Les concertations nationales étaient prévues pour se tenir du 26 au 28 novembre 2012 au Centre international de conférences de Bamako. L’annonce en avait été faite par la bouche la plus autorisée qui soit : celle du directeur de cabinet du Premier ministre, le professeur Oumar Kanouté, par ailleurs secrétaire général du MPR. L’intéressé avait ajouté que les assises se tiendraient avec ou sans la présence du FDR – front anti-putsch composé, entre autres, de l’Adema, de l’URD et de l’UNTM – qui avait décidé de les boycotter.
Or, vendredi 23 novembre, le gouvernement a tout à coup décidé le report des concertations à la date des 10, 11 et 12 décembre 2012. L’on pourrait croire que les pressions du FDR ont porté mais il n’en est rien en réalité. Se désolidarisant du groupement politique dont il émane (« Je ne sais plus ce qu’ils veulent! », s’est-il exclamé en petit comité), le président Dioncounda Traoré avait autorisé le gouvernement à annoncer la tenue des assises, quelles que soient la position et l’attitude du FDR. Il avait été également convenu entre le président Traoré et le Premier ministre Cheick Modibo Diarra que serait soumis aux assises nationales un projet politique axé sur 2 points principaux:
- maintien des institutions constitutionnelles actuelles;
- création d’un Haut comité d’Etat doté de pouvoirs consultatifs et dirigé par le président de la transition avec, pour adjoints, un militaire et un civil.
Ce projet ayant été soumis, comme on s’y attendrait, à la junte militaire de Kati, celle-ci a réagi négativement. Pour la junte du capitaine Sanogo, au lieu d’une simple structure consultative chargée d’émettre des avis inutiles , le Haut Comité d’Etat envisagé devrait plutôt remplacer l’exécutif actuel. De ce fait, le Haut Comité d’Etat prendrait la forme d’un triumvirat chargé de co-gérer le pays jusqu’à la fin de la transition. Bref, le Mali serait doté d’une présidence collégiale formée de 3 co-présidents de la République. La junte a fait savoir qu’à défaut, pour le gouvernement, d’adhérer immédiatement à ce projet, elle exigeait qu’à tout le moins, il soit soumis aux concertations nationales et que celles-ci en décident en toute souveraineté.
L’idée de la junte prenait le contrepied de celle de Dioncounda et de Cheick Modibo Diarra. Non seulement elle impliquait la mise à l’écart de la Constitution, mais en outre, elle signifiait un retour des militaires dans le jeu institutionnel. Par conséquent, elle avait toutes chances de susciter une levée de boucliers de la communauté internationale, ONU, Union africaine, Union européenne, Etats-Unis, France et CEDEAO en tête, qui ne veut voir l’armée malienne que retranchée dans les casernes ou déployée sur le front de la guerre.
C’est donc pour arrondir les angles avec la junte de Kati et ne pas se risquer dans une confrontation publique avec les militaires que le gouvernement a décidé de reporter les concertations nationales. Il lui faut absolument trouver un compromis avec la junte car si le projet de triumvirat était soumis aux concertations nationales, il pourrait très bien être adopté par les participants: boycottées par le FDR et les partisans de l’ancien Premier ministre Zoumana Sacko, les assises nationales comptent, en effet, une majorité de délégués proches des militaires…