Le Mali à l’instar de la communauté internationale célèbre ce 1er mai la fête du travail. À cette occasion, le secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (Cstm), Hammadoun Amion Guindo, a bien voulu nous accorder une interview. Dans laquelle il nous parle de l’organisation de cette fête, des rapports entre la Cstm et l’Untm, des points de revendications avec le gouvernement et de son point de vue sur l’accord de paix d’Alger qui sera signé ce 15 mai.
Reporter Mag : Pouvez-vous nous rappeler brièvement l’historique de la création de la CSTM ?
Hammadoun Amion Guindo : La Cstm a tenu son assemblée constitutive le 20 décembre 1997 et son premier congrès les 28 et 29 avril 1998 et depuis, elle fait son petit chemin. Elle compte aujourd’hui 18 fédérations dans tous les domaines et est présente aussi sur l’ensemble du territoire national.
Quels sont vos rapports avec les autres centrales du Mali ?
Il faut dire que nous avons de bons rapports. En son temps, il y avait seulement l’Untm et la Cstm. Sur le plan syndical, nous considérons que nous sommes des partenaires défendant les mêmes intérêts des travailleurs ayant prescrit le même statut et nous estimons qu’en tant que centrale syndicale, nous avons les mêmes intérêts à défendre. A priori, il n’y a pas de raisons pour que nous nous n’entendions pas. Après cela, il y a eu la création de la Confédération malienne de travail et tout récemment la fédération démocratique des travailleurs du Mali avec qui, nous avons de bons rapports que nous entendons concrétiser cette semaine, en organisant ensemble un défilé le 1er mai. Pour nous, nous disons qu’en tant que centrale syndicale, nous avons de bons rapports et nous souhaitons que cela soit consolidé davantage.
Selon vous, quel est l’avantage du pluralisme syndical ?
Le pluralisme syndical est bon pour les travailleurs eux-mêmes, parce que ça leur donne un choix. Car l’organisation syndicale, a priori, c’est défendre les intérêts du travailleur. Il faut que le travailleur puisse avoir le choix, s’il estime quelque part qu’il n’est pas bien défendu au niveau de sa centrale ; qu’il y ait cette liberté, conformément à la convention 87, d’aller consulter d’autres centrales et voir avec qui il peut défendre ses intérêts. Le pluralisme le permet. Mais, cela n’exclut pas que dans le pluralisme les syndicats puissent avoir des points communs et aller en plate-forme commune de revendications. Quitte après cela que chaque centrale ou chaque syndicat aille prier dans sa chapelle en toute indépendance. Nous, nous voyons d’un bon œil le pluralisme syndical. Mais il ne faudrait pas que ce pluralisme affaiblisse l’action syndicale. Il est fondamental que les responsables à ce niveau sachent qu’il y a des moments où nous devons nous donner la main sur un minimum de points de revendications et des doléances et dans l’intérêt bien compris des travailleurs à aller ensemble.
À ce jour, est-ce que vous avez des revendications au niveau de la CSTM. Si oui, lesquelles ?
Nous venons de finir de négocier un cahier de doléances de 33 points sur lesquels il y a eu 21 points d’accord et nous avons été saisis par le département du Travail pour la mise en œuvre des points d’accord. Il y a eu 10 ou 11 points de désaccord. Nous entendons les reconduire dans un autre cahier de doléances que nous aurons à présenter pour le 1 mai 2015. Après la fête, il faudrait que la Cstm dépose un cahier de doléances pour l’année 2015. À ces points de divergence, il faudrait prendre en compte d’autres réalités pour étoffer le nouveau cahier de doléances qui sera présenté aux autorités à partir du 1er mai.
Au cas où le gouvernement ne satisferait pas vos revendications, qu’est-ce que vous allez faire ?
A priori, de part et d’autre, nous avons souci d’aller à un dialogue social apaisé. Nous ne demandons pas l’impossible à l’Etat. Ce serait un peu en dehors de l’action syndicale. C’est un chemin que nous n’allons pas emprunter. Mais nous croyons au dialogue et nous pensons que nos partenaires, autant le gouvernement que le Conseil national du patronat, prendront ce document et, en toute responsabilité, nous allons asseoir un dialogue. Nous ne voyons pas à partir d’aujourd’hui l’après-refus, parce que nous ne nous mettons pas dans cette logique d’échec au niveau des négociations.
Nous voici à quelques encablures de la fête du 1er mai. Comment comptez-vous la célébrer ? Et sous quel signe ?
Nous allons à l’instar des travailleurs du monde entier célébrer cette fête du 1er mai. Nous allons, par rapport au contexte non seulement économique, politique et social, placé le 1er mai de cette année sous le signe non seulement de la gouvernance, de la justice, mais aussi de la paix. Ce dont toutes les Maliennes et Maliens ont besoin aujourd’hui. Nous allons organiser des manifestations sur l’ensemble du territoire notamment au niveau des capitales régionales. Il y aura à Bamako un défilé-parade, qui va associer les deux autres centrales, voire d’autres syndicats. Mais dans les capitales régionales, il y aura soit des défilés, soit des conférences de presse.
Votre message aux travailleurs du Mali et du monde entier…
Je pense que nous devons voir à l’œil les sacrifices consentis d’abord par nos illustres prédécesseurs en 1886, qui ont donné de leur vie pour que la liberté soit aujourd’hui. À défaut de sacrifier ce que eux ils ont eu à sacrifier, nous devons nous mettre en disposition, autant sur le plan psychologique que physique, à aider à améliorer les conditions de vie et de travail des masses laborieuses. C’est ça notre raison d’être. Mais, pour qu’on y arrive, il y a un minimum de solidarité que nous devons tisser et entretenir entre les différents syndicats et cela ne pourra se faire tant que les travailleurs eux-mêmes n’aident pas à ses actions communes pour défendre leurs intérêts.
Avez-vous un appel à lancer à nos compatriotes en cette veille de la signature de l’accord de paix ?
Cet accord, la Cstm s’est déterminée en son temps là-dessus. Nous avons dit que le document soumis à la signature n’est pas un document malien. Nous ne voyons pas du tout une réflexion malienne là-dedans. Nous estimons qu’il est de la communauté internationale. Il constitue en plusieurs de ces points un danger pour l’unité et la stabilité du pays. Encore une fois, en 2006, c’était seulement la région de Kidal. ATT l’avait signé le 4 juillet et, maintenant, on nous appelle à signer une affaire d’Azawad qui engloberait autant la région de Gao que celle de Tombouctou. À la Confédération syndicale des travailleurs du Mali, nous l’avons rejeté. Nous souhaitons que les Maliennes et les Maliens en concertation, en débat national ouvert, puissent trouver, certes avec l’appui de nos partenaires, leur voie de sortir de crise et non pas attendre de l’extérieur quotidiennement les actes que nous aurons à prendre.
Quelques mots pour conclure cet entretien…
Je souhaite à tous et toutes une bonne fête de travail et que le Mali, un grand pays, puisse prendre en main sa destinée avec l’appui de ses partenaires et que nous puissions sortir de ce cercle vicieux qui, depuis des décennies, ne cesse de ralentir la marche vers l’avant de ce pays. Pour cela, il faudrait que les fils du pays prennent davantage conscience que s’il y a un rôle principal à jouer aujourd’hui dans la paix, dans l’unité, ce rôle leur revient, aux Maliens et Maliennes.
Diango COULIBALY