« La lutte contre la corruption sera organisée sur la base d’un principe : la Tolérance zéro. La justice sera implacable, mais juste. Le glaive de la justice ne tremblera pas. Il ne tremblera pas, car je bâtirai une République exemplaire et intègre ».
Le Peuple se souvient encore comme si c’était hier, de cette phrase pleine d’espoir, tenue par le candidat IBK pendant la campagne présidentielle, devant une foule sortie nombreuse et acquise à sa cause au stade du 26 Mars. Elu avec un score qui frise le plébiscite, IBK a-t-il changé le fusil d’épaule, après seulement vingt mois de gestion du pouvoir ? Pourquoi le discours a subitement changé ? Le lion est-il devenu un fauve sans griffe ni dent ?
La remise au Président de la République, des Rapports de contrôle de 2013 et de 2014 du Vérificateur Général lors d’une cérémonie au palais de Koulouba, le 04 Mai, après plusieurs reports, a laissé les plus optimistes sur leur faim. La surprise a été d’autant plus grande que les Maliens se posent aujourd’hui la question de savoir si IBK n’a pas oublié ses promesses de campagne par rapport à la lutte contre la corruption.
En lieu et place d’un discours concis, précis et tranchant, avec comme finalité la remise à la justice des dossiers de détournement, le Président de la République s’est livré à une rhétorique parsemée de citations et des exemples de pays qui sont aujourd’hui des modèles dans la lutte contre la délinquance financière, comme le Rwanda de Paul Kagamé. Son discours, loin d’être dissuasif, avait l’allure d’un chèque en blanc donné aux délinquants financiers qui ne sont plus inquiets de leur sort. Et aux candidats qui ont l’intention de puiser dans les caisses de l’Etat.
IBK va-t-il être indifférent à ces rapports effarants dont voici quelques points saillants :
Rapports 2013 et 2014 du BVG : 153 milliards F CFA de manque à gagner à l’Etat malien.
Les vérifications menées durant l’année 2013 ont permis de révéler un préjudice financier à l’Etat de l’ordre de 80,21 milliards de nos francs, dont 12,28 milliards de fraude et 67,93 milliards de mauvaise gestion. En 2014, ce sont 72,97 milliards de F CFA qui se sont volatilisés. Sur le manque à gagner en 2014, 33,95 milliards F CFA relèvent de la fraude et 39,02 milliards de la mauvaise gestion. Ce qui fait un total de 153 milliards F CFA de perte pour l’Etat malien en seulement deux petites années.
Son glaive d’hier est-il sans poison aujourd’hui ? Est-il devenu comme un grand père dont les propos n’ont plus aucune valeur aux yeux de ses petits fils ?
Pour rappel, l’une des causes de la chute du régime d’ATT aura sans nul doute été la légèreté avec laquelle il a traité les dossiers de corruption. Le Président ATT est allé jusqu’à dire qu’il n’allait pas humilier des chefs de famille. Quel mépris pour le Peuple ! Des chefs de famille qui n’ont pas hésité un seul instant à sucer le sang du peuple méritent-ils autre chose que la rigueur de la loi ?
Le discours d’IBK, comme celui d’ATT ont ce dénominateur commun qu’ils ne sont ni fermes, ni dissuasifs. Le président IBK, par le ton de son discours et le manque de détermination que l’on pouvait aisément percevoir, a laissé les fraudeurs de la République jubiler leurs forfaits. Le président de la République s’est-il senti diminuer par l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires au point de lui ôter toute fermeté. En tout cas sous d’autres tropiques ces délinquants auraient été mis au gnouf avec une lourde peine.
IBK est donc attendu pour des actions d’envergure plus énergiques et plus fermes, pas des actes tapent à l’œil, mais des sanctions à la hauteur des crimes de forfaiture commis par des agents véreux. Il est temps d’agir avant que le Peuple qui attend toujours de voir des actions concrètes être prises pour soulager ses peines, ne se réveillent comme au Burkina pour balayer devant sa case.
Le Président de la République doit sévir pour mettre fin à ces pratiques qui sont plus dangereuses que la rébellion touareg. C’est à ce prix seulement qu’il respecterait un de ses engagements phares de campagne à savoir la lutte contre la corruption, et aurait sans nul doute l’estime et la confiance de son peuple, toutes choses qui sont mises à rude épreuve pendant les 20 premiers mois d’exercice du pouvoir IBK.
Youssouf Sissoko