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Armée malienne : Des causes et facteurs de sa déchéance
Publié le mardi 15 mai 2012   |  Le Combat


Mali:
© AP par DR
Mali: Des combats ont fait au moins 22 morts
Après de violents combats dans la capitale malienne mardi, les troupes fidèles à la junte ont envahi le camp principal des forces loyales au président ATT renversé le 22 mars qui ont tenté une mutinerie.


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Depuis les accords d’Alger, l’armée malienne s’était plus ou moins retirée d’une grande partie du Nord. Certes, il y avait des camps et des garnisons militaires. Mais une armée cantonnée est inefficace face à un ennemi mobile disposant d’armes lourdes.

La dépendance sur les moyens blindés (par exemple le BRDM, un « monstre » très vorace en carburant et difficile à évacuer en cas d’attaque embusquée) et l’artillerie avaient fini par « ossifier » l’armée malienne. Les moyens aériens qui devaient lui conférer la victoire dans les moments difficiles n’avaient pas été très bien pensés.

Un armement mal adapté

Par exemple, les hélicoptères Mi24, qui devaient aider à mater la rébellion avait un rayon d’action très limité : plus ou moins de 250 km, sans ravitaillement. La distance entre Gao (où étaient basés des Mi24) et Arouane (par exemple) est de 475 km par voie aérienne. Aguelhok est à 370 km, et même Kidal se trouve à 290 km. Même de Tessalit à Tinzaouaten, il faut compter 215 km. Tout cela met ces localités en dehors du champ d’action du Mi24. Un Mi24 qui décolle de Tessalit pour Tinzaouaten ne pourrait rester longtemps dans les combats une fois arrivé sur place. Le ravitaillement en route n’était pas possible non plus, simplement parce qu’en dehors de ses garnisons, l’armée ne contrôlait pas le terrain. D’autre part, le positionnement de ces avions ailleurs qu’à Gao posait automatiquement un problème de ravitaillement en carburant, un carburant qui devait passer par la route, mais une route que l’armée ne contrôlait plus.

Des recrutements à relents de corruption et de népotisme

Le Mali possède une armée de volontaires recrutés dans toutes les régions du pays. Les recrues font d’abord une formation où ils apprennent le métier des armes avant de rejoindre leurs unités d’affectation pour parachever leur apprentissage. Depuis les années 1990, on a assisté à une réduction du temps de formation et au recrutement direct d’anciens rebelles sans formation. Mais la corruption et le népotisme ont gangréné tous les recrutements opérés par l’Etat. La Presse malienne avait régulièrement dénoncé le manque de transparence des recrutements dans l’armée. En 2007, l’Etat avait entrepris une politique de recrutement à outrance afin de rajeunir les effectifs. Ainsi, 10 000 jeunes devaient être recrutés. Ce rythme accéléré a pesé sur la formation de base qui était déjà passée de 9 à …3 mois ! Au Prytanée militaire, bastion des futurs officiers, la situation n’était guère meilleure. Les enfants d’officiers supérieurs ou ceux recommandés par eux avaient la préférence du système. Il est donc clair qu’une armée bâtie sur le copinage, la corruption et le laisser-aller généralisé ne peut être ni républicaine, ni effective. Le recrutement des années 1990 d’anciens rebelles dans les rangs avait été difficile au début, puis jugé comme un succès en quelque sorte.

Dans sa thèse (1998, il était alors Lieutenant-colonel) à l’Ecole de guerre de l’armée américaine, le Général Kalifa Keïta, Chef du PC (Poste de contrôle) opérationnel de Gao jusqu’en mars 2012, informait : « Dans un premier temps, il y avait beaucoup de suspicion de part et d’autre. Les combattants Touaregs, n’ayant pas reçu de formation classique, manquaient de crédibilité aux yeux de leurs camarades. Certains avaient également des difficultés à s’adapter à la vie de l’armée régulière et ont préféré quitter le service. Mais au fil du temps, les choses se sont nettement améliorées ». Compte tenu des défections récurrentes et répétées, l’armée a souffert d’un mal profond qui a fini par saper son efficacité sur le terrain.

Défaillances, impréparation, manque de motivation…

Dans une guerre, la préparation des soldats aux techniques militaires est un atout considérable. Or au Mali, l’instruction de base des soldats a pendant très longtemps été une affaire bâclée et au finish, réduite au strict minimum. Pour déceler ces problèmes, remontons tout simplement à la guerre de 1985 contre le Burkina Faso. Tout récemment encore, les instructeurs de l’armée américaine (JCET de 2009) ont noté une unité malienne pourtant d’élite. Une note qui n’était guère fameuse, encore moins encourageante : 6 sur 10. En comparaison, une simple unité régulière de l’armée algérienne (donc pas d’élite) aurait reçu une note de 8 sur 10. Plusieurs défaillances avaient été soulignées à l’époque : manque d’entraînement régulier (par exemple, tir à la cible, tir d’artillerie, etc), spécialisation incohérente. Sur ce dernier point, les Américains avaient noté des défaillances de taille. Dans une patrouille mobile, peu de soldats (à part le chauffeur attitré) savaient conduire, et une seule personne savait utiliser la mitrailleuse lourde. On comprend donc aisément que l’ennemi exploiter ces situations, voire ces défauts à son propre compte : qui est fou ? Malgré qu’elle ait perdu de nombreux soldats et officiers dans des embuscades, l’armée n’avait pas encore intégré les simples techniques anti-embuscades.

A cela, il faut ajouter le manque de motivation des soldats maliens. S’ils étaient déployés au Nord, ils recevaient un surplus sur leur solde. Malgré tout, beaucoup d’entre eux considéraient cette affectation « dans les dunes et les sables » comme une punition. D’ailleurs, cette terre « étrangère » (le Nord) vaut-elle le prix de leur vie ? Etre dans une unité déployée au « Sud » ne présentait-il pas un avantage certain ? Autant de questions (entre autres) que se posaient certains d’entre eux et qui avaient certainement pesé lourd sur les abandons de postes enregistrés entre janvier et mars 2012.

Oumar Diawara « Le VIATOR »

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