«Il faut que l’opposition nous montre l’alternative» Dans cette interview exclusive, le Président du parti Alliance pour la République (APR), Oumar Ibrahima Touré, sans tergiverser, comme à son habitude, analyse l’Accord d’Alger paraphé par le Gouvernement malien.
Il pense que c’est un bon accord et demande à ceux qui le critiquent de proposer une alternative. Il se prononce également sur l’implantation de son parti, qui est bien présent, en moins de deux ans d’existence, sur l’ensemble du territoire. Il aborde également la collaboration entre son parti et le pouvoir actuel
Après le premier congrès ordinaire de l’APR, pouvez-vous nous dire quel est le degré d’implantation de notre parti l’ensemble du territoire national?
Oumar Ibrahima Touré: Je dois rappeler que l’APR est née il y a moins de deux ans. Elle a été créée le 24 mai 2013. Nous avons tenu notre premier congrès les 24 et 25 janvier 2015. Ce que nous pouvons retenir, c’est que ce congrès a été une réussite, parce que l’ensemble du pays était là. L’APR est implantée sur l’ensemble du territoire national, à des degrés divers.
Il y a des endroits où c’est embryonnaire, mais il y a des localités où elle est fortement implantée, avec toutes les structures. Ce que nous pouvons retenir, c’est qu’à ce congrès nous avons enregistré la participation de l’ensemble des 49 cercles de la République du Mali. Cela veut dire tout simplement qu’en moins de deux ans le travail qui a été abattu nous a permis d’installer le parti sur l’ensemble du territoire.
C’est un travail de longue haleine que nous sommes en train de continuer. C’est ce qui nous a amenés à faire le tour du pays, non seulement pour vérifier ce qui existe, mais aussi pour échanger sur nos textes fondateurs et ceux qui régissent le fonctionnement de notre parti. Nous avons également profité de ces tournées pour installer nos structures et surtout accueillir les nouvelles adhésions. Parce que depuis le congrès, il y a un engouement et un intérêt réels pour l’APR, compte tenu de son projet de société, de ses statuts et règlement intérieur et de sa Charte.
Ce qui fait que chaque jour nous enregistrons les adhésions de notables et d’élus. Nous avons pu le constater sur le terrain, en allant à Niono, à Kéniéba, Bafoulabé et ailleurs. Nous allons continuer. C’est pour vous dire qu’à ce niveau nous sommes très satisfaits.
Lorsque nous tenions notre premier congrès ordinaire, nous avions 133 élus communaux, 6 maires et 1 député. J’avoue que maintenant ce chiffre a quasiment doublé, en termes d’élus. C’est un effort que nous allons continuer. Tout cela va être attesté lors des prochaines élections communales.
Peut-on savoir les noms de certains nouveaux adhérents, notamment les notables?
Je ne souhaite pas donner des noms, parce que nous ne sommes pas dans une politique de débauchage. Mais les Maliens sont libres d’adhérer à notre parti, parce que nous exposons nos idées. C’est sur la base de cela que les gens viennent. Quand ils viennent, nous mettons de côté l’étiquette de leur ancien parti.
Comment comptez-vous affronter les prochaines communales et régionales?
L’APR est particulièrement prête pour affronter les communales et les régionales. Nous étions déjà prêts si les élections s’étaient tenues le 26 avril, parce que nous avions déjà commencé à faire nos listes. Quand je suis allé à Kéniéba, j’ai trouvé que sur 12 sous sections, 8 sont fonctionnelles. Donc, ils avaient déjà fini leurs listes, soit des listes propres APR ou en alliance avec d’autres partis de la majorité présidentielles, notamment de l’Alliance Pour le Mali.
Maintenant avec le report qui a été demandé par la classe politique, nous nous inscrivons dans cette démarche. Parce que, compte tenu de la situation de notre pays, nous avons estimé qu’il était opportun de reporter ces élections. Parce qu’en les faisant sur une partie du territoire, sans l’autre, nous consacrions nous-mêmes la partition de notre pays.
Personne ne pouvait prendre cette responsabilité. Nous avons attiré l’attention du Gouvernement sur ce danger. Je pense qu’il a compris cela en suivant la classe politique. Je pense c’est une bonne chose. Ce sera peut être en octobre, mais, quel que soit le moment, nous serons prêts.
Quelles sont vos prévisions en termes de conseillers lors de ces élections?
Nos prévisions, c’est d’obtenir au moins un millier de conseillers. Nous pensons que c’est un objectif qu’on peut atteindre. Nous allons travailler dans ce sens. Un jeune parti comme le nôtre, il ne s’agit pas pour lui de prendre tout le pays. J’ai dit tantôt que nous sommes implantés sur l’ensemble du territoire, à des degrés divers. Donc, nous allons mettre toutes nos forces dans les communes où nous sommes fortement implantés, pour obtenir les meilleurs résultats possibles, soit sur des listes propres ou en alliance avec d’autres partis, en tenant compte des réalités du terrain.
