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Transport en commun : Cauchemar en commun en commune I
Publié le jeudi 9 avril 2015  |  L’Essor
Sotrama:
© aBamako.com par Momo
Sotrama: le transport urbain de Bamako, la capitale du Mali




Sur la ligne Banconi-Hippodrome-Boulkassoumbougou, les passagers sont malmenés plus qu’ailleurs.

Le client, dit-on, est roi. C’est vrai dans la plupart des commerces et services mais certainement pas chez les conducteurs des minibus de transport en commun « Sotrama » de la ligne de Banconi-Hippodrome-Boulkassoumbougou. Depuis quelques années, dissuadés par le mauvais état de la route allant à l’hôtel ex-Montana, ces minibus ont supprimé la ligne Railda-Konatebougou. Cette suppression a conduit à la création d’une nouvelle ligne de Sotrama appelée «Banconi-Hippodrome-Boulkassoumbougou ». De Boulkassoumbougou, les véhicules passent par Djélibougou, Korofina, Banconi, Hippodrome, Médina-coura pour gagner le Rail-da. Au début, les passagers payaient 125 Fcfa. Mais le tarif est passé aujourd’hui à 175 Fcfa soit 25 Fcfa de plus que le tarif des autres lignes.

La création de cette ligne a été un vrai soulagement pour les habitants de Boulkassoumbougou et Konatébougou. Non seulement parce qu’elle a réduit leur trajet mais aussi parce qu’elle traverse toute la Commune I. Elle est ainsi parfaite pour les commerçantes qui vont se ravitailler au « Sougouninkoura ». Celles-ci n’ont plus besoin de prendre un taxi ou un cyclomoteur. Leurs achats achevés, elles n’ont que la route à traverser pour embarquer dans les Sotrama.
Comment d’aubaine, la ligne a-t-elle, peu à peu, viré au cauchemar pour les passagers ? Aujourd’hui, les plaintes qui s’accumulent contre les Sotramas qui effectuent le trajet, évoquent pêle-mêle sur le même ton exaspéré : l’inconfort des véhicules tous équipés de deux barres à l’intérieur pour que s’y agrippent les passagers en surcharge, les mauvaises manières des transporteurs et leurs imprudences.

Mme Dembélé Sayon habite à Konatebougou. Elle se rappelle qu’avant la nouvelle ligne, elle pouvait marcher 10 à 15 minutes pour rallier l’arrêt Sotrama le plus proche de son domicile. La nouvelle ligne était donc vraiment la bienvenue car son trajet s’est nettement raccourci : à peine 5 minutes entre l’arrêt et sa maison. Mais actuellement, c’est le seul avantage que retient la quinquagénaire, un avantage négligeable, de son point de vue, au regard du calvaire infligé aux passagers : sièges inconfortables, chauffeurs et apprentis discourtois. Ces impolis, s’indigne-t-elle, ne respectent personne. « Nous, les personnes âgées, ils nous appellent « korokara » (ndlr : les tortues que l’on peut entasser), dit-elle.

Revendeuse de légumes, Djénéba loue, dans un premier temps elle aussi, les bienfaits de cette ligne de Sotrama. Cette dame se rend chaque jour au marché « Sougouninkoura » pour renouveler son stock. « Je ne suis plus obligée de prendre un taxi, ou partager un taxi avec une autre. Dès que je finis mes courses, les porteurs transportent mes bagages devant le minibus. Avec l’aide de l’apprenti, ils font monter mes bagages. Pour chaque sac, je paie 50 à 75 Fcfa », explique-t-elle avant d’ajouter qu’elle déboursait auparavant 1500 à 2000 Fcfa pour le taxi.

RODEOS DANGEREUX ET INSENSES. Mais même cette fan change de vocabulaire et de mine au souvenir des tracas endurés au quotidien dans les Sotramas. Les véhicules sont tous en mauvaise en état. La route est semée de ralentisseurs que les conducteurs ne respectent pas. Ils roulent souvent à tombeau ouvert sans aucun souci de passagers ballottés au gré des cahots. Malgré les cris et les supplications de ces passagers, ils font la sourde oreille et refusent de ralentir. Obnubilés par le besoin de ratisser toujours plus de passagers, ils se lancent dans des rodéos dangereux et insensés. Ils effectuent des arrêts intempestifs et accélèrent et manoeuvrent brutalement que lorsqu’ils aperçoivent un concurrent prêt à leur disputer des clients.

A l’entrée comme à la sortie, le client est pressé, houspillé sans ménagement par l’apprenti. A longueur de journée, les conducteurs font tomber des clients en démarrant sans crier gare alors que ceux-ci ne sont pas encore complètement descendus des véhicules.
Les barres fixées à l’intérieur, appelées «milieu», sont destinées aux passagers en surcharge. Ces derniers, obligés de rester débout, se tiennent aux barres pour garder l’équilibre. Mais avec le plafond bas des Sotramas, seules les personnes de petite taille peuvent commodément s’accrocher aux barres. Les passagers élancés doivent se plier en deux et rester courbés tout le long du trajet. Sur ce point, la commerçante Bintou confirme que la douleur que l’on ressent après un court trajet est identique à celle infligée par un coup assené au dos. Elle se souvient avoir reproché à une jeune dame d’avoir embarqué dans le Sotrama plein avec son bébé au dos. Cette jeune femme avait attendu tellement longtemps à l’arrêt qu’elle avait finalement décidé d’emprunter un véhicule déjà bondé.

Cette ligne si critiquée par les passagers, est cependant éminemment rentable pour les Sotramas qui la desservent. Sur l’intégralité du trajet, ils peuvent faire le plein de passagers à trois ou quatre reprises, multipliant ainsi la recette. Ce qui n’empêche pas les apprentis de s’en prendre à l’occasion aux passagers qui ont beaucoup de bagages. Certains d’entre eux sont parfois contraints de faire passer leurs bagages par la fenêtre pour pouvoir les récupérer à destination.

Une jeune étudiante qui, par la force des choses, emprunte régulièrement ces véhicules témoigne étouffer à chaque fois à cause de la surcharge. Du fait que les passagers sont entassés avec des sacs d’oignons et des légumes frais comme le piment, l’odeur devient vite irrespirable. « J’ai tout le temps du mal à respirer. Comme je suis obligée de prendre ces véhicules pour aller à l’école, je me couvre le nez avec un mouchoir et suce souvent du citron pour ne pas vomir », confie notre interlocutrice. Sa camarade se plaint surtout de la manie des apprentis de confisquer la monnaie des clients. «Les apprentis n’ont jamais 25 Fcfa ou 50 Fcfa. A force de te répéter qu’ils n’ont pas la monnaie, ils vont jusqu’à te faire oublier ton argent. Ou ils te demandent de partager 50 Fcfa avec une autre personne », s’indigne-t-elle.

Nos tentatives ont été vaines de faire réagir les chauffeurs sur les accusations de mauvais comportements les concernant. Certains répondent laconiquement qu’ils sont à la recherche de leur pain quotidien comme tout le monde. Mais une cliente qui a un cousin chauffeur confie que chaque véhicule doit verser à leur syndicat 5000 Fcfa par jour. Ces sommes seraient utilisées pour « arranger la route » afin d’éviter les contrôles policiers intempestifs.

Les habitués de cette ligne de Sotramas sont, eux, pressés de voir la fin des travaux du chantier du « Montana » pour que cesse leur calvaire.

F. NAPHO
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