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Maire de Tombouctou : Vivement la guerre pour recouvrer la dignité humaine perdue
Publié le vendredi 9 novembre 2012  |  L'enquêteur




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En marge du forum des collectivités locales sur la gestion de la crise au Mali, tenue du 05 au 07 novembre 2012 au CICB, le maire de la ville de Tombouctou a bien voulu se prêter à nos questions. Hallé Ousmane se dit convaincu que la guerre de libération de Tombouctou s’impose pour apaiser la souffrance des populations de la région qui subissent les violences et humiliations de toutes sortes. « La liberté n’a pas de prix. Vous savez, un homme a tout perdu quand, à sa présence, on frappe sa femme et ses enfants. Et impuissant, il ne peut broncher. Qu’est ce que lui reste dans le cœur ? Qu’est ce qui lui reste comme conscience ?»

L’Enquêteur : Monsieur le maire, pouvez vous nous raconter le calvaire que vivent les populations de Tombouctou ?

Le Maire de Tombouctou : Quand dans une ville, il n’y a pas une économie, il n’y a pas une administration, il n’y a plus l’autorité de l’état et l’on se gère comme ça, cela veut dire que Tombouctou ne se porte pas bien. Chacun gère sa famille comme il peut. A Tombouctou, vous n’avez plus de compte à rendre à qui que ce soit. Ni être à la charge de qui que ce soit. Personne ne s’occupe de votre sécurité ni de vos biens. En conclusion rien ne va à Tombouctou.

L’Enquêteur : Comment fonctionne le conseil municipal puisque des élus sont restés ?

Le Maire de Tombouctou : Je suis désolé. Le conseil municipal n’existe pas du moment que la ville est sous occupation. Mis à part un seul de mes adjoints, notamment le 3e et quelques conseillers, la ville s’est vidée de ses élus à cause de tout ce que vous savez. A Tombouctou, il n’y a pas de conseil puisqu’il n’ya pas de maire en fonction ou bien un conseil qui peut se réunir.

L’Enquêteur : Pourtant vous avez choisi d’y rester ?

Le Maire de Tombouctou : Merci, c’est une bonne question. Oui, J’ai choisi de rester à Tombouctou malgré les mille et un problèmes. Parce que je reste convaincu que je suis plus utile à la population là-bas à Tombouctou qu’ici à Bamako.

L’Enquêteur : Comment ?

Le Maire de Tombouctou : Ma présence à Tombouctou a beaucoup servi à ma population. Eh! On a évité le pire. Quand on détruisait les mausolées et cassait tout symbole de l’état, immédiatement une commission de crise a été mise en place dont je suis le président. Et ladite commission a eu pour tâche la sensibilisation de la population. La commission invitait les populations à ne pas répondre aux provocations. Vous savez, ces mausolées peuvent être reconstruits, mais on ne peut pas reconstruire la vie d’un homme. Ainsi nous avons convaincu le population de ne pas s’opposer, parce qu’en le faisant, elle se ferait tout bonnement massacrer et nous serions entrain de pleurer nos morts. Même cinq années après le recouvrement de la paix et de notre liberté, on peut reconstruire nos mausolées et la place de l’indépendance, mais on ne peut pas reconstruire un homme.

L’Enquêteur : Une intervention militaire éminente se prépare pour la libération des régions nord occupées. Avez-vous des préoccupations quant aux conséquences collatérales que cela pourrait avoir sur les populations restées sur place ?

