La semaine écoulée aura été particulièrement riche en escalade meurtrière avec le retour en force des démons de la violence dans certaines localités du Septentrion. Déclenchée à Ménaka par une victoire sans véritable combat des Gatia sur le Mnla, la série s’est poursuivie par un retentissement beaucoup plus macabre dans la région de Tombouctou. L’armée régulière en a fait les frais à Goundam avec la mort de deux militaires, tandis qu’à Léré on dénombre autant de pertes d’hommes dans les rangs que d’assaillants : une dizaine de part et d’autre ainsi que de nombreux matériels récupérés, selon le communiqué officiel rendu public par le département de la défense.
Par-delà les bilans humain et matériel, les dégâts semblent beaucoup plus importants en termes d’opportunités qui filent entre les doigts des parties prenantes des pourparlers d’Alger, de péril sur les énormes efforts qu’elles ont consentis dans la conduite du processus de paix. Le regain d’hostilités rame, en effet, à contre-courant d’une dynamique devant se conclure par la récolte des premiers fruits du dialogue inter-malien, avec notamment la signature annoncée de «l’Accord de paix et de réconciliation». Le rendez-vous du 15 Mai prochain est-il somme toute compromis ? Rien ne permet certes de répondre par l’affirmatif, mais tout indique, en revanche, qu’une grande fébrilité s’est aussitôt emparée des parties prenantes de la grande équation du Nord-Mali.
Prenant la mesure du péril, les différentes composantes de la communauté internationale, dans une impressionnante symphonie, ont rivalisé de sonnettes d’alarme et de dénonciations des tentatives de remise en cause des acquis du processus d’Alger.
La première manifestation d’inquiétude est venue de l’Onu et du secrétaire général du Conseil de sécurité, qui a aussitôt réagi par une déclaration où il invite les parties à traduire leur attachement à la paix par le respect de leurs engagements et obligations vis-à-vis du cessez-le-feu et des déclarations de cessation des hostilités.
Même son de cloche du côté de la Médiation. Tout en se disant préoccupée par la survenue d’un soudain climat de tension et d’insécurité consécutives aux derniers développements à Ménaka, Goundam et Léré, elle a appelé à son tour à la retenue ainsi qu’à la cessation de tout acte susceptible de compromettre le parachèvement du processus de paraphe et de signature de l’Accord. Dans la foulée, l’équipe de médiation exhorte la Minusma à prendre toute mesure appropriée en vue de protéger la population civile et de faire respecter les engagements des parties par la Commission mixte de sécurité, structure jadis contestée par les mouvements d’auto-défense.
L’Union européenne, par la voix de son porte-parole sur la situation au Mali, n’est pas restée en marge de la mouvance. Elle n’embouche une trompette différente lorsqu’elle constate une rupture de fait du cessez-le-feu qu’elle assimile tout de go à «un obstacle sérieux» à la finalisation du processus d’Alger.
En déplorant la violation des accords et déclarations antérieurs par les parties, l’Ue se dit en même temps solidaire de toute mesure à l’encontre des contrevenants au processus de paix et singulièrement du cessez-le-feu. Et, les Etats-Unis de renchérir de leur côté par un rappel de la menace brandie par le Conseil de sécurité de l’Onu, en février dernier, quant à l’éventualité de sanctions ciblées «contre ceux qui reprennent les hostilités et violent le cessez-le-feu».
En définitive, la communauté internationale s’est rarement montrée aussi alarmiste sur le Mali et le processus de paix qu’elle aborde avec autant d’inquiétude que de pessimisme, depuis que l’épisode de Ménaka a déclenché une nouvelle vague de tensions dans le Septentrion.
Toutes ces réactions ont pour dénominateur commun de présenter un processus au bord du précipice et de chercher à situer les responsabilités. Sur la question, les uns imputent la faute à l’ensemble des protagonistes de la crise -sans distinction entre la rébellion et l’Etat malien traité sur le même pied d’égalité- tandis que les autres et non des moindres tranchent ouvertement en faveur du Mnla et alliés. C’est le cas, par exemple, du secrétaire général des Nations unies, dont la déclaration conforte manifestement la rébellion à travers ses mentions insidieuses ci-après : «Le 27 Avril, des éléments du Groupe d’Auto-défense Touareg Imghad et Alliés et du Mouvement arabe de l’Azawad (…) sont entrés dans la ville de Ménaka (région de Gao) qui, en vertu des arrangements du cessez-le-feu, est sous le contrôle du Mouvement national de libération de Azawad (Mnla)…»
Pour mieux saisir la teneur de cette nuance, il faut auparavant remonter à quelques semaines, lorsque le même Conseil de sécurité des Nations unies s’illustrait par un communiqué sur un ton similaire avec des allusions plus ou moins claires sur l’éventualité d’une perturbation des perspectives de paix par les parties ou des intermédiaires. Il est donc loisible de comprendre que pour l’Onu, comme les mouvements armés, le Gatia n’est rien plus qu’une copie conforme de l’armée malienne. Autant dire qu’en cas de capotage du processus d’Alger, même par simple refus du Mnla de signer «l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali», il n’est pas exclu d’en faire supporter la responsabilité aux autorités maliennes en même temps qu’à l’entité considérée comme détentrice de sa procuration dans les affrontements.
Abdrahmane KÉÏTA