Remise aux 16 et 17 avril 2015, en raison de l’absence du Premier ministre ou de son représentant, l’interpellation, pour la seconde fois du ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile à l’Assemblée nationale, portait sur la pénurie de passeport, de carte d’identité nationale et l’insécurité sur l’ensemble du territoire national
Visé par une série de questions d’actualité : la pénurie de passeport, le prix de la carte d’identité nationale qui varie selon les fournisseurs et l’insécurité qui a atteint son comble, le général Sada Samaké a tenu à apporter certaines précisions. «Il a été dit par plusieurs intervenants que le reportage qui a passé à l’Ortm était commandité et n’était qu’un montage grotesque de ma part. Tous ceux qui me connaissent, savent que ce ne pas mon genre. Je n’ai pas attendu d’être interpellé devant cette auguste Assemblée pour effectuer des visites inopinées à la Direction nationale de la police des frontières et dans certains Commissariats. Je souhaite que les députés aillent vérifier eux-mêmes après cette séance d’interpellation, pour voir si ce qui a été dit est réel ou pas».
S’agissant de la pénurie de carte d’identité nationale, le ministre Samaké s’explique : «Lors de la première séance d’interpellation devant les députés, j’ai donné ici devant tout le monde le prix exact de la carte d’identité. Elle est cédée à 1000 Fcfa avec un timbre de 500 Fcfa et un autre à 200 Fcfa ; le tout donc à 1700 Fcfa. Beaucoup de questions posées concernant la carte d’identité parlent du comportement des hommes en uniforme. La corruption, elle est réelle. Mais ce n’est par un coup de baguette magique qu’on va l’enrailler. J’ai la liste ici de tous les policiers sanctionnés avec les motifs y afférents. Je peux la mettre à la disposition du président de l’Assemblée nationale. Il s’agit de 242 policiers sanctionnés, de 34 policiers qui sont aujourd’hui révoqués, soit sous mandat de dépôt ou en instance directe. Ces documents sont là. Nous sommes en train de travailler pour assainir cette police».
Avant de poursuivre : «Au cours de nos tournées il y a trois jours, précisément au 6ème arrondissement, je suis allé dans la section de la carte d’identité nationale. Après mon entretien avec les agents qui m’ont dit les conditions dans lesquelles les cartes sont délivrées, je me suis donc adressé à la file d’attente. J’ai demandé à une dame à combien elle a payé pour avoir sa carte. Elle m’a dit qu’elle avait donné 5000 Fcfa et qu’on lui a retourné 1000 Fcfa. J’ai donc demandé à la dame de me montrer l’agent qui lui a remis les 1000 Fcfa. Séance tenante, l’agent lui a restitué son argent et j’ai pris la mesure de relever l’agent, la section et le commissaire, avant de quitter».
Abordant la question du passeport, le ministre a rappelé que le délai minimum pour faire un passeport est de 21 jours, parce qu’il y a une procédure qu’il faut suivre. «Quand je me suis rendu au service des immigrations, j’ai fait le constat qu’il y a 3000 passeports dont les montants avaient été encaissés au niveau du Trésor public, mais aucun passeport n’était pas encore fait. C’était des demandes de passeport, on ne pouvait pas savoir s’ils sont tous des Maliens. Alors, nous avons bloqué tout pour mettre de l’ordre. Il a été donc demandé aux intéressés de venir se présenter physiquement. Pour le mois de mars, nous avons 13.000 passeports et une consommation annuelle de près de 108.000 à 112.000. Chaque samedi, il est confectionné pour les Maliens de l’extérieur 500 passeports.
Quand j’étais Ambassadeur en Côte d’Ivoire, j’ai pris des faussaires qui ont des moyens installés délibérément pour falsifier des cartes d’identité et les cartes consulaires maliennes. C’est pourquoi certains pays refusent de prendre nos passeports, sans le dire ouvertement. Aujourd’hui, le passeport est à 50.000 Fcfa et au moment où je vous parle, nous avons un stock de 17.000 passeports à la police ; donc, il n’y a pas de pénurie. Seulement, des gens qui s’étaient installés dans cette pratique de magouille ne peuvent plus le faire et doivent faire le rang comme tout le monde. La balle est dans le camp de tout le monde et je pense qu’il faut donner le temps au temps pour assainir ces deux secteurs».
En ce qui concerne la question de la sécurité, le ministre Sada a confirmé certaines inquiétudes des députés en ces termes : «À la faveur d’une rébellion dont les intentions politiques étaient clairement affichées, des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ont envahi le Nord de notre pays depuis 2011.
Et malgré la tentative de récupérer ces trois régions du Nord en 2012, cette invasion a abouti à une nouvelle donne sécuritaire que nous devons désormais intégrer. Elle est caractérisée par la poursuite des misions jihadistes, des objectifs des terroristes comme le Mujao et Al-Qaïda et des nationaux comme Ançar Dine, dont le but est de créer un Khalifa en Afrique. À commencer par l’Etat fragilisé du Mali. Puisqu’ils ont échoué, il fallait créer une entité autonome, quelle que soit sa configuration ou sa dénomination politique qu’ils vont lui donner, Azawad ou autre chose. Et le troisième objectif est l’occupation graduelle et rationnelle des trois régions du Nord avec l’objectif de détruire le Sud.
En cultivant des courants politico-religieux à travers des acteurs locaux comme la bande que je caractérise de ventre mou, allant de Boulkessi jusqu’à la frontière mauritanienne, en passant par Ténenkou, Doura, Nampala. Ce secteur est sous la pression d’un courant politico-religieux bien organisé et entretenu par les acteurs locaux que nous connaissons. Et cela a des connections à Bamako ; ce qui lie sa sécurité à celle des régions du Nord. Avec la circulation anarchique d’armes et la création de cellules dormantes au Sud qui ne sont pas encore réveillées dont l’objectif est d’embrasser les parties intermédiaires, ensuite Ségou et Bamako».
Puis de conclure : «Nous sommes comptables d’une zone appelée le Sahel, donc tous les pays font face à l’insécurité et au terrorisme. Quand cette alerte a été donnée à Bamako, nous avons donc pris des mesures drastiques au niveau du gouvernement. Toutes les forêts avoisinant Bamako ont été fouillées et un dispositif sécuritaire pouvant faire l’alerte à plus de 50 km de Bamako a été mis en place.
Les patrouilles aussi ont été intensifiées, mais tout cela demande des moyens colossaux que nous n’avons pas, Messieurs les députés. Le ratio population sécurisé aujourd’hui est de 1 pour 1066, alors que la normale est de 1 pour 400. Il n’y a pas eu de recrutement depuis trois ans, la mobilité est réduite. Chacun connaît la loi de finances et de prestation budgétaire pour les forces de sécurité ici. Je ne peux pas dire que c’est la situation que nous souhaitions, mais elle est sous contrôle. Les gens sont surpris parce qu’ils ne se sont pas mis dans la peau de la réalité, comme le disent les militaires».
Toutes ces explications du ministre Sada Samaké ont laissé les députés sur leur faim. Allant plus loin, certains ont qualifié son attitude de fuite en avant. D’autres ont parlé de son incompétence, de mensonge au peuple malien… En attendant que le ministre Sada leur prouve le contraire sur le terrain.
Gabriel TIENOU/Stagiaire