OUAGADOUGOU - Ansar Dine, l`un des groupes islamistes armés occupant le nord du Mali, a fait mercredi d`importantes concessions, allant jusqu`à renoncer à imposer la loi islamique dans tout le pays, pour conjurer la menace d`une intervention armée africaine.
"Nous renonçons à l`application de la charia sur toute l`étendue du
territoire malien, sauf dans notre région de Kidal (nord-est) où la charia
sera appliquée en tenant compte de nos réalités", a déclaré à l`AFP Hamada Ag
Bibi, membre d`une délégation d`Ansar Dine présente à Ouagadougou.
Le porte-parole de cette délégation, Mohamed Ag Aharib, a fait encore un
autre geste, qui dépasse le simple rejet du "terrorisme" proclamé la semaine
dernière par les siens.
Si des "négociations" sont engagées avec les autorités maliennes, "on peut
envisager les voies et les moyens par lesquels on peut se débarrasser du
terrorisme, du trafic de drogue et des mouvements étrangers", a-t-il en effet
affirmé.
Pour le groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly, essentiellement composé de Touareg
maliens comme lui, c`est un revirement spectaculaire, à la fois dans la
doctrine et dans la stratégie.
Ansar Dine (Défenseurs de l`islam) occupe depuis avril le nord du Mali, une
zone vouée aux trafics en tous genres, aux côtés des jihadistes surtout
étrangers d`Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour
l`unicité et le jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao), une dissidence d`Aqmi.
Les trois groupes y appliquent de façon très stricte la charia
(amputations, lapidations...), commettant de nombreuses exactions sur les
civils et des destructions de mausolées.
Pour "débarrasser" la région du "terrorisme" et des "mouvements étrangers",
Ansar Dine aurait déjà, selon une source proche du dossier, "demandé à Aqmi de
quitter les villes" du Nord où il est présent "et de regagner ses positions
d`avant le début de la crise" en janvier.
"Aqmi et les étrangers" sont "les plus influents car ce sont eux qui
contrôlent le trafic de la drogue", a affirmé le ministre des Affaires
étrangères du Niger, Mohamed Bazoum, jugeant en revanche le Mujao en "crise"
et en voie de "scission".
Discussions Ansar Dine-MNLA
Le Mouvement national de libération de l`Azawad (MNLA) a salué une
"évolution positive et très encourageante" d`Ansar Dine sur la charia, même
s`il a souhaité qu`il renonce aussi à l`imposer à Kidal.
Le MNLA, rébellion touareg, laïque et favorable à l`autodétermination mais
évincée par les islamistes, va ouvrir "dans les prochains jours" des
"discussions formelles" avec Ansar Dine, a annoncé Mossa Ag Attaher, un haut
responsable du MNLA à Paris.
Selon lui, il faut que "les forces vives de l`Azawad (région du nord du
Mali) parlent d`une même voix pour aller à des négociations politiques".
Ce changement de donne survient alors que la menace d`une intervention
militaire africaine se précise: des dirigeants de la Communauté économique des
Etats d`Afrique de l`Ouest (Cédéao) et d`autres pays africains ont décidé
dimanche à Abuja d`envoyer 3.300 militaires pour un an pour aider l`armée
malienne à chasser les groupes islamistes du Nord.
Mardi, l`Union africaine a donné son aval à l`envoi de cette force. Le plan
d`intervention militaire doit être transmis avant la fin novembre au Conseil
de sécurité de l`ONU, pour qu`il donne son feu vert.
Si l`option militaire se prépare activement, l`Afrique comme la communauté
internationale continuent de pousser à une solution négociée.
La présidente de la commission de l`UA Nkosazana Dlamini-Zuma et le
président français François Hollande ont appelé à Paris à la poursuite du
dialogue politique afin de convaincre des "groupes armés" de se détacher des
"terroristes".
Le recours à la force n`est pas certain, mais "il est certain que nous
devons nous y préparer", a déclaré le général Carter Ham, commandant des
forces armées américaines en Afrique (Africom), estimant entre "800 et 1.200
hommes" le noyau dur des combattants islamistes occupant le Nord malien.
Le Tchad, dont l`armée est rompue à la guerre en zone sahélienne, a fait
savoir qu`il était prêt à participer à une force africaine.
Quant à la Mauritanie, elle envisage, à l`instar de l`Algérie, de fermer
ses frontières en cas d`intervention, afin d`éviter un repli des islamistes
armés.
bur-tmo/aub