Par contre si vous signez cet Accord d’Alger 2015 dynamiteur, il sera dit dans l’histoire qu’un pays ouest africain qui s’appelait Mali a lamentablement disparu. Que ce Mali a été confirmé en septembre 1960 par son père fondateur, Modibo Daba Keita, avant d’être consumé en mars 2015 par son maitre démolisseur, Ibrahim Boubacar Keita.
Ce devoir d’informer et de critiquer
Mon président de la République, Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, Chef de l’Etat, notre Mali est dans un état très critique. Ce Mali qui est maintenant trop coincé dans la boue. Cela me met dans l’obligation morale de vous parler respectueusement, véridiquement mais sévèrement. Ce respect et cette franchise qui ont toujours sous-tendu nos rencontres de discussion tenues entre juillet 2002 et août 2013 à Bamako, à Montréal, souvent chez-vous et une fois chez-moi dans la confiance mutuelle.
Oui, aujourd’hui, je dois vous exprimer ma profonde conviction sur la très dangereuse situation du Mali face à la signature de l’Accord d’Alger 2015 prévu le 15 mai 2015. Si je ne le fais pas aujourd’hui, j’aurai honte de vous regarder demain dans les yeux. Si je ne vous critique pas, notre ami commun, feu Ousmane Sow, talentueux et audacieux journaliste, se retournera dans sa tombe. Si je ne vous interpelle pas, les très nombreux citoyens opposés à cet Accord d’Alger 2015, les lecteurs de notre journal et les membres de notre collectif BIPREM Fasoko m’en voudront. Ces derniers et moi, nous avons tenu, le 15 décembre 2012, une conférence de presse annonçant l’organisation, avant le 31 décembre, d’une grande manifestation pacifique et populaire de libération du nord, sans aucune arme, avec au moins 100.000 personnes portant des képis, foulards ou mouchoirs blancs. Nous, responsables du BIPREM Fasoko avons décidé d’être dans le 1er rang des manifestants pour libérer pacifiquement le nord de notre pays ou mourir honorablement pour la patrie. Cette conférence a été largement commentée par la télévision nationale(ORTM) et une grande partie de la presse nationale et internationale.
C’est suite à votre insistante demande d’annulation de cette manifestation, lors d’une discussion, entre vous et moi, tenue dans votre domicile devant un témoin ( un grand ami à vous devenu après le mien), que j’ai convoqué une réunion d’urgence des responsables du bureau élargie aux présidents d’associations membres du BIPREM Fasoko pour analyser vos arguments avancés. Dix représentants d’association sur 31 opposés à tout report éventuel de l’évènement, ont boudé cette réunion de prise de décision. Au terme de cette concertation, nous avons publié un communiqué de suspension de la marche blanche sans jamais vous citer.
Enfoncement du Mali dans la boue
Mon cher président de la république, il est indéniable qu’à votre élection à la magistrature suprême, vous avez trouvé un Mali délabré, déséquilibré, déboussolé, dépourvu d’autorité d’Etat et plongé dans une insécurité ambiante. C’est pour résoudre ces problèmes, entre autres, que vous avez été élu par une grande majorité des maliens et maliennes. Autrement dit, le Mali était bloqué dans la boue jusqu’au niveau de ses genoux. Au lieu de le sortir de son blocage, vous avez enfoncé le Mali jusqu’au niveau de son ventre. Voilà comment vous avez fait cet enfoncement du pays dans une boue bouillante sous un soleil brulant. Sans jamais toucher ici à la catastrophique gestion financière du pays par faute de temps et d’espace, je me limiterai seulement à l’énumération non exhaustive des aggravations, par votre régime, de la situation sécuritaire et identitaire du Mali :
L’annulation, sans contrepartie, des mandats d’arrêt contre les chefs de files des bandits armés qui ont tué des gens en uniformes et des civils
La libération répétitive, sans procès, des rebelles emprisonnés dont le flagrant cas de l’assassin récidiviste, Wadoussène.
