Tout Sur l’Algérie (TSA), le premier quotidien électronique algérien d’actualités a publié le 24 novembre une interview exclusive de Tiébilé Dramé, Premier vice-président de la Coalition pour le Mali, et non moins président du Parti pour la Renaissance du Mali (Parena). La réaction du gouvernement algérien ne s’est pas fait attendre. En effet, TSA a publié à la même date, la réponse d’Alger portée par le porte parole du ministre algérien des Affaires étrangères. Nous publions ici l’intégralité de l’interview de Tiebilé Dramé qui dénonce « l’ambigüité » de la position algérienne dans la crise au Nord‑Mali. Il soutient la nécessité d’une intervention militaire pour rétablir « l’ordre républicain et laïque » et libérer une partie du territoire malien occupée par les « groupes terroristes ». Nous publions également la réponse d’Alger publiée par TSA.
Comment expliquez‑vous le report des assises nationales qui étaient tant attendues pour le règlement de la crise malienne ?
C’était très sage comme décision. Ces assises ont été mal préparées du début jusqu’à la fin. Le Premier ministre a mis en place un comité d’organisation complètement déséquilibré. Il était composé de 49 personnes dont 12 membres de son cabinet et 8 membres du front pro‑putsch. Le front anti‑putsch était représenté par deux personnes uniquement. Leur objectif était de sortir de l’ordre constitutionnel et de parachever le coup d’État. C’est pour ça qu’on a décidé de ne pas participer.
Une bonne partie de la classe politique et des forces vives n’y auraient pas participé. Les conclusions auraient conduit à la division du pays. On ne va pas faire des assises pour approfondir ces divisions. Le Mali donne de lui‑même au monde l’image d’un pays divisé alors qu’il y a une mobilisation extraordinaire autour du Mali, l’image d’un pays qui ne prend pas la mesure de la gravité de la situation.
Les négociations avec le MNLA et Ansar Dine sont donc également reportées ?
Il n’était pas prévu qu’ils participent. Ils ne figuraient pas sur la liste des participants et je n’ai entendu personne au Mali dire qu’il faut les inviter. En fait, le président avait proposé que les assises mettent en place une Commission nationale de négociations avec le MNLA et Ansar Dine. Et je pense qu’avant les négociations, le Mali doit mettre en place une structure de gestion de la crise au nord.
Quel compromis aura à négocier cette commission de négociations avec le MNLA ou Ansar Dine ? Quelle réponse aura le Mali quant à l’application de la Charia à Kidal ou sur l’autodétermination de l’Azawad ? Il faut que cela soit discuté au Mali. Le MNLA doit renoncer publiquement à sa déclaration d’indépendance et présenter des excuses pour les actes qu’il a causés contre le Mali et revenir sincèrement dans le giron de la République.
La tenue des négociations avec ces deux groupes rebelles pourrait‑elle marginaliser l’option militaire ?
La majorité des Maliens sont pour l’intervention militaire. Plus grave, on sent une radicalisation de l’opinion vis‑à‑vis du MNLA et d’Ansar Dine. Il y a une profonde exaspération au sein de la population qui croit que ces deux groupes sont responsables de la crise actuelle.
Il y a donc un consensus au sein de la classe politique et de la population autour de l’intervention militaire ?
La classe politique et la société civile malienne sont favorables à une intervention militaire pour permettre au Mali de se libérer des groupes armés étrangers. Je pense que l’assistance militaire et diplomatique étrangère doit permettre au Mali d’exercer sa souveraineté sur chaque centimètre carré du territoire malien. Nous avons œuvré pour que la communauté internationale adopte cette résolution. Nous avons fait du lobbying pour obtenir la résolution 2071 du Conseil de sécurité de l’ONU.
Mais l’Algérie reste opposée à ce choix…
L’Algérie doit sortir des ambigüités dans la gestion de la présente crise. Il faut éviter que les négociations apparaissent aux yeux des Maliens comme des manœuvres dilatoires pour empêcher l’action militaire. Tous les gens au Mali se demandent si l’Algérie souhaite réellement que l’État malien exerce sa souveraineté dans le nord. Il faut que les Algériens sachent qu’il y a beaucoup de récriminations dans ce pays vis‑à‑vis de l’Algérie. Ce n’était pas le cas il y a quelques mois. Elle doit dissiper vraiment les malentendus.
