L’avocat du général Amadou Haya Sanogo, Me Mariam Diawara en est convaincue. Pour parler du charnier et du comment il a hébergé ses locataires – comme l’aurait fait le juge- il fallait être présent au moment des tueries.
Un avocat et un juge hors du prétoire sont comme le défenseur et l’attaquant hors du terrain de foot : ils échangent sur le match, sur ses péripéties et sur la prochaine rencontre. Dans les coulisses, l’on se lâche et les échanges sont tout sauf formels. C’est ainsi que le juge Yaya Karembé et l’avocate Mariam Diawara ont pu disserter entre collègues opposés sur les péripéties du dossier du charnier de Diago où l’on est allé déterrer, en pleine nuit, les cadavres des 21 soldats qui ont été présentés comme les restes de 21 bérets rouges tués et enterrés collectivement dans un puits à Diago. Le camp des vainqueurs post changement de pouvoir à Koulouba avait clamé : ce sont les restes des bérets rouges capturés et montrés à la télé par Sango et le Cndrdre- ils ont été capturés en faisant quoi ? Avant donc la moindre enquête, le verdict fut livré : c’est Sanogo qui les a tués. Discours pew, comme dirait le Malien moyen.
Les Américains sont venus ici à Bamako à maintes reprises pour s’occuper de ces corps. Ils ont fait venir Karembé aux Usa à maintes reprises. Et ils ont enquiquiné les autorités maliennes et l’hôpital Gabriel Touré à maintes reprises. Pour mieux abandonner ces corps, une fois leurs besoins satisfaits, sur les bras de cet hôpital auquel l’Etat lui-même avait fini par tourner le dos le laissant seul avec ses cadavres non exquis. A un moment donné, le directeur de cet établissement s’était mis à lancer des SOS afin que quelqu’un vienne libérer ses tiroirs de ces corps qu’il ne voulait plus voir et qui l’encombrait. Les parents de ces corps eux-mêmes (surtout elles-mêmes) n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer- alors que l’on déroulait le tapis rouge pour eux avant.
Comme chacun peut le constater, plus personne ne fait cas de ces bérets rouges – même les bérets rouges vivants ne bénéficient plus de rien. Ces 21 ont servi à un moment donné contre la junte, contre le pouvoir et contre le Mali. Un vrai alibi pour mieux mettre les Maliens à genoux sans qu’ils ne se doutent de la supercherie. Et depuis ?
Une taupe … infiltrée au CNDRDRE
L’avocate Mariam Diawara en est convaincue : le juge Yaya Karembé était un espion infiltré au Cndrdre. Une taupe introduite au cœur du pouvoir de la junte mais œuvrant au service de qui ?
Les convictions profondes de la professionnelle du droit viendraient aussi des conversations qu’elle a eues avec le juge – échanges inévitables entre gens qui évoluent dans un même domaine. Le juge aurait tenu des propos – sur l’exécution des bérets rouges et la mise de leurs corps en charnier – de si bonne précision et de pertinence que l’avocat aurait confié au juge : « Mais, a t’entendre parler, on dirait que tu as assisté à la scène ». Et c’est la femme à la robe noire qui donne cette indication. Donc pour elle, le juge était là quand les bérets rouges ont été tués et c’est lui qui aurait indiqué l’endroit où les corps ont été entassés.
Mais de leur vivant à leur mort, par quels stades sont passés les malheureux bérets rouges ? L’avocat du général Sanogo a une réponse. C’est un fait établi que les bérets rouges ont été capturés – ils faisaient quoi ?- par les forces de Sanogo qui les ont exhibés à la télévision nationale – tous les Maliens en ont vu les images. Mais une fois que le Cndrdre a montré les « criminels » sur le petit écran, que sont-ils devenus ? Le général Sanogo les a livrés au président de la Transition Dioncounda Traoré. Ce dernier les a remis à son tour à la Direction nationale de la Gendarmerie.
Conclusion : le général Sanogo n’a pas assassiné les 21 bérets rouges! Et il ne les a pas mis dans un puits-charnier à Diago. Alors, qui a tué les 21 bérets rouges? Où ? Qui les a mis dans le charnier de Diago ? Et comment a-t-on découvert le lieu de leur enterrement provisoire ? Et pourquoi le dossier reste-t-il aussi muet que les cadavres qu’il contient ? Ces questions-là ne sont pas manifestement derrière nous, mais devant.
Amadou Tall