L’occupation totale de la région de Kidal et environs par les rebelles et son corollaire de tueries de militaires et administrateurs maliens, les 17 et 21 mai 2014, suite à la visite de Moussa Mara effectuée en votre nom dans le nord.
La détérioration grave du système de sécurité nationale a non seulement causé la perpétration du tout premier attentat des rebelles dans Bamako la capitale au restaurant la Terrasse, mais aussi a fortement contribué à la prolifération des armes et du banditisme armé dans toutes les régions du Mali.
Telle est, monsieur le président, la lamentable situation de l’insécurité galopante et traumatisante dans le pays.
Pourtant, le mercredi 31 octobre 2012, vous avez déclaré sur RFI, à Christoph Boisbouviers, concernant l’invasion du camp de Tessalit par les rebelles, que : « L’Armée malienne a reçu des ordres absolument hallucinants quand Tessalit a été évacué…j’ai pleuré ce jour là sachant moi l’importance stratégique de Tessalit. Cette base militaire…dégagée sans combat, cela m’a paru une ignominie…il y a une très lourde responsabilité qui a été prise là. Elle doit être assumée par celui qui a donné l’ordre d’évacuer Tessalit, le chef de l’Etat ( ATT ?, demande Boisbouviers) Réponse d’IBK : C’était lui, le chef de l’Etat ».
Monsieur le président IBK, c’est vous, le chef de l’Etat depuis septembre 2013. L’Etat dans lequel se trouve maintenant Tessalit doit-il seulement vous faire pleurer ?
Cet accord d’Alger 2015, ou cordes mortelles pour le Mali
Le Mali, contrairement à plusieurs pays, a été d’abord une nation avant d’être un Etat. De la Charte de Kouroukan Fouga en 1236 à la Constitution du Mali de 1992, on a toujours développé et sauvegardé nos grandes valeurs socioculturelles. C’est cette grandeur de l’identité nationale qui a fait éviter à notre peuple toute forme de guerre civile.
Mais, force est d’admettre que le Mali se trouve à une phase très décisive de son devenir qui le met au beau milieu de deux choix définitifs : Le solide renforcement ou le sordide effondrement de sa souveraineté, son unité, son unicité, sa laïcité, sa solidarité dans sa diversité. Ce sont ces valeurs, parmi tant d’autres, constituant l’identité malienne qui seront démantelées par cet autre accord d’Alger que vous, président Ibrahim Boubacar Keita, votre gouvernement, des partis politiques et des représentants de la Société civile accrochés à votre pouvoir, veulent imposer au peuple malien. Mais pourquoi et comment ?
D’abord un petit rappel : En juillet 2006, un Accord d’Alger décrié a été signé en Algérie par le régime de l’ancien président ATT pour contenter des rebelles du nord guidés par un des chefs tristement célèbres du nom de Ibrahim Ag Bahanga. Cet homme a causé la tuerie des centaines de maliens avant de mourir le 26 aout 2011 dans un accident de voiture. Contre cet accord, nous avons, à l’époque, créé à Montréal au Canada un « Regroupement au Canada pour un Mali Indivisible et Démocratique, RCMID » qui a adressé une lettre de protestation au président de la république d’alors.
Etant dans l’opposition à l’époque, vous, IBK aussi, aviez combattu l’accord d’ATT.
L’Accord d’Alger 2015 vaut-il mieux que l’Accord d’Alger 2006 ?
Non, parce que vous vous êtes trop soumis aux pressions de la France et de l’Algérie en acceptant, dans l’Accord d’Alger 2015 marque IBK, trop de compromis qui vont aboutir à la compromission de l’unité nationale et l’intégrité territoriale du pays.
Comment ?
