Après l’explosion d’un véhicule piégé à la porte de son camp à Ansongo et l’attaque d’un camion transportant du matériel pour la force onusienne, la Minusma, en est encore à déplorer la mort d’une quarantaine de ses soldats, sans compter les victimes collatérales et la destruction d’importants lots de matériels. La Minusma, c’est la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilité du Mali. Elle compte plusieurs dizaines d’armées nationales (africaines, européennes, asiatiques, etc.) qui sont censé pallier aux nombreuses défaillances des forces armées et de sécurité du Mali mises en déroute, à partir du 30 mars 2012, par une coalition de forces rebelles terroristes qui avait fini par prendre le contrôle des deux tiers du territoire national. Si la France, grâce à l’intervention de la force Serval commencée en janvier 2013, est parvenue à stopper l’offensive jihadiste vers le centre et le sud du pays et à faire reculer les groupes islamistes qui voulaient imposer la charia à tous ceux qui vivent sur le terrain malien, visiblement elle n’est pas au bout de ses efforts. La Minusma, force onusienne, qui a remplacé la Misma (Mission internationale de soutien au Mali), force sous-régionale renforcée par l’armée tchadienne, ne parvient toujours pas à jouer son rôle et à remplir sa mission qui est, essentiellement, de protéger les populations civiles contre l’ennemi terroriste et de contribuer au retour de la paix.
Foule en colère
A part les forces tchadiennes qui se sont distinguées aux côtés des Français dans l’extrême nord du pays, la Minusma semble ne servir strictement à rien, concernant la « stabilisation » du pays. Au risque de remuer le couteau dans la plaie et de raviver les douleurs et rancœurs, il serait bon de rappeler qu’en mai 2014, les forces onusiennes se sont délectées des affrontements sanglants et meurtriers entre les forces armées maliennes et une association de malfaisants rebelles terroristes qui a reçu à prendre le dessus et à reprendre le contrôle de la ville de Kidal. D’où les militaires maliens rescapés ont fui pendant que des fonctionnaires civils étaient froidement exécutés ou pris en otage. Moins d’un an plus tard, c’est cette même Minusma qui a tiré, à Gao, sur une foule en colère parce que les Nations Unies voulaient pactiser avec le diable rebelle terroriste mis en mal par un groupe d’autodéfense qui avait décidé de voler au secours des populations civiles que la Minusma ne voudrait pas protéger. Cette foule était en colère parce que les casques bleus avaient outrepassé leurs missions et prérogatives en signant avec les mouvements armés de l’Azawad un document qu’ils s’apprêtaient à soumettre au Gatia (Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés), aux fins de désarmer celui-ci. Or, en l’absence de l’armée malienne, le Gatia était devenu le seul rempart entre les populations civiles à mains nues et les rebelles qui terrorisaient la zone. Normal donc que ces populations se soient mises en colère.
Mais ce qui est beaucoup moins normal, c’est que la Minusma ne cesse d’enregistrer des pertes, en vie humaine et en matériel. Pas parce que des casques bleus ne doivent pas mourir –le sort d’un soldat n’est-il pas de mourir les armes à la main- mais parce qu’ils font tout pour cela. Depuis plusieurs mois, en effet, il y a eu des signes annonciateurs : des véhicules qui sautent sur des mines, des convois qui sont attaqués, des casernes qui essuient des pluies de roquettes, des collaborateurs qui sont exécutés, des fournisseurs qui sont dépouillés, etc. Mais la Minusma ne prend aucune précaution et reste sur cette lamentable défensive pendant que tous s’efforcent à demander au Conseil de sécurité de l’Onu de lui donner un mandat plus offensif. Mais en attendant, ce que ces soldats onusiens peuvent faire de leur propre chef, c’est, s’ils ne peuvent protéger les populations civiles pour lesquelles ils ont été déployés, d’assurer leur propre sécurité et, surtout, celle de leurs collaborateurs.
Insouciance
On se demande, en effet, comment les responsables de la Minusma peuvent affréter un camion pour le transport de leur matériel et laisser celui-ci sans escorte ni protection. Comment un camion du Cicr (Comité international de la Croix-Rouge) peut-il être intercepté, dévalisé et brûlé à une quarantaine de kilomètres de Gao ? Pire, comment un véhicule roulant pour la Minusma peut-il être livré aux rebelles terroristes à seulement moins de vingt kilomètres de Gao, ses chauffeurs tués ? La Minusma ne peut-elle pas prendre le soin d’escorter ses propres livraisons et courses ? Pourquoi se cantonner dans un tel amateurisme alors que les Tchadiens et Serval puis Barkhane ont prouvé à suffisance qu’en faisant preuve de professionnalisme, n’importe quelle armée peut mettre à mal l’ennemi ? Dans les années 90, cette armée malienne mise en déroute à partir de 2012, moins équipée et beaucoup moins aguerrie, assurait l’escorte des voyageurs et de leurs biens sur les tronçons Gao-Hombori, Gao-Ansongo-Ménaka, Gao-Kidal, Gao-Bourem. Il n’y avait jamais eu aucun problème et tout le monde voyageait en sécurité. Les FAMa étaient seules. Aujourd’hui, avec des dizaines d’armées nationales au Mali, les habitants du nord ont peur de mettre le nez dehors. Ils craignent même de rester chez eux de crainte de recevoir une bombe volante. Et, de plus en plus, ils ne sont plus les seuls, car les attaques meurtrières se multiplient dans les régions de Mopti et de Ségou, c’est-à-dire loin du septentrion. Alors à quoi sert cette Minusma amatrice et insouciante? Est-elle la seule ?
Cheick TANDINA