Parce que, quoi qu’on dise, ce sont des réalités du terrain qui dictent les alliances. Donc, nous nous ne sommes pas fermés. Nous ne jetons l’anathème sur aucun parti. Pour nous, c’est seul le Mali qui compte. Pour les intérêts de la commune, nous n’allons pas faire obstacle, empêcher des alliances qui peuvent faire avancer la localité.
L’objectif d’un millier de conseillers n’est pas figé. Il peut être revu à la hausse, mais pas à la baisse. Nous pensons qu’en fonction de ce que nous sommes en train de réaliser, c’est un objectif que nous pouvons atteindre. Et, pour un jeune parti, je pense que c’est une grande chose.
Président, l’accord d’Alger fait débat dans l’opinion nationale. Quelle est la position de votre parti par rapport à ce document?
Nous pensons, à l’APR, que cet accord est un bon cadre, qui pourra amener la paix et réconcilier les Maliens. C’est un bon document et nous invitons les Maliens à y adhérer. Et, surtout, c’est un accord qui permet d’avoir un développement équilibré de l’ensemble de nos régions, s’il est appliqué. C’est pour cela que nous soutenons cet accord. Et nous l’avons fait savoir au niveau des réunions de la Convention de la majorité présidentielle.
Même lors de nos tournées à l’intérieur, nous avons demandé à nos militants et aux Maliens de soutenir cet accord. Parce que c’est un bon document, quoi qu’on en dise. Aucune œuvre n’est parfaite. Les améliorations vont venir au cours de sa mise en œuvre.
Demandons à nos frères qui n’ont pas encore paraphé cet accord de le faire, pour le Mali. Avec de la pédagogie dans l’application, les insuffisances pourront être corrigées. Nous allons pouvoir offrir à l’Afrique et au monde entier un autre exemple.
Est-ce que vous pensez que les réserves de l’opposition sont fondées?
Je comprends l’opposition. Elle est dans son rôle. Son rôle, c’est de critiquer. Mais il ne faut que l’opposition soit nihiliste. Il ne s’agit pas seulement de dire qu’on n’est pas d’accord. Qu’est-ce que l’opposition propose? Elle dit que l’accord porte les germes de ceci et de cela. Qu’est-ce qu’elle propose? Parce qu’on a besoin de le savoir.
Tout ce qui ressort de cet accord prend en compte beaucoup d’aspects, beaucoup de choses qui avaient été déjà acceptées par l’ensemble des Maliens. Que ce soit au niveau du Pacte national, de l’Accord de Ouagadougou et de l’Accord d’Alger de 2006, on s’était mis d’accord sur beaucoup d’éléments, qui sont encore dans cet accord. Mais je constate qu’il y a une sorte d’évolution des positions des gens, que je ne comprends pas.
Je ne vois pas ce que l’opposition veut nous dire, je ne sais pas. Il faut qu’elle nous montre l’alternative. En tout cas, je ne l’ai pas vue. J’ai écouté toutes les interventions de l’opposition, mais, malheureusement, elle s’arrête à la critique. Je crois que l’opposition doit comprendre qu’à ce stade de la vie de notre pays, elle aussi est interpellée. Si elle a des propositions fortes, qu’elle les fasse connaître.
Vous n’êtes pas dans le Gouvernement. Comment se passe la collaboration avec le pouvoir en place?
Nous sommes de la majorité présidentielle. Nous faisons partie des 65 partis de la Convention de la majorité présidentielle, qui ont décidé de soutenir les actions du Président de la République. C’est vrai qu’il y a des aspects qui permettent d’être visibles. Il y en a qui pensent qu’il faut être au Gouvernement. Je crois qu’on peut être utile au pays qu’on soit dans le Gouvernement ou pas.
Il s’agit tout simplement de mettre en œuvre nos conventions. Nous avons décidé de soutenir le Président de la République, nous allons continuer à le faire, de façon constante et déterminée. C’est vrai, il peut y avoir des difficultés, mais elles ne doivent pas nous amener à courber l’échine. Nous avons quand même des ressorts solides.
Nous sommes convaincus que les hommes et les femmes qui ont la responsabilité de gérer le pays ont capacités pour cela. Et nous également, de la majorité nous devons avoir les ressorts solides pour tout affronter, pourvu qu’on y mette de la volonté. Notre position n’a pas varié. C’est vrai qu’il y a du retard dans l’exécution de certaines décisions, parce que les difficultés sont énormes.
Les efforts qui sont déployés ne peuvent pas être visibles de façon ostentatoire. Il y a des hommes et des femmes qui se battent pour que le pays avance. Mettons-nous ensemble, parce que la situation du Mali doit nous amener à nous mettre ensemble. Il faut qu’il y ait cette union sacrée pour les affronter les problèmes.
Interview réalisée par Youssouf Diallo