Votre Accord d’Alger 2015 est doté de cordes métalliques qui dénaturent et démantèlent le corps de notre Mali en le ligotant avec ses Articles dont on ne soulignera que quelques uns. Car, désormais les 8 régions du Mali bénéficieront d’une totale autonomie voilée par les prérogatives d’un président de région détenteur de pouvoir absolu et indépendant de Bamako. Pouvoir permettant à chaque président de donner un nouveau nom officiel à sa région. Donc, adieu aux gouverneurs qui supervisaient les régions au nom de l’Etat. Comme spécifié ainsi :
Accord d’Alger 2015, Article 6 :
« La région est dotée d’une Assemblée Régionale élue au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert de compétences, de ressources et jouit des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés
Le président de l’Assemblée est élu au suffrage universel direct. Il est également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région.
Il est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et au fonctionnement des régions.
Assurer une meilleure représentation des populations du nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République »
Et donc, dans le nouveau Mali, c’est la loi du plus fort qui comptera. Car, les privilèges socioprofessionnels ne seront accordés qu’aux citoyens qui se révéleront habiles dans le maniement des armes. Après le dernier paragraphe mentionné de l’article précédent, lisez ce que dit le suivant
Accord d’Alger 2015, Article 16 :
« Favoriser le recrutement dans la fonction publique des collectivités territoriales dont les effectifs seront majoritairement réservés aux ressortissants des régions du nord. »
IBK, i kana signé
Monsieur le président, IBK, le Bonheur ou le Malheur du Mali reste suspendu au bout de votre stylo (Bic) concernant la signature ou non d’un Accord d’Alger 2015, à la fois, tortueux et dangereux. Si vous signez ou faites signer cet Accord d’Alger 2015 vous aurez fait tout le contraire de votre brillant slogan de campagne : « Pour l’honneur du Mali et le Bonheur des maliens ». Vous contredirez votre déclaration, pendant les négociations, faite devant les délégations de l’Union européenne et de l’Union africaine :
« De tout temps dans ce pays, il n’y a jamais eu d’exclusion au motif religieux, ethnique, il y a jamais eu d’exclusion au motif de couleur de peau. Nous sommes blancs et noirs au Mali sans complexe; nous nous marions entre gens du Nord, de l’Est de l’Ouest du Sud; le Mali est un pays de métissage. Qu’on ne nous amène pas ici des concepts qui valent ailleurs. Qu’on fasse appel à l’histoire, aux choses sues, connues, établies. Ce n’est pas une fable que je raconte. Tous les gouvernements du Mali ont été des gouvernements où il y a eu toutes les composantes nationales du Mali. On voudrait nous faire écrire noir sur blanc que désormais il y aura tant de ceci, tant de cela….Dans toutes les ethnies du Mali il y a des compétences, ces compétences nous y avons recours en cas de besoin…Pas d’émiettements, qu’on ne vienne pas nous dépecer… ». Et surtout très récemment vous avez reconnu que : « Personne n’a dit que cet accord est un bon accord. Nous avons toujours des points d’amendements. Mais lorsqu’on comprend le sens profond du terme négocier, l’on comprendra qu’il y a des compromis. Pas de compromission ! ».
Malgré toutes ces déclarations malaisées pourquoi, mon cher président, IBK, vous faites la promotion de la signature dudit Accord ? Chose étonnante, vous voulez faire de cette signature, une « fête » extraordinaire en disant : «…à la signature d’un accord de paix soient scrupuleusement respectés par toutes les parties. Et que le 15 mai, nous allions à cette fête sans arrière pensée, en grande fraternité nationale, pour ensemble convenir d’un nouveau pacte social national. D’ici là nous n’en serons pas surpris, il y aura ça et là, des coups de feu, ce sont des actes de désespoir… Je pense donc que rien ne pourra faire en sorte que ce processus puisse capoter Inchallah ». Ne pensez-vous pas que ce serait la fête de l’humiliation et de la démolition de la nation malienne ?
Mon président, IBK, dites non ! Pour l’honneur du Mali.
