Après sa rencontre avec Blaise Compaoré, le 6 novembre à Ouagadougou, le mouvement Ansar Dine a avancé ses pions. Le mouvement qui occupe la ville de Tombouctou s’est dit disposé au dialogue avec les autorités de la transition malienne pour une solution pacifique à la crise. Il s’est aussi engagé à « observer un arrêt total des hostilités », à « lutter contre la criminalité transfrontalière organisée » ainsi qu’à se démarquer de « toute forme d’extrémisme et de terrorisme ». Toutefois, l’on est resté sur sa faim par rapport à deux questions importantes sur lesquelles le mouvement était très attendu. La première problématique est la charia ou loi islamique que le mouvement applique dans la zone sous son contrôle. La rencontre du 6 novembre était présentée comme celle au cours de laquelle Ansar Dine devait clairement dire qu’il renonçait à la charia. Le médiateur de la crise malienne ainsi que son ministre des Affaires étrangères, Djibrill Bassolet, faisaient savoir à l’avance qu’Ansar Dine devait renoncer à l’application de la charia. C’était même une condition préalable à tout dialogue. Mais à l’arrivée, pas un mot sur la question. Le porte-parole de la délégation, interrogé à ce sujet par la presse, s’est contenté de dire : « Ce n’est pas le lieu d’en parler ». La charia semble être devenue subitement un sujet tabou. Or, au tout début de la crise et de la médiation, Iyad Ag Ghali et ses hommes martelaient que la charia n’était pas un sujet discutable. En d’autres termes, qu’il n’est pas question qu’ils s’en démarquent. La deuxième question essentielle est le lien entre Ansar Dine et Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). La médiation burkinabè voulait que le mouvement islamiste coupe le cordon ombilical avec cette filiale d’Al Qaïda. Ici aussi, c’est le silence. En somme, et sur ces deux sujets importants, la montagne du premier round de négociations avec Ansar Dine a accouché d’une souris. Les questions essentielles ont été occultées. Il faudra sans doute une autre rencontre pour qu’Ansar Dine se prononce clairement sur la charia et ses liens avec AQMI. A moins que le tout n’ait été noyé dans des formulations peu claires. En effet, on se demande par exemple à quoi correspondent les hostilités pour lesquelles le mouvement s’est imposé un arrêt total. Fait-il allusion aux préparatifs de l’intervention militaire en cours ? En outre, faut-il voir dans le rejet de « toute forme d’extrémisme et de terrorisme » une renonciation voilée à l’application de la charia, à la destruction du patrimoine culturel de Tombouctou, etc. ? Si c’est le cas, pourquoi ne pas le dire dans un langage clair ? En ne le faisant pas, on en vient à douter même de la sincérité du mouvement islamiste. C’est à se demander si tout ce discours, si cet activisme d’Ansar Dine n’a pas pour seul but de faire diversion, de donner l’impression de vouloir négocier pour juste retarder l’intervention militaire. Mais attention à ne pas se faire prendre à son propre piège. A force de vouloir tromper tout le monde et tout le temps, on finit par ne plus se faire prendre au sérieux.