Pour l’ancien ministre de la Défense Soumeylou Boubèye Maïga, les atermoiements de la coordination des mouvements de l’Azawad pour adhérer au processus d’Alger prouvent qu’on doit beaucoup s’interroger sur leur leadership et sur leur capacité à être des partenaires fiables dans la mise en œuvre éventuelle de l’accord. Voilà pourquoi, la communauté internationale doit sérieusement envisager une opération de nettoyage du septentrion malien pour l’extirper des éléments mafieux et terroristes. Il faut, a-t-il souligné, » parachever l’éradication ou la neutralisation des groupes terroristes «
Dans l’entretien qu’il nous a accordé la semaine dernière, Soumeylou Boubèye Maïga reproche aux mouvements qui n’ont pas encore paraphé l’Accord d’Alger un manque criard de leadership. « Parce qu’être leader, cela veut dire qu’on a une autorité pour pouvoir indiquer à la base qu’on est censé représenter la voie à suivre, celle de la paix, qui est inéluctable ».
L’accord, dira-t-il, préserve l’essentiel et il ouvre surtout beaucoup de perspectives. « Quand on le lit bien, il est évident que tous les principes qui sont énoncés vont devoir faire l’objet de discussions approfondies pour leur mise en œuvre. Et, dans le cours de leur application, c’est évident qu’on peut être en deçà ou au-delà de ce qui est formellement écrit. C’est pourquoi même de la part de l’Etat et de nous tous, il va falloir se préparer à un exercice démocratique très important, de manière à ce que les principes de la mise en œuvre nous conduisent à un approfondissement de la démocratie locale, à une consolidation de la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire et à la prise en compte de l’aspiration de tous les citoyens, toutes régions confondues, pour prendre en charge la gestion des affaires locales et donc des questions de proximité « ,a-t-il expliqué. Avant d’ajouter que cela va nécessiter un leadership assez conséquent et assez important de la part des uns et des autres.
A le croire, tout ce que les mouvements dits de l’Azawad n’ont pas obtenu, en particulier les idées séparatistes, ce sont des idées qui ne peuvent pas prospérer actuellement. « C’est évident que c’est un accord qui n’est pas parfait ; parce qu’un accord parfait aurait été un non-accord, dans la mesure où les positions sont quand même inconciliables sur un certain nombre de points, en particulier sur les questions qui s’assimilent à du séparatisme. Mais, quand il s’agit du Mali, il n’ y a pas de raison pour que ce document ne soit pas une base de travail pour les uns et les autres »
Et Soumeylou Boubèye Maïga de relever qu’il semble que certaines composantes de la coordination sont aussi sous la pression des groupes terroristes, de manière plus ou moins avérée. Ces groupes, a-t-il indiqué, n’ont aucun intérêt à ce que cet accord soit signé parce qu’ils vont se dissimuler au sein des différents mouvements ou au sein des populations et pour continuer leurs activités.
« Sauf à leur donner un droit de véto sur le processus de paix, il faut probablement que, même au niveau de la communauté internationale, on se décide à réviser fondamentalement la nature des actions à mener. Il faut parachever l’éradication ou la neutralisation des groupes terroristes dans le nord du Mali. Il faut que cela devienne une tâche ou une perspective pour la communauté internationale, dans la mesure où l’on se rend compte que le travail n’avait pas été achevé. On a vu que la situation de Kidal a servi de couverture et maintenant de sanctuaire à ces groupes-là qui essaient de paralyser la progression vers une stabilité, vers un processus de paix « , a-t-il analysé.
Pour l’ex-patron des services de renseignements maliens, les attentats qui ont eu lieu à Bamako, à Gao, l’attaque du camp de la MINUSMA à Kidal rentrent dans une certaine logique consistant à intimider tous les mouvements qui veulent s’engager dans le processus de paix et leur démontrer qu’en dépit de l’action internationale, ils conservent une certaine résilience et qu’ils sont capables de frapper un peu partout. De manière à discréditer les forces armées nationales ou internationales. «C’est pourquoi, si nous devons continuer dans la paralysie actuelle, il faut probablement qu’au niveau de la communauté internationale, à l’image de ce qui se passe dans d’autres régions du continent, comme au Nigéria ou ailleurs, il y ait une nouvelle force internationale, peut-être avec un autre mandat, ou dans le cadre d’accords bilatéraux, pour débarrasser totalement le Nord du Mali de tous les éléments terroristes, mafieux ou autres».
A la question de savoir quelle analyse il fait de l’attentat de Bamako de la récente découverte d’une cache d’arme dans la forêt du Mandé, près de Samanko, notre interlocuteur dira que les enquêtes se poursuivent et qu’il faut attendre d’autres éléments probants. Mais, a-t-il indiqué, du fait du mode opératoire, de la revendication de cet acte criminel, on peut dire déjà qu’il y a la volonté claire de transporter le nord dans le sud et en particulier à Bamako. « C’est une manière pour les groupes terroristes de démontrer qu’ils peuvent créer l’insécurité partout au Mali et pouvoir ainsi créer une instabilité et essayer de porter atteinte à la cohésion nationale, à la stabilité du pays. Je crois aussi que ces groupes terroristes veulent montrer que l’accord que le gouvernement et les autres mouvements peuvent signer ne leur apporte pas la sécurité. C’est pourquoi il faut aller à un nettoyage complet du nord pour en extirper tous les éléments extrémistes « , a-t-il souligné.
Et d’ajouter que dans un contexte sous-régional avec des pays comme le Tchad, le Nigéria, le Niger où des groupes de plus en plus violents tentent d’affaiblir l’Etat, d’imposer de nouveaux modes de vie, les méthodes d’action doivent changer. Les outils que nous avons actuellement, relève-t-il, ne s’adaptent plus au niveau de conflictualité, de violence et de confrontation de ces groupes armés.
« L’Algérie et les autres membres de la médiation doivent poursuivre à travers la persuasion et la pression contraindre les mouvements concernés à s’engager dans le processus de paix, la seule voie qui s’impose à nous tous. Même à supposer que nous nous engageons dans la guerre, elle finira par un document de paix « , a-t-il ajouté. Il a mis l’accent sur le renforcement des capacités en matière de sécurité mais aussi par rapport aux efforts de développement.
Pour Soumeylou Boubèye Maïga, le président de la République doit tout mettre en œuvre pour qu’il y ait un consensus national beaucoup plus important autour de la nation. Il faut une sorte d’entente nationale et il faut savoir que la différence, ce ne sont pas les dissensions.
Bruno D SEGBEDJI
djitosegbedji@yahoo.fr