C’est au moment même où l’on croyait la tâche du médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne sur le point de s’achever qu’elle commence à rentrer dans une de ses phases la plus délicate mais déterminante. Avec l’adoption de l’option militaire par le gouvernement malien et ses partenaires, l’on s’attendait à ce que le rôle du président burkinabè, Blaise Compaoré, se résolve à concilier, en cas de besoin, les positions des Maliens pour amener tout le monde à accompagner l’effort de guerre en préparation. En optant de poursuivre les négociations tout en fourbissant ses armes, l’exécutif malien semble vouloir se servir du dialogue pour préparer la guerre. Conscients que la guerre est devenue inévitable, les autorités maliennes et leurs alliés entendent employer tous les moyens pour la remporter, y compris le dialogue avec certains des occupants illégaux du Nord. Le président Compaoré, qui a toujours préconisé que la voie pacifique fasse partie des options de résolution du conflit malien, a sans doute œuvré pour que l’on arrive à une situation où l’on peut encore explorer la possibilité d’associer certains rebelles à la recherche de solutions. Le dialogue est en effet peut-être encore envisageable avec les moins mauvais parmi les islamistes radicaux et surtout avec les Touaregs qui, il faut le rappeler, sont censés être des Maliens à part entière. L’on ne perd rien donc à le poursuivre avec les groupes rebelles qui font montre d’une certaine disposition à prendre leurs distances avec les groupes terroristes et les extrémistes islamistes. L’exercice vaut d’autant plus la peine qu’étant donné la complexité de l’opération militaire en perspective, le MNLA et Ansar Dine, qui donnent des gages d’un possible changement de positions, peuvent être utiles à quelque chose. Si les discussions avec ces pseudo-repentis aboutissaient à un accord qui permettra aux futures forces africaines coalisées de bénéficier de l’expérience de guerre dans le désert dont ils peuvent se targuer, ce serait un renfort de taille à ne point refuser. Même s’il est redondant de rappeler que toute offre venant de ces groupes prompts à retourner leur veste à la moindre occasion doit être étudiée avec la plus grande minutie possible. Les mêmes Touaregs et islamistes qui promettent de prendre leurs distances avec AQMI et le MUJAO se sont en effet joints à ces derniers au début pour s’emparer du Nord-Mali et y installer la chienlit dont eux-mêmes font les frais aujourd’hui. Le fait qu’ils aient en outre maintenu leurs exigences d’indépendance de l’Azawad et d’application de la charia, nonobstant leurs promesses de réviser à la baisse leurs ambitions, laisse planer un flou quant à la sincérité de leur offre de dialogue. Fort heureusement, aussi bien le médiateur que les autres acteurs sont visiblement instruits par les nombreux louvoiements de leurs interlocuteurs. Ils sauront donc mettre les garde-fous nécessaires pour éviter de se faire rouler dans la farine. L’idéal aurait été d’obtenir du MNLA et d’Ansar Dine que l’un renonçât à son indépendance et l’autre à sa charia, avant toute négociation avec eux. Mais à défaut, s’ils tiennent parole en se démarquant clairement des actions terroristes et radicales, c’est déjà cela de gagné. Car, au moins, cela aura l’avantage de permettre une séparation plus nette entre ceux avec qui il faut poursuivre les négociations et ceux contre qui il faut ouvrir le feu. Certes, il est difficile, pour le moment, de prédire l’avenir du Mali en termes de cohabitation entre Ansar Dine et les populations de Kidal où ce groupe islamiste entend limiter l’application de la charia. Il n’est pas non plus aisé, pour l’instant, d’appréhender avec discernement le type d’autodétermination auquel aspire le MNLA. Les discussions que ces deux groupes auront avec le médiateur tenteront sans doute d’élucider ces zones d’ombre. L’on peut néanmoins subodorer un possible achoppement si d’aventure, l’autodétermination réclamée doit s’accompagner d’une quelconque séparation du territoire malien et si la charia sera imposée. L’après-libération du Nord-Mali comporte donc encore des incertitudes au cas où cette libération doit se faire au prix d’entente avec des groupes indépendantistes et islamistes. Toutefois, l’extirpation des islamistes radicaux, des terroristes et des narcotrafiquants de cette partie du Sahel demeure la priorité des priorités. Et cela se fera sans doute par la force.