Dans la vie d’une personne comme celle d’une nation, il est très important de s’inspirer des grands moments et faits du passé pour mieux façonner le présent et bien préparer l’avenir.
A l’ultimatum de l’homme blanc, il a répondu : « Je ne veux plus goutter au miel de vos paroles, je n’ai peur de personne car, un homme ne meurt pas deux fois ». L’auteur de cette brave phrase est le fils de Mansa Daouda Traoré et le petit-frère de Tièba Traoré. De 1893 à 1898, il a régné et opposé de farouches résistances aux troupes coloniales françaises. A la chute de Sikasso, le 1er mai 1898, il ( Babemba Traoré) a décidé de se suicider que de capituler. Préférant ainsi la mort à la honte. « Saya ka fissa ni malo yé ». Cette résistance aux envahisseurs a fait de lui un personnage emblématique de l’histoire du Mali.
Un grand fait récent au sommet du Mali a été le refus catégorique de l’ancien président ATT adressé au président français Nicolas Sarkozy. La France, en 2006, avait élaboré un « accord de gestion concertée des flux migratoires » pour diminuer les immigrants africains sur son territoire. Imposé à 8 pays africains, cet Accord a été signé par les 7 autres. Seul le Mali de ATT a osé dire non à Sarkozy.
Mon président IBK, cessez de croire et de faire croire que cet Accord d’Alger 2015, très contesté par la majorité silencieuse, est incontournable. Ainsi vous avez induit en erreur les grands chefs religieux, musulmans et chrétiens, en leur inculquant l’inévitabilité de cet Accord. Conséquences : Après 5 jours de publicité très médiatisée pour un meeting de sensibilisation favorable à cet Accord, ces grands chefs religieux ont eu de grandes difficultés à remplir à moitié le stade Modibo Keita de 25.000 places. Alors que, parmi ces chefs présents au stade, le samedi 02 mai 2015, l’International Prêcheur, Chérif Ousmane Madani HAIDARA, est toujours parvenu, lui seul, à faire remplir de monde le stade du 26 mars (50.000 places) en un seul jour de publicité. Bref, monsieur le président, la grande impopularité de votre accord est retombée sur ces chefs religieux. Compte tenu du rejet populaire de votre Accord, rejetez-le. Ainsi vous aurez le soutien très majoritaire de votre peuple.
J’espère que vous saurez, mon président IBK, prendre la bonne décision en disant non à la pression algérienne, française…et dire oui à la volonté de votre peuple malien.
Souvenez-vous de cette critique positive de notre ancien Directeur de publication :
« Un para à Koulouba ; Chronique d’une nation à repenser » est le livre écrit en 2007 par notre regretté, talentueux et audacieux journaliste, Ousmane Sow qui n’a pas hésité de mentionner ceci, à la page 103 : « Dans ses décisions politiques ou actes quotidiens, IBK a souvent fait preuve d’une naïveté étonnante pour un homme de son expérience ». Il a noté quatre cas de votre naïveté, sur lesquelles, il n’est pas nécessaire de revenir ici.
Mon président, IBK, si vous acceptez de dire non à cet Accord, vous aurez nos trois pistes de solution par lesquelles le Mali pourra, sans doute, reconquérir pacifiquement Kidal. Espérant sur votre bonne compréhension, Monsieur le président IBK, I Kana Signé…
Par contre si vous signez cet Accord d’Alger 2015 dynamiteur, il sera dit dans l’histoire qu’un pays ouest africain qui s’appelait Mali a lamentablement disparu. Que ce Mali a été confirmé en septembre 1960 par son père fondateur, Modibo Daba Keita, avant d’être consumé en mars 2015 par son maitre démolisseur, Ibrahim Boubacar Keita.
Non, mon président IBK, je ne vous souhaiterai jamais une telle triste célébrité que vous pouvez éviter en rejetant cet Accord d’Alger 2015 !
Lacine Diawara, journal Option.