«Je me sens chez moi, ici.» C’est par ces mots que Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) a déridé les participants à la dernière conférence nationale de l’Adéma, samedi dernier, lors de la cérémonie de clôture. En effet, il était chez et venait de retrouver beaucoup de ses camarades avec lesquels il s’était lancé, un quart de siècle plus tôt, dans l’aventure exaltante de tenir ouvertement tête au régime dictatorial du général Moussa Traoré.
S’il a été révélé au grand public en tant que signataire de la lettre ouverte qui a été le prélude à la création de l’Alliance démocratique du Mali (Adéma) association, l’homme a toujours été un fervent défenseur de la démocratie, du multipartisme, de la liberté d’expression. De toutes les libertés. Originaire de la région de Gao, SBM a atterri très tôt sur la scène politique nationale et a été de tous les combats pour l’instauration de la démocratie au Mali. Lutte clandestine, d’abord, ensuite contestation à visage découvert de la dictature, il a été aux premières loges lors de la victoire finale, le 26 mars 1991. Mais l’homme, contrairement à beaucoup de ses compagnons de lutte, ne s’est jamais battu par opportunisme mais pour un Mali nouveau. La preuve : après l’accession de son parti au pouvoir en 1992, il s’est contenté du peu qu’on lui offrait sans faire des histoires parce qu’il n’a pas hérité de poste ministériel. La direction générale de la sécurité d’Etat lui suffisait pour veiller sur les intérêts supérieurs de la nation. En 1992, donc, il a soutenu la candidature d’Alpha Oumar Konaré à la présidentielle parce qu’il savait qu’à l’époque le professeur était un des rares à incarner un véritable changement.
Aux termes des dix ans de ce dernier à la tête du pays, SBM était encore au charbon pour le Mali. Son pays avait toujours besoin d’un président fort, consensuel, travailleur et, surtout, qui pouvait remédier aux erreurs commises par Alpha Oumar Konaré qui avait réussi à malmener la démocratie naissante et à créer une opposition beaucoup trop importante. Grand connaisseur de la classe politique, SBM était de ceux qui ont compris que les politiques ne pouvaient pas être la solution dans l’immédiat, surtout que déjà dans son nord, les cellules terroristes commençaient à se constituer grâce à la Dawa pakistanaise.
Comme certains de ses camarades, il dédaigne Soumaïla Cissé, le candidat officiel de son parti, et jette son dévolu sur Amadou Toumani Touré, celui-là même qui avait la solution en 1991. Cette lucidité dans le choix d’un homme d’Etat pour le Mali a beaucoup et longtemps été commenté par certains comme étant un acte de trahison et un manque de loyauté envers le parti. Mais il y avait urgence et l’homme d’Etat qu’est SBM ne pouvait pas se payer le luxe d’avoir des états d’âme. Il devait choisir entre les intérêts de son pays et les ambitions personnelles d’un homme. Il a choisi le Mali, comme toujours, d’ailleurs.
En 2007, quand il a compris que la gestion consensuelle du pouvoir par ATT avait tué le débat démocratique sans régler les questions essentielles, il a décidé d’agir pour sauver le Mali. Et c’est contre les directives de la direction politique de son parti qu’il a décidé d’affronter ATT à la présidentielle. Il ne se faisait aucune illusion sur l’issue du scrutin, mais il fallait faire comprendre au général qu’il était en train de décevoir le peuple et que ce n’était pas pour tordre le coup à la démocratie qu’on l’avait élu. SBM a été mal compris par ses camarades, pour la plupart des opportunistes, qui l’ont poussé vers la sortie.
Mais l’Adéma sans SBM est un corps sans âme. Il sera vite réintégré dans une Ruche où il avait désormais l’impression d’être en terre étrangère. Las des querelles d’égo et de l’égoïsme pathologique des barons du parti, il s’en va à nouveau, soucieux d’apporter son soutien à celui en qui il a une totale confiance. Il crée son propre parti : l’ASMA. Son choix est porté sur IBK pour qui il bat campagne à l’occasion de la présidentielle de 2013. Un choix gagnant et judicieux puisqu’IBK est plébiscité. Et SBM devient ministre de la Défense au moment même où son pays est en guerre contre les groupes rebelles terroristes. Mais à nouveau, il doit partir car l’atmosphère, empreinte d’affaires louches très graves, n’était pas de son goût. Aujourd’hui, SBM, libre des charges nationales, est sollicité sur le plan international sur les questions de sécurité et de paix.
La Rédaction