Dans les localités de Ménaka, Djebock, Tombouctou, Goundam et Léré, la tension monte. Et le risque d’embrasement de tout le septentrion est présent.
Les populations civiles qui saluent la déroute des rebelles à Ménaka ne souhaitent plus à avoir à faire avec les mouvements de l’Azawad et demandent l’implication des forces maliennes et des casques bleus de la Minusma. Hélas, ces appels sont loin d’avoir trouvé échos auprès de la Minusma et de l’armée malienne, alors que la situation sécuritaire se dégrade de plus en place dans les régions Nord du Mali depuis le début de la semaine. Au point que les observateurs s’interrogent sur les conséquences de cette nouvelle montée de tension dans le septentrion.
Après la prise du contrôle de la ville de Ménaka par le Gatia et ses alliés, les populations se sont opposées à la volonté de la Minusma qui voudrait que les milices d’auto-défense quittent la localité qui était occupée par le Mnla jusqu’à lundi dernier. Dans un communiqué rendu public le 28 avril, Mongi Hamdi, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et Chef de la Minusma, exprimait sa préoccupation quant au processus de paix engagé il y a plus d’un an pour résoudre durablement et pacifiquement la crise sécuritaire malienne.
Le bilan des affrontements serait lourd du côté des rebelles qui ont perdu près de 70 combattants. Par ailleurs, au lendemain de la prise de Ménaka par les milices d’auto-défense, une tentative des rebelles visant à reprendre la ville a échoué. La Minusma qui est présente au Mali au nom de la population aura du mal à faire revenir les rebelles dans la ville, surtout que les habitants manifestent leur soutien à l’armée malienne.
La poussée des milices d’auto-défense a obligé les hommes du Mnla à abandonner plusieurs positions dont la localité de Djebock, à une quarantaine de kilomètres de la ville de Gao. Les rebelles auraient sollicité l’appui de la Minusma afin d’assurer qu’aucun autre groupe armé ne s’installe dans cette localité. En effet, le Mnla souhaite que ni les soldats de l’armée malienne, ni les milices d’auto-défense ne soient présents à Djebock.
Pour La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la prise de Ménaka par le Gatia est une rupture du cessez-le feu, d’où sa décision de multiplier les attaques. Une patrouille de la Minusma a ainsi subi le 28 avril des tirs non loin de la ville de Tombouctou. Selon la Minusma, la CMA a indiqué que cette attaque était une erreur, car elle aurait pris les casques bleus pour les soldats maliens.
Autre fait d’arme, le chef de peloton de la garde nationale de Goundam et son adjoint ont été assassinés dans la nuit du mardi à mercredi (29 avril) par quatre individus à moto. Les assassins qui ont pris la fuite seraient des éléments de la CMA, même si cela à être confirmé par des recherches qui sont en cours.
Le représentant de l’ONU, a déclaré dans son communiqué que les équipes de la Minusma sur le terrain et à Bamako sont totalement engagées pour que cette spirale de tensions très inquiétante cesse au plus vite. «Nous sommes en contact avec la Plateforme, la Coordination et le Gouvernement du Mali pour un retour au calme dans les plus brefs délais », souligne le communiqué.
Le chef de la Minusma dit regretter la tournure que prennent les événements, mais il reste optimiste quant aux chances de voir aboutir le processus de paix le mois prochain. Selon lui, il n’existe aucune alternative à la signature de l’accord de paix. Toutefois, le seul obstacle à la signature de cet accord demeure la CMA, qui a refusé de parapher le document après 8 mois de négociations dans la capitale algérienne.
Les rebelles indépendantistes de la CMA sont davantage fragilisés par leur revers à Ménaka, étant donné que les populations ont trouvé l’opportunité de les désavouer publiquement. Mais la CMA est en train de courir le risque d’être dans une position encore plus difficile dans la perspective de la signature de l’accord à Bamako, le 15 mai. Et sur le plan stratégique, les milices d’auto-défense ont non seulement un soutien populaire, mais elles ne sont pas en terrain inconnu comme les soldats de l’armée régulière.
La dégradation de la situation sécuritaire est une des conséquences des atermoiements de la CMA dont la légitimité auprès des populations est une mise en scène. Les manifestations hostiles à l’accord de paix ne traduisent que la volonté des chefs rebelles à mettre en cause l’intégrité territoriale du Mali. A Ménaka, la montée des couleurs nationales du Mali aurait ému jusqu’aux larmes de nombreuses personnes qui se souviennent de la profanation du drapeau malien à Kidal le 6 avril dernier. Mais la question essentielle est celle-ci : jusqu’où ira ce nouveau regain de violence?
Soumaïla T. Diarra