Le Maire de Tombouctou : La liberté n’a pas de prix. Qu’on ne se leurre pas. La liberté n’a pas de prix. Vous savez un homme, a tout perdu quand à sa présence on frappe sa femme et ses femmes. Et impuissant il ne peut broncher. Qu’est ce que lui reste dans le cœur ? Qu’est ce qui lui reste comme conscience ? Quand on ne peut plus assurer le minimum de sécurité à sa famille et que devant toi, on peut se permettre tous les abus possibles sur elle sans que tu ne puisses avoir la moindre réaction, de peur de se faire tuer, on finit par s’enfermer sur soi-même. La dignité bafouée, on n’a même plus le courage de regarder les siens en face. Tout ça, parce que les autres ont une arme et toi rien. Vous voyez, la liberté n’a pas de prix. On est conscient qu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs, mais dans tous les cas, ceux qui survivront à cela, au moins, vont recouvrer leur liberté. Aujourd’hui à Tombouctou, on ne peut même pas écouter son téléphone chez-soi, dans sa propre maison. Même les moments de réjouissance, il faut les exprimer de la manière la plus discrète possible. Je dirai même en sourdine. En somme, pour dire que pour nous autres qui, sommes là bas, nous souhaitons que l’intervention militaire intervienne le plus rapidement possible.

L’Enquêteur : D’aucuns pensent qu’il faut négocier. A votre avis, la négociation est-elle une bonne approche ? Et si oui avec qui négocier à Tombouctou?

Le Maire de Tombouctou : Merci. Vous avez parlé de négociation, c’est méconnaître les gens qui sont sur le terrain à Tombouctou. En principe, on négocie avec un malien qui s’est révolté contre une décision de l’Etat. Ce faisant, on négocie sur le point de contestation pour tomber d’accord et passer à autre chose. Mais quand les occupants sont tous des étrangers qui viennent d’horizons différents, qui ne sont même pas des africains; est-ce qu’on peut négocier et qu’est ce qu’on va négocier avec eux ? A part les quelques algériens et tunisiens qui sont parmi eux, le reste sont des pakistanais, des afghans et autres. On va négocier quoi avec eux ? Ce n’est pas possible. Et aujourd’hui ANÇAR DINE qui les a envoyés à Tombouctou n’est plus maître du terrain. C’est AQMI qui gouverne, c’est BOKO HARAM qui gère. Le MNLA qui avait revendiqué à un moment l’AZAWAD, a été chassé des régions du nord. Aujourd’hui eux-mêmes se cherchent. Ils ne revendiquent plus la partition du pays. Ils cherchent tout simplement à être considérés comme des maliens et négocier.

L’Enquêteur : Monsieur le maire, sur la crise au nord les causes sont plurielles et parfois floues à saisir. En tant que maire de la ville de Tombouctou, quels sont selon vous les vraies causes de ces crises dans le septentrion du pays ?

Le Maire de Tombouctou : A Tombouctou la rébellion nous a été imposée par des gens venus de Kidal. Mais je sais que dans la région de Kidal, il a toujours été question de la mauvaise répartition des richesses du pays, mais nous c’est différent. Les jeunes gens ont été recrutés sur place et enrôlés. Cette rébellion est venue avec le départ de Kadhafi et l’arrivée des éléments armés, mais dans la ville de Kidal. Ceci dit, vous ne trouverez pas des habitants à Kidal qui ont pris des armes contre l’Etat. Je me suis entretenu avec le chef-rebelle de Tombouctou. Je lui ai dit ceci, si vous êtes venus pour revendiquer, si vous vous insurgez contre le retard accumulé par les régions du nord comparativement à celles du sud, pourquoi alors détruire l’existant ? Pourquoi brûler ce qui est là ? Est-ce que vous avez les moyens de tout reconstruire ? Pourquoi ne pas sauvegarder le minimum trouvé sur place ? Pour l’améliorer plus tard? A Tombouctou, tous les véhicules de l’Etat et de certains privés sont enlevés pour Kidal. Vous cassez les banques. Il n’y a plus une seule chaise dans aucun bureau. Ma mairie a été brulée, saccagée. C’est ça le développement ? Je dis non.

Je crois en toute sincérité que ces gens-là ne sont pas venus pour occuper et essayer de développer les régions nord du pays. Non, non et non. Ils sont venus pour détruire. Seul Dieu connaît leurs vrais objectifs.

Ange De Villier

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