En attendant la signature éventuelle du document issu des négociations d’Alger, le processus de paix piétine par le fait de la mauvaise foi de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la duplicité de l’équipe de médiation internationale. Visiblement, le gouvernement malien n’en peut plus de la situation. Le peuple, lui, s’en trouve otage.
Une bonne frange des Maliens avait nourri un réel espoir après le paraphe, le 1er mars 2015, de l’Accord de paix et de réconciliation, issu du processus d’Alger. L’équipe de médiation conduite par l’Algérie s’en était, elle aussi, vite lécher les babines, car le document était censé mettre fin à huit bons longs de tergiversations et ouvrir logiquement ouvrir la voix à la paix et permettre ainsi au Mali de s’attaquer aux vrais problèmes de son développement. Sauf que l’une des parties aux négociations, en l’occurrence la Coordination des mouvements armés de l’Azawad, avait fait le choix de différer son paraphe, histoire, affirmait-elle, de convaincre sa «base». Mais, un mois après que le gouvernement malien et la Plateforme des mouvements d’autodéfense aient apposé leurs initiales au bas de l’Accord, on en est toujours à courir de manière désespérée derrière le paraphe de la CMA qui fait toujours la résistance. Conséquences: la troisième phase des négociations qui avait été annoncé pour fin mars a dû être repoussée, si l’on en croit le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop. Lui qui, au cours d’une visite qu’il a récemment effectuée à Addis-Abeba, a espéré que l’appui et le soutien de l’UA, particulièrement du Conseil paix et sécurité, amènera les groupes armés à parapher et à signer le document d’ici fin avril. L’insécurité, elle, gagne du terrain.
Face à l’impasse qui plane désormais sur le processus, la communauté internationale est pointée du doigt pour sa duplicité. Ce ne sont pas les partis politiques de la mouvance présidentielle qui contrediront. Eux qui, à la faveur d’un meeting d’information qu’ils ont organisé ce dimanche, ont ouvertement invité l’équipe de médiation à cesser «sa complaisance» vis-à-vis des séparatistes.
En effet, beaucoup sont les observateurs de la crise malienne qui se souviennent certainement que la médiation, dans le but de convaincre la CMA à parapher l’Accord de paix, avait promis à cette dernière, lors d’une mission qu’elle a menée à Kidal, que des discussions étaient toujours possibles autour du document, avant de se rétracter suite à une déclaration responsable du gouvernement malien. Aussi, faut-il rappeler que la menace brandie par la communauté internationale de prendre des sanctions contre quiconque irait dans le sens contraire de la paix en refusant de signer l’accord a visiblement fini par se diluer dans des intérêts autres que ceux du peuple malien.
C’est donc à juste raison que le gouvernement malien, victime de sa bonne foi, par la voix du ministre Diop, a récemment exprimé son agacement. Lors de son dernier séjour éthiopien, le chef de la diplomatie malienne, rappelant qu’un retour en arrière n’est ni possible ni acceptable, a en effet estimé que le jeu du bal masqué devait cesser et chacun devait être mis devant ses responsabilités. Tout en réaffirmant que le document issu du processus d’Alger était un bon compromis, Abdoulaye Diop avait attiré l’attention de la communauté internationale, l’UA notamment, sur les risques que comporte l’absence d’un accord.
Toujours est-il que nombre des observateurs de la crise s’interrogent sur un certain nombre de choses: que vaut réellement un accord si l’une des parties refuse de signer ? Comment la CMA arrive-t-elle à prendre le processus en otage alors que la communauté internationale a reconnu la nécessité d’aller vite ? Quand est-ce que la menace de sanction brandie par l’équipe de médiation sera-t-elle mise en application ? L’équipe de médiation a-t-elle prévu un plan B au cas où la CMA ne signait le document ?
En entendant de trouver des réponses à ces interrogations lancinantes, il faut espérer que l’audience que le Premier ministre a accordée lundi dernier au patron de la Mission onusienne au Mali et ceux d’autres organisations sous-régionales contribuera à dégager suffisamment le ciel du processus de paix. Ce, afin que l’on aille vers la signature d’un accord auquel prendront part toutes parties concernées. Sinon, ce sont les efforts déployés pendant des mois pour la recherche de la paix qui auront été consentis pour rien. Pire, le risque sera encore grand que le Mali bascule à nouveau dans la violence. Que Dieu nous préserve !
Bakary SOGODOGO