Fait indéniable : le Mali va à vau-l’eau. A telle enseigne que ce pays à l’histoire millénaire tend à perdre jusqu’à son identité originelle qui en fit l’une des nations les plus crédibles au monde. Entre une situation sécuritaire précaire sur toute l’étendue du territoire national, une crise économique et financière endémique, un front social latent et/ou en ébullition, et une forte demande sociale, et le blocage quasi certain de parvenir à un accord de paix réconciliateur, le pays périclite, s’il n’est déjà à terre. La raison de cet abime ?
D’abord, la gestion catastrophique du président Ibrahim Boubacar Kéita, ensuite et surtout, un gouvernement qui a oublié toutes les priorités au profit de pourparlers inclusifs inter maliens qui ont, malheureusement, échoué.
Le président Modibo Kéïta et tous les pères des indépendances qui ne sont plus parmi nous aujourd’hui se remueraient dans leurs tombes s’ils pouvaient voir ou apprendre l’image de ce beau pays qu’ils ont légué à la postérité.
A savoir un pays jadis cité en exemple en Afrique et à travers le monde pour les guerres héroïques sous ses anciens empires, sa lutte d’indépendance, son riche patrimoine culturel et artistique, son modèle de démocratie, mais aussi pour son hospitalité légendaire, sa culture de la paix et du vivre ensemble.
Au-delà, quelles larmes verseraient nos vaillantes fiertés Soundiata Kéïta, Soumangourou Kanté, Tiéba et Babemba Traoré, Samory Touré, Biton Coulibaly, N’Golo Diarra, Monzon Diarra, Dan Monzon Diarra, Dioba Diarra, El Hadj Oumar Tall, Amadou Sékou et Sékou Amadou, Sonni Ali Ber, Firhoum, Askia Mohamed, Touramaghan, Fakoly Doumbia etc. à l’idée que ce trésor n’est plus qu’un lointain souvenir, dilapidé non seulement par le comportement des Hommes, mais aussi par la mauvaise gouvernance publique.
Si nous plongeons nos lecteurs dans ces rappels de l’histoire, c’est pour démontrer que ce qui arrive en ce moment à notre pays n’aurait jamais dû : un pays qui coure derrière une partie de sa souveraineté, une population affamée et en insécurité, un avenir incertain. C’est tout simplement pitoyable !
Pourquoi le Mali est dans un tel état de détérioration ?
Héritier d’une Transition qui avait pu remettre le Mali sur les rails, avec une intégrité territoriale recouvrée et des institutions élues, le président Ibrahim Boubacar Kéita (plébiscité comme étant l’Homme de la situation), se devait de sauvegarder ces acquis, les consolider et entreprendre un redressement, voire une véritable relance économique. A la place, IBK instaura une mauvaise gouvernance jamais égalée, plongeant le Mali dans une situation chaotique, source d’inquiétude…
Le Mali vit cette situation parce qu’après la grave crise politico-militaire, les vraies priorités sont occultées par les nouvelles autorités qui avaient d’abord mis le plus beau clair du temps consommé dans la gestion des scandales. Scandales liés à l’achat de l’avion présidentiel (16 à 21 milliards de FCFA selon les interlocuteurs) et au marché du contrat d’armement (108 milliards de FCFA).
Scandale des surfacturations (entre 28 et 39 milliards selon les structures de contrôle). Scandale lié aux supposés liens avec le parrain des parrain corse, Michel Tomi. Scandale de la suspension de l’appui budgétaire des institutions de Bretton Woods. A ces scandales se greffent les sulfureux dossiers de la rénovation du Palais présidentiel de Koulouba, la résidence privée de Sébénicoro, « Ma famille d’abord » etc.
Pendant tout ce temps, le pays était sur cale, instaurant un marasme économique sans précédent.
Le « calme » revenu avec la reprise de l’aide budgétaire, on était en droit de s’attendre à une réelle reprise des choses en main, c’est-à-dire que le gouvernement se tourne, enfin, vers les préoccupations quotidiennes des populations. Erreur !
Aujourd’hui plus que jamais, le quotidien des Maliens et les questions qui impactent la vie de la nation n’ont autant été relégués au second plan par le gouvernement, pris en otage par des pourparlers inclusifs inter maliens qui avancent d’un pas et reculent de deux.
