Le Mnla a démenti l’annonce du médiateur algérien selon laquelle la Cma a décidé de parapher aujourd’hui le projet d’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Alger a-t-elle mal compris ? Le porte-parole des rebelles terroristes a-t-il fait une déclaration unilatérale ?
En milieu de semaine dernière, le ministre algérien des Affaires étrangères informe officiellement les autorités maliennes de la décision des membres de la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma) de parapher, le 15 avril, le «projet d’accord pour la paix et la réconciliation» au Mali. Cette annonce est faite quarante jours après la demande de délai de la Cma, «pour consulter ses bases» et le paraphe du document par le gouvernement malien, la médiation internationale conduite par l’Algérie et les mouvements de résistance pour la paix.
À Bamako, c’était la joie et le Premier ministre ne se privera pas du plaisir de réunir les forces vives de la Nation pour les informer de cette nouvelle tournure. Mais quelques heures plus tard, vendredi de douche froide : la Cma, depuis Nouakchott (Mauritanie), dément les propos du ministre algérien. En l’état actuel du projet, elle n’est pas prête de le parapher, a fortiori le signer. Il faut que ses revendications soient prises en compte. En moins de vingt-quatre heures, la donne vient de changer. Que s’est-il donc passé ?
Dissonances
De prime abord, on ne parle plus le même langage à Kidal. Ou plus exactement, Kidal, la base des mouvements de l’Azawad, ne parle plus le même langage que la direction de la rébellion éparpillée entre des pays complaisants et complices. Les membres de celle-ci, notamment le chef du Mnla, Bilal Ag Achérif, Mossa Ag Attaher, un des porte-paroles du Mouvement et d’autres cadres de la Cma ont présenté leurs revendications comme étant des exigences nées de leurs consultations avec leurs bases.
Selon eux, les populations kidaloises sont plus que jamais hostiles à tout arrangement ne prenant pas en compte l’octroi d’un statut particulier aux trois régions du nord et une définition géographique, territoriale, juridique et politique de l’Azawad. En clair, ces populations veulent l’autonomie, voire l’indépendance.
En réalité, à Kidal comme à Tessalit ou à Aguel Hok, les fiefs des rebelles terroristes, ce sont ces populations qui souffrent le plus de la situation, de l’absence de paix, des incursions contre les jihadistes, des affrontements entre la Cma et les groupes d’autodéfense. Elles ont compris depuis longtemps que les revendications d’autonomie ou d’indépendance, en réalité serinées par les dirigeants de la rébellion, ne sont plus à l’ordre du jour, notamment depuis que la Communauté internationale dans sa très grande majorité a adhéré au projet d’accord de paix.
Elles ont compris aussi que les chefs de la Cma ne parviennent plus à lever les fonds nécessaires à leur survie. Jusqu’à récemment, en effet, les habitants des différentes localités de Kidal s’accommodaient d’une situation qui leur permettait de recevoir des fonds levés par leurs chefs à l’étranger et de mener divers trafics avec les riches narcotrafiquants qui pullulaient alors dans toute la bande sahélo saharienne.
Désorientations
Les interventions françaises onusiennes et maliennes, ou tout simplement la présence de ces forces et des groupes d’autodéfense, ont eu pour effet de mettre fin à tout cela. Et c’est sous la pression lucide de ces populations que les dirigeants locaux de la Cma ont contacté le médiateur algérien pour lui signifier leur décision de parapher le document à la date indiquée, c’est-à-dire aujourd’hui. Elles sont restées sur le terrain et sont les seules à pâtir d’une situation fâcheuse.
Une situation qui risque de s’aggraver pour elles, car des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer cet accord qui accorde beaucoup trop de privilèges aux régions du nord au détriment de celles du Sud. Elles savent que l’accord n’est que paraphé par le gouvernement malien, et que celui-ci, si les pressions des voix du Sud devenaient intenables, pourraient s’abstenir de signer. Et ce sont ces populations du Nord qui perdraient encore. En revanche, leurs dirigeants mènent la grande vie ailleurs, se permettent de tenir des discours musclés et pompeux, et se maintiennent hors de tout danger, sûrs de pouvoir compter encore sur quelques amis.
Disparités
Et ce sont ces dirigeants, parce qu’ils sont à l’abri de représailles, qui maintiennent la pression tout en sachant que leur intransigeance est la meilleure manière de verser de l’huile sur le feu, entretenant ainsi un incendie qui ravage le Nord depuis des années. Mais cette fois-ci, même s’il y a toujours de l’hypocrisie et de la duplicité dans l’air, la donne a changé depuis un certain 1er mars, quand le gouvernement malien et la communauté internationale ont fermé les yeux sur quelques compromissions et paraphé le document proposé par la médiation internationale conduite par l’Algérie.
De la même manière, une bonne partie de cette Communauté internationale, même si elle est encore et toujours disparate, pourrait vouloir se débarrasser de ces amis devenus encombrants. Il y a quelques années, des pays qui se disent amis du Mali ont fait la sourde oreille quand ils ont reçu des mandats d’arrêt internationaux émis contre de présumés terroristes et criminels de guerre ou contre l’humanité qu’ils hébergeaient. Aujourd’hui la donne a changé et on brandit la menace de sanctions contre les saigneurs de guerre qui se baladent encore tranquillement entre l’Occident, le Moyen-Orient et l’Afrique.
Il est vrai qu’il y a une sacrée différence entre brandir des menaces et passer aux actes.
Abdel HAMY