule à laquelle il s’adresse : « Toi Madou (ça peut tout aussi être Oumar ou un autre), tu es l’ami de mon fils. Moi, je suis l’ami de ton père et le père de ce dernier fut l’ami de mon grand-père. Donc, par respect et pour consolider cette vieille amitié, je profite de ta circoncision pour te faire cadeau d’un bœuf et deux sacs de céréale ». Alors, il quitte aussitôt les lieux et tambours recommencent à résonner de plus belle dans un brouhaha aussi assourdissant qu’étourdissant. Ainsi, les parents des autres « solimadén » se présentent tour à tour au centre du « fèrè », déclinent leur identité et offrent un cadeau quelconque tout en déclamant les hauts faits et les relations lointaines qui lient leurs familles respectives à celles du nouveau circoncis.
Le rite secret et le « fari-fari bla » des « démba »
A l’aube de la dernière nuit de ces cérémonies de danse du « solimadén », tous les « bilakoro » (non circoncis) à circoncire rejoignent « diéla », l’endroit où les « bilakoro » seront un à un circoncis par le « Noumoukè » (le forgeron), en commençant toujours par les enfants forgerons, s’il y en a parmi les enfants à circoncire : comme quoi, à tout seigneur et saigneur tout honneur ou…horreur. Après cette épreuve fatidique (car elle peut entraîner des morts provoquées par des personnes mal intentionnées, des sorciers ou sorcières qui profitent de cette épreuve pour jeter de mauvais sorts aux circoncis. Dès que le forgeron a fini de passer tous les « bilakoro » au « billard », ou du moins au couteau, c’est-à-dire par la phase la plus importante et la plus décisive de la vie de ces « solimadén » qui consiste à devenir des hommes adultes aptes à se marier et à fonder un foyer, une famille et à avoir des enfants.
Le « sehma » va alors au village avec son « n’gosson » (instrument traditionnel de musique) et se présente dans chaque famille d’un circoncis pour déclarer la bonne nouvelle en jouant son instrument. Soulagées et rassurées, les mères de ces enfants se mettent alors à danser : c’est que pendant longtemps, elles étaient partagées entre mélancolie et angoisse et craignaient pour la vie, sinon la survie de leurs enfants circoncis, surtout qu’en milieu bamanan, la circoncision est le plus souvent une occasion, pour certains, de faire preuve de méchanceté. Aussi, ces mères entonnent ensemble cette chanson : « Fari fari ya la, né doua dari ya la…». Elles clament ainsi cette chanson en appelant chaque circoncis par son nom pendant qu’elles passent dans la famille de chaque enfant circoncis. Mais personne ne doit voir le visage de ces femmes : aussi s’habillent-elles de toutes les manières : en pantalon, en culotte, avec des souliers, en haillons…bref elles font du « korodouga ya » (pitrerie coutumière à une certaine race au Mali). En fait, la joie de ces femmes est en ce moment double, tout d’abord parce que leurs enfants ont survécu à l’épreuve, ensuite parce qu’ils sont désormais devenus des hommes aptes à épouse une femme et à fonder une famille.