Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale est revenu d’Alger ou il était censé assister à la cérémonie de paraphe du projet d’accord de paix par la Coordination des mouvements de l’Azawad. Mais malgré le refus des rebelles terroristes de parapher le document, le chef de la diplomatie malienne est confiant et serein.
Les raisons
Pressenti pour remplacer très bientôt Modibo Kéita à la primature en cas de succès de ses négociations avec les rebelles terroristes à Alger, le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale est pourtant rentré de la capitale algérienne sans obtenir ne serait-ce que le paraphe du projet d’accord pour la paix et la réconciliation par la Coordination des mouvements de l’Azawad.
Les responsables de celle-ci viennent de faire un pied-de-nez à l’Algérie, le chef de file de la médiation internationale dans le dossier malien, qui les avait invités à parapher le projet d’accord le 15 avril. Mais, surtout, ils viennent de narguer la communauté internationale qui, dans une écrasante majorité, a approuvé le projet d’accord et l’a indiqué comme étant la seule voie possible pour un accord de paix durable voire définitif. Mais ce refus de paraphe de la CMA, un échec pour lui mais aussi pour la médiation internationale, n’a ébranlé en rien la détermination du chef de la diplomatie malienne. Il revient certes bredouille d’Alger concernant le consentement des rebelles terroristes, mais
il revient avec une nouvelle assurance, celle que le projet d’accord sera signé à Bamako le 15 mai par tous ceux qui l’ont paraphé le 1er mars. Mais aussi, il ne désespère pas de voir s’ajouter à la liste des signataires des mouvements de l’Azawad. Il le croit, notamment quand il affirme que le processus est dynamique et que chacun décidera de signer au moment de son choix. Mais le feront-ils tous, certains choisiront-ils « de se mettre en marge du processus de paix » alors qu’Alger a décidé, après consultation directe de tous ceux qui ont paraphé le projet d’accord, que sa signature interviendra à Bamako le 15 mai avec pour effet immédiat sa mise en œuvre ?
Sérénité.
En fait, médiateurs, négociateurs maliens et observateurs sont convaincus que l’accord sera signé par des responsables de la CMA. Depuis quelques temps, ceux-ci sont acculés par leurs bases respectives, excédées de vivre encore en pleine insécurité. Elles sont menacées dans leur intégrité physique et craignent de connaitre bientôt la pénurie et l’insécurité alimentaire. Surtout que leur principale source de ravitaillement, l’Algérie, en acceptant de signer le projet d’accord, ne peut se permettre de ne pas renforcer les mesures de sécurité et de contrôle à sa frontière avec le Mali. Grand observateur dans le processus, le Niger a déjà multiplié les patrouilles à ses frontières avec les cercles d’Ansongo et de Ménaka, et dispose d’un contingent dans la zone pour le compte de la Minusma.
La Mauritanie, qui a déjà des accords militaires avec le Mali dans le cadre de la lutte antiterroriste, notamment les droits de poursuite, pourrait en faire autant lorsqu’elle sera obligée d’être la seule base de repli et la source de ravitaillement des mouvements armés de l’Azawad, sachant que ceux-ci sont très souvent de connivence avec les mouvements jihado-terroristes, la hantise obsessionnelle des autorités mauritaniennes.
La région de Gao est quasiment quadrillée par les mouvements d’autodéfense sédentaires, en particulier la plateforme et le Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés (Gatia) qui a très souvent mis à mal le Mnla et consorts. Et les mouvements rebelles et terroristes de l’Azawad, dans le nord, n’ont plus la même liberté de mouvement qu’il y a seulement moins d’un an, après la défaite des forces armées maliennes à Kidal suite à la visite du Premier ministre de l’époque dans cette ville.
Dissensions
Pour ces raisons, mais aussi pour les menaces de sanctions que sont en train de brandir certains milieux, les pressions de la population kidaloise sur les chefs de la CMA pour la signature d’un accord de paix deviennent de plus en plus fortes. A tel point que les mouvements de l’Azawad connaissent, depuis quelques temps, des dissensions internes et même des dissidences, et pas des moindres.
La CMA est composée essentiellement du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), élément initiateur et déclencheur de la rébellion armée de janvier 2012, du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad, une dissidence du Mnla puis d’Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghaly dirigée par Alghabass Ag Intallah, frère de l’actuel Amenokal des Touareg, Mohamed qui approuve sans réserve le projet d’accord de paix, du Mouvement arabe de l’Azawad, de la Coalition du peuple de l’Azawad. Chacune de ces quatre composantes connait aujourd’hui une dissension, une dissidence et une fronde liées à la nécessité ou non de signer l’accord de paix proposé par la communauté internationale et dont le suivi de la mise en œuvre sera effectué par toutes les parties signataires.
Le ministre des affaires étrangères est au courant de toutes ces turbulences dans le ciel de l’Azawad. Tout comme le médiateur et bon nombre d’observateurs. Et tous attendent de voir chacune des composantes de la CMA venir individuellement signer un accord de paix, conformément aux souhaits de ses bases. Mais à ce jeu, ce seront, à coup sûr, les dissidences qui viendront à Bamako, et la question est de savoir ce qu’elles valent. Seront-elles plus représentatives que les autres camps ?
En l’état actuel des choses, on peut dire sans risque de se tromper que les dissidents ont avec eux la majorité des populations de Kidal pendant que la quasi-totalité des régions de Tombouctou et de Gao est avec le gouvernement. Mais le 15 mai est encore loin, reste au ministre Diop de ne pas baisser les bras diplomatiques, surtout maintenant, et de suivre le conseil très avisé de Bisa Williams, l’envoyée spéciale de la Maison Blanche à la cérémonie de paraphe raté de la CMA à Alger. Comme cela, il pourrait mériter et gagner son poste de Premier ministre.
Cheick TANDINA