Les enfants maliens réfugiés au camp de M’berra perdent leur vie pour que les groupes islamistes au Nord Mali combattent les gouvernements des pays limitrophes. Ils sont recrutés par les groupes armés actifs dans le Nord du Mali. Ils sont tués dans leurs combats et attentats.
Mohammed est un ancien soldat d’Al Qaïda dans le Maghreb Islamique (AQMI). Il a adhéré à cette organisation à l’âge de 15 ans, avec 16 autres adolescents maliens. Ils ont été entraînés à Aghabob, au Nord Mali. D’autres jeunes du même âge, algériens notamment, auraient été entraînés avec eux.
Selon Mohammed: «Les groupes islamistes recrutent aux frontières entre le Mali et la Mauritanie, des jeunes comme moi pour commettre différents types d’opérations au nom de l’Islam. Ils les exploitent également à des fins militaires, surtout pour l’espionnage aux frontières entre le Mali et le Niger, entre le Mali et la Mauritanie et avec l’Algérie.
Pire: ils les envoient perpétrer des attentats. Dans plusieurs régions, notamment à In Khalil, sur les frontières entre le Mali et l’Algérie, les enfants sont orientés vers la mendicité pour camoufler leur mission réelle qui est l’espionnage pour le compte de ces groupes,» explique-t-il.
L’histoire d' Abderahmanen’est pas très différente. Il est ex-combattant à Ansar’dine au Nord-Mali. Il a aujourd’hui 17 ans. Il y a 2 ans, il a volé le fusil de son père qui était soldat à l’armée malienne. Par crainte de la punition du père, il a joint l’organisation extrémiste.
«La formation militaire a duré 6 mois. Elle s’est déroulée dans la région de Taghar Gharine (Adrar Tigharghar). Elle m’a permis d’apprendre l’usage de plusieurs types d’armes: Kalachnikov, Dushka, RPG 14,5… Après la formation, j’ai appelé mon père dans l’objectif de retourner chez moi. Mon père m’a menacé. Il a dit qu’il va me jeter à jamais en prison s’il réussit à mettre la main sur moi.
Je suis devenu alors plus déterminé à rester au sein d’Ansar’dine. J’étais convaincu que je faisais le djihad pour le sanctuaire d’Allah. Je souhaitais la mort chaque jour pour avoir accès au paradis et me débarrasser des souffrances de la vie» a déclaré Abderahmane. Selon lui, près de 30 jeunes de 10 ans prenaient part à cette formation militaire.
Youssouf a connu un sort similaire. Il était combattant au Mouvement de Macéna d’obédience peule née du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad dans l’Afrique de l’Ouest (MUJAO). Il a 16 ans. Il raconte: «J’ai participé à 15 combats, dont le plus récent est l’attaque du Mouvement peule Macéna contre l’armée malienne à Nampala, près des frontières entre le Mali et la Mauritanie, le 16 janvier 2015» a-t-il déclaré. «Mais» précise-t-il «je ne sais pas combien de personnes j’ai tuées dans les 15 combats auxquels j’ai pris part».
Le MUJAO recrute, lui aussi, des soldats parmi les enfants et adolescents. Youssouf est un jeune de 17 ans. Il raconte: «A l’âge de 12 ans, je rêve déjà de porter les armes. Quand la révolution de l’Azawad est déclenchée en 2012, j’ai rejoint le Mouvement national pour la Libération de l’Azawad (MNLA). Mais, comme il n’avait pas assez de moyens, je l’ai quitté pour le Mouvement pour l’Unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Celui-ci me payait mensuellement 50.000 FCFA (75 €)». «Je cherche depuis mon enfance à me venger du gouvernement malien qui a assassiné mon père» argumente le jeune.
Mourad aurait affiché son opposition aux attentats du MUJAO. Il aurait refusé de combattre les autres mouvements armés du Nord-Mali. Son seul ennemi aurait été le gouvernement du Mali. Pour ces raisons, les leaders du mouvement lui sont devenus hostiles. D’où sa décision de fuir le MUJAO.
Il précise: «le mouvement préparait les enfants pour perpétrer des attentats. Nous sommes rassemblés pour choisir parmi nous un candidat. J’étais opposé au principe d’attentat. Du coup, j’ai pris la poudre d’escampette. J’ai marché à pied pendant deux jours, aux montagnes de N’beeg, pour échapper au groupe de recherche qui me suivait.
Ce groupe avait reçu des instructions fermes de me liquider dès que j’apparais au grand jour. Mais, des éleveurs m’ont prévenu et m’ont aidé à me cacher et me sécuriser» déclare-t-il. Aujourd’hui, Ibrahim n’a qu’un seul souhait: retourner en classe et laisser derrière lui ces deux années qu’il a passées au rang du MUJAO.
Nabila est mère d’un enfant soldat de 14 ans. Son fils a été tué lors des attaques françaises contre les mouvements islamistes à Tombouctou. Selon elle «les mouvements djihadistes n’imposaient pas aux enfants de les joindre ; mais, ils les incitent avec le paiement de quelques petites sommes.
Ils ‘sensibilisent’ les enfants et jeunes des villages et campements sur la lutte contre la gabegie et contre les corrompus à travers l’application de la charia». «Ces campagnes de sensibilisation ont conduit au recrutement de 300 enfants soldats entre novembre 2012 et début 2013» a-t-elle précisé.
Nabila affirme que beaucoup d’enfants soldats ont regagné les siens après l’intervention de l’armée française, mais «ils adoptent une idéologie djihadiste». Elle précise: «j’ai vu un ancien enfant soldat expliquer à ses collègues comment utiliser professionnellement une arme».
Mohamed Mahmoud Aboulmaâli, spécialiste des mouvements islamistes dans le Sahel, estime que «ces groupes exploitent la pauvreté, l’analphabétisme et l’inactivité des familles de ces enfants. Ils promettent alors aux enfants le paradis qui les attend aussitôt après leur mort dans des combats. Il leur paie également des sommes colossales contre leur adhésion».
Par dune-voices.info