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Opposition malienne: Républicaine ou spectatrice ?
Publié le lundi 4 mai 2015  |  L’aube
Troisième
© aBamako.com par A.S
Troisième congrès ordinaire du parti l’Union pour la République et la Démocratie (Urd)
Les samedi 22 et dimanche 23 novembre 2014, le parti l’Union pour la République et la Démocratie (Urd) a tenu les assises de son troisième congrès ordinaire au Palais de la Culture Amadou Hampâté Ba




Face à la gravissime crise que traverse notre pays, les langues commencent à se délier vis-à-vis de l’opposition politique : si elle n’est pas aussi coupable que le pouvoir dans le chaos actuel, sa part de responsabilité semble être suffisamment établie. Responsable par sa passivité face à la situation politico-sécuritaire du pays.

Responsable pour sa quasi indifférence face au marasme économique et aux souffrances des citoyens dépourvus jusqu’au minimum vital. Responsable, aussi et surtout, pour son inactivisme avéré face aux dérives du régime. Responsable, enfin, pour son incapacité à gérer ses dissensions internes.

Certes, l’option de l’opposition d’inscrire son action dans le cadre de la République et de la démocratie est saluée et appréciée de tous, mais l’opinion n’en attendait pas moins d’elle l’image d’une force de résistance et de proposition et une plus grande animation sociopolitique. Un véritable contre-pouvoir. Dans le respect de l’esprit républicain et démocratique dont elle se réclame.

« Mieux vaut le consensus qu’une opposition spectatrice », lâche un vieil homme politique, visiblement abasourdi par le silence étonnant de l’opposition malienne dans le contexte actuel du pays. Un autre va plus loin dans sa réflexion : « L’opposition radicale est toujours meilleure et plus porteuse d’espoir que l’opposition républicaine ».

Qu’il soit adepte du consensus ou du radicalisme politique, l’un et l’autre de nos interlocuteurs semblent sans doute mettre en cause le comportement de l’opposition politique actuelle qui se qualifie de républicaine et démocratique.

Ce comportement se traduit par une absence remarquée sur la scène politique, mais aussi et surtout par un silence coupable face à l’état de la nation caractérisé par une situation sécuritaire précaire, une gouvernance sans repère, un marasme économique et une crise financière sans précédent, et un accord qui compromet le caractère unitaire de l’Etat, l’unicité de la nation, l’intégrité du territoire etc. Au-delà de nos deux retraités de la scène politique, c’est le sentiment général au sein des populations que l’opposition malienne n’existe que de nom ou tout au moins elle dort sur ses lauriers.
Et pourtant, le régime d’IBK l’a dotée de matières pour qu’elle se réveille et « chauffe » la scène. Comment ?

Investi aux fonctions suprêmes du pays le 04 septembre 2013, Ibrahim Boubacar Kéïta commet, deux mois seulement après (le 13 novembre), un premier gros impair, en passant, via un de ses « futurs » conseillers, un contrat d’armement de plus de 69 milliards de FCFA, montant porté à 108 milliards. Pour un pays qui sortait d’une crise institutionnelle sans précédent, la bourde était proportionnelle au montant injecté dans ce « marché ».

Plus, grave, quelques mois après, le président de la République commet sa deuxième erreur fatale : il achète un avion de commandement (alors qu’il y en a un qui a servi durant le régime d’ATT et la Transition de Dioncounda Traoré) à 16, 17, 20 ou 21 milliards de FCFA selon les interlocuteurs.
Troisième caviar offert à l’opposition : l’affaire Michel Tomi, qui éclate, en mars 2014, en même temps que les deux scandales cités plus haut.

A cela, viennent s’ajouter d’autres dossiers tout aussi scandaleux tels que la réfection du palais de Koulouba qui passe de 4 à 12 milliards, la rénovation de la résidence privée de Sébénicoro, l’affaire de signatures imitées par des conseillers, « Ma famille d’abord » etc.
Qu’est-ce que l’opposition a fait de ces « cadeaux » à elle offerts par IBK lui-même sur un plateau d’or. Rien ou presque. Parce que l’opposition était disparate et chacun de ses éléments agissait en singleton.

Par rapport aux affaires mentionnées, la réaction de rang qui reste dans les esprits, c’est une déclaration-document du Parena au vitriol. On comptabilise aussi des déclarations dans la presse du président de l’Urd. Plus rien.
Puis vint, la gaffe du siècle : la visite hasardeuse et inopportune du Premier ministre, Moussa Mara, à Kidal.

Accord d’Alger : divergence de vue
Sous certains cieux, cet épisode malheureux, qui fit perdre au Mali toute une région et même le nord aurait servi de choux gras pour l’opposition. Mais, l’opposition malienne se limitera encore à des sorties dispersées et sans aucun impact.

Quid de la situation économique et du quotidien des Maliens ? L’opposition ne lève pas haut le doigt pour être vue, entendue et pour faire mouche. Parfois, dans leurs déclarations, les partis membres de l’opposition évoquent certes les conditions de vie difficiles des populations et condamnent l’incapacité du gouvernement à y faire face, mais ils s’arrêtent en bon chemin.
Il en est de même de la mauvaise gouvernance instaurée comme mode de gestion des affaires. L’opposition effleure cette tare dans ses réactions, mais seulement sous forme de dénonciation.

Toute cette attitude de pacifisme est à saluer, mais elle est jugée trop complaisante, même pour une opposition qui se veut républicaine et démocratique. L’opposition malienne n’agit pas, de l’avis de plusieurs spécialistes, en une force de résistance et de proposition, et en un véritable contre-pouvoir. Elle ne parvient à imposer ses idées et ses propositions au gouvernement. Même pas à se faire écouter et entendre.

La preuve palpable de ce triple état de fait est fournie par le débat autour de l’«Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d'Alger » qui a même failli consacrer la cassure au sein de l’opposition. La pomme de discorde ? C’était une divergence de vue sur les terminologies « prendre acte » et « se démarquer » de l’Accord entre le parti Fare An ka wuli (favorable à la démarcation pure et simple) et les autres membres de l’opposition (qui prônent plutôt la souplesse). Les deux parties se séparent dos à dos, chacune campant sur sa position et gardant, finalement, son expression fétiche. Finalité : deux communiqués pour une seule opposition.

L’Accord, déjà paraphé par le gouvernement et la Plateforme armée le 1er mars, sera signé à Bamako, en principe, le 15 mai. Mais, l’opposition n’a toujours pas de position commune qu’elle pourra faire valoir pour l’histoire.

Sa dernière arme, c’est cette lettre de protestation et de rupture envoyée en fin de semaine dernière au Premier ministre, Modibo Kéïta. Est-ce le début de la (vraie) bataille ? Ou bien l’opposition attendra que son chef de file soit réellement installée ?

Sékou Tamboura
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