Quel rôle devrait‑elle jouer, selon vous ?
L’Algérie devrait être claire et ferme en ce qui concerne la souveraineté et l’intégrité du Mali. Les divers accords de paix signés sous l’égide de l’Algérie en 1991, en 1992 et en 2006 ont un dénominateur commun : l’allègement du dispositif sécuritaire, le cantonnement des troupes. La mise en application de ces accords a créé un vide au nord du Mali et des zones grises où l’État n’existait plus.
Ça a commencé avec les trafiquants de cigarettes, les trafiquants de drogue et puis l’installation du GSPC et d’Aqmi. Ce que le Mali a accepté sous médiation algérienne, l’Algérie ne l’acceptera jamais. Elle n’acceptera jamais de renoncer à exercer son autorité militaire sur une région de son territoire. À ce qu’il n’y ait pas de militaires à Tamanrasset, à Reggane.
Bamako, envoyée spéciale de TSA : Hadjer Guenanfa
Crise malienne / Alger répond à Tiébilé Dramé
L’Algérie compte parmi les défenseurs « les plus fervents » de l’intégrité et de la souveraineté du Mali, a rappelé ce samedi 24 novembre le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, dans une déclaration à TSA, en réponse à Tiébilé Dramé, Premier vice président de la Coalition pour le Mali et Président du Parti pour la renaissance nationale (Parena). « Depuis l’éruption de cette crise [malienne, NDR] nous ne cessons de marteler, dans toutes les enceintes régionales et internationales, que la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali ne sont pas négociables. Nous ne ratons pas une seule occasion de souligner notre très ferme attachement à l’unité et à l’intégrité territoriale de ce pays frère et voisin », a déclaré M. Belani
Dans un entretien publié ce vendredi sur TSA, M. Dramé, l’une des figures de l’opposition malienne, a déclaré que « l’Algérie devrait être claire et ferme en ce qui concerne la souveraineté et l’intégrité du Mali ». Pour M. Belani, douté de la sincérité de la position officielle algérienne sur l’intégrité du Mali, « c’est faire un mauvais procès à l’Algérie ». Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères affirme aussi que la position algérienne sur la gestion de la crise malienne « est limpide et ne souffre d’aucune ambiguïté ».
Cette position s’articule autour de quatre points, rappelle-t-il. D’abord, poursuit M. Belani, « l’impérieuse nécessité de consolider le leadership à Bamako afin qu’il soit fort, cohérent et représentatif ». Comment ? Alger mise beaucoup sur les assises nationales qui devraient être tenues dans ce pays pour notamment lancer le dialogue avec les groupes armés occupant le Nord-Mali, qui renoncent au terrorisme et au séparatisme. Allusion au groupe islamiste touareg Ansar Dine et aux rebelles du MNLA. « Il est attendu de la tenue des assises nationales de doter le pays d’une feuille de route comportant un échéancier électoral et de mettre sur pied la structure nationale chargée d’engager un dialogue inclusif avec les représentants des populations du nord du Mali qui renoncent, sans ambiguïté, au terrorisme et au séparatisme et qui ont des revendications légitimes à faire valoir par des moyens exclusivement pacifiques », explique M. Belani.
Deuxième point, « le renforcement prioritaire des capacités de l’armée malienne, en termes d’équipements, de formation et d’intelligence », et ensuite, « l’éradication des groupes terroristes et leurs alliés du crime organisé, y compris par le recours à la force ». Enfin, l’Algérie considère qu’il est encore trop tôt pour lancer une intervention militaire en vue de reconquérir le nord du Mali. Cette intervention, affirme M. Belani « doit rester le dernier recours après l’épuisement de toutes les voies du dialogue, ce qui n’est pas encore manifestement le cas ». L’Algérie insiste sur le fait qu’en cas d’intervention armée, « celle-ci doit cibler exclusivement les vraies menaces que sont le terrorisme et le crime transnational organisé », conclut M. Belani.