En 1991, lorsqu’ils lançaient la révolution pour la démocratie, les Maliens avaient des rêves de liberté, de justice, de transparence et de bonne gouvernance.
Deux décennies de pratique démocratique n’ont, depuis, apporté qu’une succession de désenchantements.
Notre entrée en démocratie a suscité de profonds malentendus, qui ont pu notamment faire croire à la frange jeune de notre pays qu’elle était prête pour assumer une part de pouvoir, faisant allégrement fi de certaines étapes nécessaires à la maturation politique.
La médiocrité intellectuelle, un goût prononcé pour la facilité et la tricherie, une forte propension aux revendications et au chantage sont devenus les caractéristiques principales de cette jeunesse post révolution. Les deux régimes successifs, tout à leurs préoccupations pour un second mandat, ont très souvent fermé les yeux sur certains dérapages, qu’un minimum d’autorité aurait pu prévenir. Le laisser aller qui s’installa alors dans notre pays, de manière plus flagrante au cours de la deuxième décennie, nous fit passer par toutes les gammes de pratiques aux antipodes des idéaux de 1991 et contraires à la bonne gouvernance : prévarication, corruption et argent facile et, plus grave encore, dégradation notoire des mœurs et reniement des valeurs de société qui avaient fondé notre attachement à la première République du Mali.
Le fond a été atteint paradoxalement avec le régime qui avait tiré sa force de sa grande popularité auprès des Maliens et jouissait, de ce fait, de la crédibilité nécessaire pour une forte mobilisation contre toutes ces déviances de notre système démocratique. Le dernier mandat du dernier président démocratiquement élu multiplia les manifestations d’un populisme de mauvais aloi : complaisance vis- à -vis de la corruption, distribution à tour de bras de distinctions honorifiques à des personnages qui ne sont des références ni dans leur travail ni auprès du public, attribution subjective de galons de prestige de l’armée, j’en passe…
Puis arriva, ce qui devait arriver, le 22 Mars, quand les Maliens éberlués réalisèrent qu’ils vivaient dans un Etat déliquescent.
Tout ce rappel historique est, à notre avis, nécessaire pour établir une certaine comparaison avec le gouvernement de transition qui dirige actuellement notre pays.
Formée sur la base d’un compromis politique, l’équipe de Cheick Modibo DIARRA, après avoir suscité de fortes préventions auprès des populations en raison de la forte présence des Maliens de l’étranger, présente aujourd’hui, de notre point de vue, des atouts réels et des chances tout aussi grandes de réussir les missions qui lui ont été dévolues. Composé de technocrates qui ont largement fait leurs preuves ailleurs, le Gouvernement de transition présente l’avantage, important à nos yeux, de reposer sur des hommes et des femmes ne nourrissant aucune arrière pensée politique. Les règles qui ont favorisé la mise en place de ce gouvernement ne laissent aucune place à des ambitions politiques à moyen terme. Et ceci est clair dans l’esprit de tous les Maliens, qui se chargeront sans doute de le rappeler de la manière la plus ferme à tous ceux qui voudraient biaiser ces règles.
Débarrassé donc des pesanteurs politiques paralysantes, ce gouvernement a les coudées franches pour prendre toutes les mesures draconiennes, prétendument impopulaires, susceptibles de rétablir la moralité dans les pratiques administratives et institutionnelles de notre pays.Il s’agit bien de donner du contenu à la bonne gouvernance, dont le Mali, aujourd’hui en quête de reconnaissance internationale après tous les dérapages consécutifs aux évènements du 22 Mars, a fortement besoin pour retrouver dans une certaine mesure l’aura de respectabilité acquise depuis son accession à l’indépendance.
Par des actes forts et significatifs, trois membres de ce gouvernement ont symboliquement accrédité l’optimisme que les Maliens peuvent raisonnablement nourrir à l’égard de l’Institution.
Malick COULIBALY, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a dès sa nomination affiché sa volonté de faire recouvrer à l’Institution judiciaire son professionnalisme et la respectabilité nécessaires à son bon fonctionnement, à sa crédibilité et au retour de l’indispensable confiance des populations.
Les procureurs nommés par ses soins sont des hommes qui, a priori, sont dignes d’estime et l’accueil qui leur a été fait par un public connaisseur est généralement favorable.Face aux nombreux pièges qui joncheront leur parcours, il leur faudra cultiver un sens très élevé du devoir et garder une très haute opinion d’eux-mêmes.
Adama OUANE, le Ministre de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation, a marqué les esprits en décidant de ne procéder à aucun repêchage lors de la proclamation des résultats de la session 2012 du Baccalauréat.
Le taux de réussite misérable affiché (12%) était bien le reflet du niveau des candidats à ce diplôme.En refusant de prolonger la complaisance et la mascarade qui, depuis deux décennies, ont plongé notre système éducatif dans une insondable médiocrité, le Ministre Adama OUANE a simplement rappelé aux Maliens un devoir cardinal, celui de la nécessaire rigueur dans la conduite des affaires d’une Institution dont la vertu essentielle est de modeler l’homme et le futur serviteur de l’Etat et de la société.
La leçon assénée par le Ministre de l’Education Nationale ne doit pas être oubliée. Elle devra surtout inspirer le bréviaire qu’il nous faut écrire pour éclairer notre Ecole.
Au Japon, Mamadou Namory TRAORE serait certainement assimilé à un kamikaze, tant l’acte qu’il a posé en Octobre dernier en ordonnant le licenciement de près de trois cents fonctionnaires recrutés sur la base de faux diplômes était politiquement suicidaire.Par son ampleur, par sa rigueur et son caractère inédit, la décision du Ministre de la Fonction Publique et du Travail avait choqué, au propre comme au figuré, les Maliens.Il faut dire que notre culture de l’insouciance, de l’arrangement des situations les plus invraisemblables et de la transformation de l’illicite en acceptable nous avait peu préparés à un tel scénario.L’acte du Ministre Mamadou Namory TRAORE est en réalité rédempteur d’une fonction publique devenue pendant des années un véritable fourre tout. Il vise d’abord à réparer, dans une certaine mesure, des injustices qui ont déversé dans nos administrations des centaines de fonctionnaires incompétents et tricheurs.
L’acte du Ministre de la Fonction Publique est aussi un appel pressant à la réhabilitation de notre administration publique. En cela, il interpelle tous les Maliens véritablement soucieux du devenir de notre pays, de son niveau de compétitivité dans la sous région et en Afrique.
Ce combat mérite d’être mené. Dommage que le Secrétaire Général de l’UNTM, qui aurait dû en être le porte drapeau se soit fourvoyé dans un autre combat, douteux celui là… Le gouvernement de transition, qui porte nos espoirs de justice et de bonne gouvernance, a donné le ton. Ira-t-il jusqu’au bout?