Menaka le mardi, Goundam, le mercredi matin, puis Léré l’après midi ; les foyers de tensions du nord se multiplient à la vitesse d’un feu de brousse. La CMA, chassée de Ménaka, chercherait-elle à se fixer ailleurs, ou alors veut-elle jouer à la guérilla, pour rendre le nord d’avantage incontrôlable, avec le risque de faire de l’accord d’Alger, dont la signature est fixée par la médiation au 15 mai, un instrument de paix inopérant, « un accord mort né » ?
Hier mercredi, entre 15 et 16 heures, parlant avec les habitants de Léré terrés chez eux, nous entendions des coups de feu, des bruits de tirs d’armes lourdes. Sans être des initiés en la matière, les explications de nos interlocuteurs aidant, on pouvait croire en la gravité de la situation à Léré. Ainsi contactés, l’explication des habitants de Léré était claire : des rebelles veulent arriver dans la ville, nos forces armées s’opposent et sont en train de les repousser. Les coups de feu étaient audibles, mais un de nos interlocuteurs indique un peu après 16 h, que le bruit s’éloigne. « C’est des tirs très puissants, nous avons vu un vrai char ». Plus tard nous apprenons que deux véhicules des assaillants ont été brulés par la puissance de foudre craché par des engins lourds positionnés à Léré, s’attendant à de telle surprise de la part des assaillants rebelles. Selon nos sources sécuritaires, « personne ne s’aviserait à attaquer Léré aujourd’hui, il n’y a pas d’avion, mais à part, les rebelles qui ont fait appel à tous leurs amis Jihadistes, depuis leur refus de signer, savent ce qui les attend à Léré, s’ils osent ».
Depuis les indécisions de parapher constatées dans les rangs de la CMA, elle aurait commencé à rassembler ses troupes à ‘’Fouetta’’, une localité située entre Goundam et Léré. Informées, les hautes autorités n’ont pas cru réagir. Ainsi depuis plusieurs semaines, les rebelles sont en train de se positionner. Gendarmes, Méharistes de la Garde nationale et troupes de l’armée conjuguent à Léré ou le CB de la gendarmerie, le capitaine Méhariste et celui de l’armée s’entendent parfaitement.
Selon ces sources, chassés de la zone de Menaka, ils sont dans l’errance et cherchent à semer la terreur dans la bande de la frontière mauritanienne (zone Léré, Nampala), « Gao étant une forteresse ». Les véhicules de la Coordination ont fait le plein ce mardi dans un village (peut-être Fassala), mais n’attaqueront jamais frontalement Léré, selon toutes nos informations. Certains se seraient amusés à rentrer dans la ville de Léré à pied ou à dos d’ânes se faisant passer pour de paisibles habitants de la zone, parlant les langues locales, Tamashek, peulh. Mais ils sont suivis de près ou de loin, nous indique-t-on.
Confirmant ces affrontements, un communiqué du ministre de la Défense et des anciens combattants en date du 29 avril indique le soir, que « le MNLA, le HCUA et leurs alliés terroristes, après avoir assassiné ce matin le chef peloton de Goundam, son adjoint et une innocente fillette, viennent de s’attaquer cet après-midi, à visage découvert, aux forces du Mali régulièrement stationnées à Léré. Ces crimes font suite à d’autres commis contre de paisibles citoyens dans diverses localités du pays ».
Selon le ministre, « Dans leur dessein inavoué, mais certes l’intention délibérée de faire péricliter le processus de paix en cours, le MNLA et ses alliés n’en sont pas à leur premier cas de violation des accords de cessez-le-feu. Prenant à témoin la Minusma, Barkhane et la communauté internationale de toutes les exactions, violations des accords et des droits élémentaires de l’homme par ces groupes dont la violence constitue l’unique mode d’expression, le ministre de la défense en appelle à la mobilisation de tous pour le respect des engagements pris et la préservation de la quiétude sociale sur toute l’étendue du territoire national ». Le ministre rassure les populations de la détermination des Forces armées maliennes et de leurs partenaires à protéger les personnes et leurs biens tout en réitérant la volonté des FAMa de respecter les accords, selon le communiqué.
Du côté de la médiation, un communiqué de mercredi 29 avril indique que « l’équipe de la Médiation élargie suit avec inquiétude et une attention particulière les développements intervenus ces derniers jours dans la localité de Ménaka et dans les environs de Tombouctou. Elle se déclare extrêmement préoccupée par le climat de tension et d’insécurité qui prévaut dans ces zones ». A l’effet d’évaluer ces développements qui ne sont pas de nature à favoriser l’apaisement et la sérénité nécessaire à cette étape importante du processus de paix, elle a entrepris une série de consultations, à l’issue desquelles : « Elle tient à rappeler à toutes les parties concernées leur engagement pour la paix et la nécessité du respect des dispositions de l’Accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014 et ses modalités de mise en œuvre du 13 Juin 2014, la Déclaration de cessation des hostilités signée à Alger le 24 juillet 2014 et celle signée à Alger le 19 février 2015 ».
La médiation élargie condamne fermement les violations de ces Accords et Déclarations, déplore les pertes de vies humaines et exhorte les différentes parties à favoriser l’instauration d’une ambiance propice à l’aboutissement dans les meilleures conditions du processus de paraphe et de signature de l’Accord de paix, seul à même de permettre le rétablissement de la paix.
Elle encourage la MINUSMA, dont elle soutient pleinement l’action, à prendre toute les mesures nécessaires, notamment celle liées à la protection des populations en vue du respect des engagements contractés en vertu des accords et Déclarations susmentionnés.
Elle recommande la tenue, de toute urgence, d’une réunion de la Commission Technique Mixte de Sécurité en vue de prendre les mesures devant assurer le respect de ces engagements. « Elle rappelle le contenu de la Déclaration du Président du Conseil de Sécurité du 6 février 2015. A cet égard, la Médiation appelle à la cessation immédiate de tout acte d’hostilité, de harcèlement et de violence et à l’arrêt de tout acte ou propos provocateurs pouvant nuire au renforcement de la confiance entre les parties », indique le communiqué.
B. Daou