Depuis le début de la crise au Nord‑Mali, l’Algérie est au centre des critiques à Bamako. Responsables politiques, tant au pouvoir que dans l’opposition, presse ou simples citoyens, le puissant voisin du Nord semble être unanime contre elle. En cause : sa position sur la crise actuelle. Mais pas seulement. « L’actuel président algérien n’est jamais venu dire bonjour aux Maliens, ne serait‑ce que pour une petite heure », accuse Kassim Traoré, jeune journaliste malien. « On le surnomme pourtant Abdelkader El Mali. Il y a même une maison qui porte son nom à Gao », ajoute‑t‑il sur un ton mêlant reproches et dédain en réaction à ce qu’il qualifie de « mépris ».
Au Mali, tout le monde est unanime pour soutenir une intervention militaire rapide au nord du pays, jurent tous nos interlocuteurs rencontrés à Bamako. Certains veulent même aller très vite, sans attendre l’arrivée des forces internationales. « On ne peut pas rester les bras croisés en attendant les forces internationales pour reconquérir le nord du Mali », tonnait, samedi en fin d’après‑midi, Boubacar Touré, du Rassemblement pour le Mali (opposition), lors d’un meeting populaire tenu au stade Modibo Kéita.
Des jeunes, comme Mamadou, chauffeur de taxi au centre‑ville de Bamako, se disent même prêts à s’engager dans l’armée pour « libérer le Nord du pays ». « Les gens, là‑bas, subissent des amputations et des lapidations », explique‑t‑il. L’exaspération et l’impatience face à la situation au nord du pays sont perceptibles dans pratiquement chaque conférence, rencontre ou meeting politique. « Les Maliens sont à 100 % avec l’intervention militaire », résume Kassim Traoré.
Pour le journaliste, la position de l’Algérie a beaucoup « surpris » au Mali. Même « les récentes déclarations du Premier ministre sur les négociations qui seraient inévitables avec les groupes rebelles ont failli provoquer une manifestation à Bamako », assure le journaliste. « Le MNLA est une création de la France sous Sarkozy et Ançar Eddine est une création de l’Algérie », tranche Ahmada, jeune guide touristique. L’enjeu ? Empêcher le Mali d’exploiter ses richesses, estime‑t‑on à Bamako.
« Le point de vue algérien pour la sortie de la crise souffre d’incompréhension au sein de la population malienne », tempère Zeidane Ag Sidalamine. Cet ancien rebelle touareg est aujourd’hui porte‑parole du Pacte national de 1992 et de la Flamme de la paix. Il poursuit : « l’opinion malienne n’est pas bien informée ». A Bamako, la presse critique régulièrement l’Algérie. Sur les écrans de télévision, à Bamako, les chaînes françaises comme France 24 sont les plus regardées.
Le bouquet Canal+ est vendu à 10 000 F CFA (près de 16 euros) par mois. Or, ces chaînes défendent la position française en faveur de l’intervention militaire. L’influence sur la population locale est totale. Beaucoup de Maliens rencontrés à Bamako décrivent le Nord comme une région dont la population est terrorisée par des groupes qui appliquent la charia, coupent des mains et lapident les femmes. Dans ce conflit, la voix de l’Algérie est presque inaudible.
« Les masses ne réfléchissent pas. Elles avancent », explique Zeidane Ag Sidalamine. Pourtant, selon lui, l’Algérie a toujours fait une lecture « positive, documentée et renseignée » du problème touareg. Pour lui, il est impossible de soupçonner l’Algérie de comploter au vu de tout ce qu’elle fait pour aider le Mali depuis plusieurs années.
« Il ne faut pas oublier que c’est le premier pourvoyeur de bourses pour le Mali », précise‑t‑il. Il affirme que beaucoup d’avancées ont été enregistrées après les accords signés entre les Touaregs et le gouvernement malien sous l’égide de l’Algérie. Aujourd’hui, il est donc nécessaire de négocier avec les rebelles qui sont des Maliens, dit‑il. « Mais les négociations se feront avec ceux qui acceptent l’intégrité, l’indivisibilité de la République et sa laïcité », prévient Ag Sidalamine.
Diarra Diakité
Conseiller technique, résidence de la République du Mali