Terreur dans la cité
Ces deux dernières années, l’insécurité est devenue le voisin direct de chaque Malien. 2015 s’égrène au jour le jour dans un environnement sécuritaire plus qu’inquiétant.
De janvier à nos jours, le peuple malien a assisté avec consternation et impuissance à la montée fulgurante des attaques djihadistes et terroriste non seulement au nord, mais aussi au centre et au sud du pays : Kidal, Gao, Ménaka, Ansongo, Nampala, Douentza, Boni, M’Boullikessi, Ténenkou, Dioura, Diafarabé, Dogo etc.
Pas plus tard que mercredi dernier, le chef de village de Dogo a été sauvagement assassiné par des hommes armés. Fait inédit : les assaillants circulaient à motos.
Quelques semaines plus tôt, c’est le chef de poste forestier de Diafarabé qui fut assassiné par des bandits armés.
Les mines terrestres anti personnel, les attaques à mains armées, les vols de bétail, de cyclomoteurs, de voitures, les viols et autres agressions physiques sont connus de tous.
A Bamako, l’insécurité a atteint les cimes. Matin, midi et soir, les populations sont braquées, dépossédées de leur argent et de leurs biens, assassinées. Là, la forme d’insécurité a évolué dangereusement vers les attentats. Deux exemples en attestent.
L’inadmissible tentative d’assassinat du Général Ould Meydou à son domicile en janvier dernier. Cette nuit-là, deux individus l’attendaient sur une moto. A son arrivée, ils ouvrent le feu sur lui. Transporté à l’hôpital, l’officier supérieur s’en sort après des soins intensifs.
Le 7 mars, l’attentat de La Terrasse vient confirmer la gravité de l’insécurité qui angoisse le quotidien des Bamakois. Un bandit armé fait irruption dans ce restaurant très prisé de la capitale et abat 6 personnes dont 3 expatriés et autant de Maliens dont un policier. L’un des auteurs de ce coup sera abattu quelques jours après au terme d’une nuit agitée contre les forces spéciales de la sécurité d’Etat.
Depuis, plus rien. Bamako est laissée à elle-même, à part des patrouilles sporadiques dite de grande envergure et dont les résultats ne sont points ressentis.
Plus grave, des camps d’entraînement de terroristes et djihadistes sont implantés en plein cœur de la capitale, à l’image de celui de Samanko dont les pensionnaires ont miraculeusement disparu dans la nature. Aujourd’hui, il n’y a aucune politique nationale de sécurité au Mali. Or, l’insécurité généralisée et grandissante affecte dangereusement la paix sociale et annihile tout effort de développement et d’épanouissement des entreprises.
Au grand dam des Maliens
Face à l’inaction, au manque de stratégie et à l’amateurisme du pouvoir en place, le Mali est partagé entre inquiétude du présent et désespoir de l’avenir. Le point culminant, c’est la gravissime situation économique et financière du pays.
Le mode de gestion des affaires publiques a instauré un marasme économique sans précédent. Parce que les ressources financières qui auraient du etre injectées dans le développement et la gestion du quotidien des Maliens ont été allouées à l’achat d’un avion présidentiel et d’équipements militaires (qu’on ne voit toujours pas).
Ces fonds détournés de leur vraie destination ont installé une crise financière et économique qui a paralysé l’administration et, surtout, assommé les Maliens. Aujourd’hui, rares sont les Maliens qui posent la marmite sur le feu trois fois par jour. Personne ne mange à sa faim. Chacun tire le diable par la queue. A condition de voir passer le diable !
L’inflation n’est pas maîtrisée sur le marché où les produits de première nécessité, les céréales de grande consommation et les hydrocarbures (lait, huile, sucre, riz, mil, sorgho, maïs, essence, gasoil, gaz butane…) ne redescendent plus de l’ascenseur.
Les transports en commun, urbains et interurbains deviennent du luxe, certains trajets pouvant nécessiter que l’on change de véhicule jusqu’à trois fois.
L’argent ? Il semble tout simplement avoir fondu sous la forge. Et, les autorités semblent n’avoir solution.
Face à cette forte demande sociale, le chef de l’Etat et son gouvernement manquent de répondant. Au grand dam des Maliens.
Sékou Tamboura