Il y a quelques jours sur la Chaîne nationale ORTM était diffusé un débat sur les accords de paix d’Alger, et les blocages éventuels sur son application. Etait invité le Ministre de la Réconciliation nationale qui a martelé et à juste titre, dans une certaine mesure, que cet accord était salutaire pour la Nation malienne.
Dans le rôle qui est le sien, le Ministre a insisté sur la réconciliation de tous les maliens, autour d’un destin commun. Un discours patriotique, appelant à l’unité, appelant tous les maliens à se retrousser les manches pour se mettre au travail, et construire ce beau pays qui est notre plus grand bien.
Alors ce genre de discours, visant à réchauffer la fibre de tout un chacun, a pu par le passé fonctionné, notamment après la période de colonisation, la dictature de Moussa Traoré, mais étrangement depuis l’avènement de la démocratie, l’appartenance à la Nation, les notions de destin commun se sont étiolés. On a détricoté minutieusement, tout ce qui faisait que l’on se sentait fier d’être malien. A tel point que les rares fois, où j’ai l’impression que les maliens partagent un même destin c’est lors des compétitions de football.
Comprenons nous, partager un destin commun ne signifie pas chanter l’hymne national gorge déployée, cela, ne signifie pas affirmer avec force et détermination sa nationalité et son amour pour le pays. Non ceci n’est que façade, lorsque l’on prétend être un pays uni, il s’agit de tirer dans le même sens, le sens du progrès, du bien être collectif.
Il s’agit de se soucier de l’avenir de nos enfants, de penser son pays dans l’avenir, et de travailler en ce sens pour qu’il devienne un lieu de paix, de cohésion, où la solidarité entre citoyen vient à bout de toutes les difficultés.
Comme dit plus haut, ces notions se sont effacées pour laisser place à l’égoïsme, la promotion de l’amateurisme et de la médiocrité, le m’as-tu-vu et le vol. Sur les 20 dernières années nous avons perdu cette fierté d’être malien, je veux parler de cette FIERTE qu’avaient nos grands-parents, lorsqu’ils nous comptaient l’émergence d’une jeune Nation.
Loin de moi l’idée de magnifier les anciens régimes, mais force est de constater, que lorsque les anciens nous parlent du temps de Modibo Keita, ils avaient des projets, savaient ce qu’ils voulaient et n’hésitaient pas à tenir tête aux puissances occidentales, pour le bien de leur peuple.
Je me souviens encore de cette discussion avec un ami, qui sans doute pensant mettre en avant les talents d’un de ses proches ministres, m’expliquait que ce dernier était le choix d’une chancellerie car il était réputé pour sa bonne gestion. Donc dans ce pays on est fier quand un ministre est imposé par une ambassade?
L’avènement de la démocratie est sans conteste un heureux évènement, mais force est de constater, qu’il a aussi permis une mondialisation accrue, la valorisation de la fortune personnelle, une explosion de la corruption, et la rupture de la chaîne morale dans la société. Notre démocratie n’a pas été mise en place pour le bien-être du peuple, elle a été mise en place pour le bien être d’un certains nombres d’individus.
Durant ces 20 dernières années, tous les repères qui faisaient la fierté d’être malien, ont été détruits. On a abandonné le dur labeur, pour la promotion de la richesse par le vol. Autrefois, il fallait travailler dur. Aujourd’hui il faut avoir des relations, les bons leviers, pour arriver à un poste où on peut « bouffer ». Se remplir les poches rapidement avant d’être remplacé par un autre arriviste. Entre temps à la tête de ce service « public » aucune mission concrète ne sera effectuée. On en profitera juste pour placer les copains, les copines, les maîtresses…. Ceci peut vous sembler être une caricature, mais c’est la triste réalité.
Les travailleurs quant à eux, sont spoliés, et perdants sur toute la ligne. Leurs enfants ne bénéficient pas d’une éducation de qualité, d’un système sanitaire fiable, ou d’une quelconque amélioration de leurs conditions de vie. C’est la survie par la débrouille.
En 20 années de gabegie, de mal gouvernance, les repères sociaux ont été cassés, la jeunesse est sans repère, nous avons créé un système à fabriquer des citoyens amorphes, peu concernés par le devenir commun, plus intéressés par leur propre survie au quotidien.
La situation n’est pas irrémédiable, il nous faut commencer par refonder l’Etat malien, selon nos propres critères socioculturels. Cela signifie que notre mode de gouvernance doit s’appuyer sur nos valeurs traditionnelles, sur notre histoire. La simple promotion des langues locales, dans les instances démocratiques est une manière d’aider les maliens à s’approprier leur pays. Les autorités locales et religieuses, ont naturellement un rôle à jouer, autre que celui de rabatteurs de voix contre quelques billets.
L’instrument de refondation d’un Etat est son administration, or cette dernière comme écrit plus haut est pourrie jusqu’à la moelle. Elle est incapable de fournir le moindre service digne de ce nom. Il faudra selon l’expression consacrée la passer au karcher.
Tant qu’on aura une administration partisane, non Républicaine, aucun progrès ne sera possible. Or chaque nouveau Président s’empresse de placer les membres de son parti dans les postes les plus juteux…le but n’est évidemment pas l’intérêt public. Il faut débureaucratiser l’Etat, et accroître la transparence dans de nombreux secteurs, bien trop opaques.
Pour valoriser le service public et le travail des fonctionnaires, on doit mettre en place des indicateurs de performance annuelle. Grace à cette transparence on pourra améliorer la qualité du service public.
L’éducation reste la clé car elle permet d’appuyer à l’émergence de mouvements citoyens et la construction d’opinons publiques nationales, qui sont les vrais moteurs du changement et de la prise de conscience des difficultés. Ce sont les gardes fous, face à la dérive Étatique.
L’accès des femmes aux responsabilités politiques est aussi un élément important de la refondation de l’Etat, car une nation ne peut se construire sans la participation des citoyens au débat politique, et les femmes sont citoyennes à part entière.
La presse a également un rôle important à jouer, pour cela il faudrait favoriser l’autonomie financière des médias, tout cela la cadre du respect de l’Ethique journalistique.
Et surtout de la justice, dans tous les sens du terme…..
Ce n’est pas une tâche aisée que de refonder un Etat, que de ré intéresser les populations à la vie publique, mais c’est un préalable si l’on veut sortir la tête de l’eau.
PS : Lecture complémentaire Réseau Dialogues sur la Gouvernance en Afrique http://base.afrique-gouvernance.net/docs/cahier_refondation_etat.pdf