Demain, en principe, plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement amis du Mali sont attendus à Bamako pour la cérémonie de signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Proposé par la médiation internationale conduite par l’Algérie, ce document a été adopté par toutes les parties, le 25 février dernier, avant d’être paraphé, le 1er mars, par le gouvernement malien, la médiation internationale et la plateforme des mouvements populaires d’autodéfense sous l’œil intéressé du reste de la communauté internationale. Quant à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), composé du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua), du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et de la Coalition des peuples de l’Azawad (CPA), elle a préféré demander et obtenir du médiateur la consultation de ses bases. Outre le fait que ces consultations se soient limitées à la seule région de Kidal alors que pour les rebelles terroristes l’Azawad couvrirait toutes les trois régions du nord et une bonne partie du centre du pays, la CMA trainera le pas jusqu’à ce qu’elle soit invitée par le médiateur algérien à venir parapher l’Accord de paix, le 15 avril, à Alger.
Retour à la case départ
Ce jour, les responsables de la CMA seront bien au rendez-vous, mais prendront tout le monde, comme à leur habitude, à contre-pied : pas question de parapher un texte qui ne prend pas en compte l’aspiration de leur peuple à considérer leur Azawad comme une entité géographique, politique et juridique reconnue. Retour à la case départ ? Il semble bien, car le gouvernement malien, la plateforme des mouvements patriotiques d’autodéfense, le médiateur et le reste de la communauté internationale hors la France, devant tant de mauvaise foi, refusent de s’engager dans un nouveau round de négociation. Toutefois, ils laissent la porte ouverte au dialogue et espèrent que les rebelles terroristes reviendront à de meilleurs sentiments. Surtout que, dans le même temps, des menaces de sanctions internationales sont brandies contre les responsables de la CMA. C’est dans ce contexte que, pour ne pas laisser le dossier malien s’enliser, le médiateur, fort du soutien de presque toute la communauté internationale, choisit le 15 mai comme date de signature de l’Accord d’Alger. Dans des chancelleries et certains salons feutrés, on murmure que le document sera signé avec ou sans l’accord de la CMA, et ceux qui refuseraient de le signer seront considérés comme des ennemis de la paix.
A l’intérieur, les communautés sont excédées par la situation faite au quotidien d’actes de violence. Au sein des groupes armés rebelles terroristes, les combattants n’ont plus la même vision des choses. Déjà avant même le début des négociations à Alger, en juillet 2014, le Mnla, le Hcua et le MAA ont vu certaines de leurs branches dissidentes rejoindre le camp de la plateforme des mouvements patriotiques qu’on dit proches de Bamako, tandis que des éléments du Mouvement des forces patriotiques de résistance, composés essentiellement de sédentaires, font le chemin en sens inverse. Les positions se radicalisent et les affrontements deviennent inévitables.
Violation des accords
Notamment entre le Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés (Gatia) et différents composants de la CMA. Laquelle perd de plus en plus de ses positions au point d’entrainer la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (Minusma) dans une tentative de désarmement des groupes armés afin d’avoir une zone de démilitarisation. Les populations de Gao protestent, se manifestent contre ce projet et encouragent les groupes d’autodéfense.
Les affrontements continuent malgré les appels au calme de l’ONU. Le 27 avril, après que la CMA a promis d’être à Bamako pour parapher (et non signer) si ses revendications ont été prises en compte, le Gatia, attaqué, poursuit ses assaillants, des éléments du Mnla, jusque dans la localité de Ménaka qu’il nettoie de la présence des rebelles terroristes. Malgré les condamnations du gouvernement malien, de la Minusma et de la CMA la situation reste tendue. Le Mnla exige le départ du Gatia de Ménaka, sous prétexte que cette ville serait une de ses positions. La population de Ménaka refuse et se manifeste pour le maintien du mouvement d’autodéfense. En outre, elle exige le redéploiement des forces armées et de sécurité loyalistes. Le gouvernement s’entête à respecter un accord de cessez-le-feu que personne d’autre ne respecte, et ses militaires et civils sont massacrés dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao.
Dans le sud du pays, plusieurs cercles politiques et idéologiques continuent de condamner cet accord tel qu’il a été paraphé par le gouvernement, y décelant les « germes de la division », « une partition de fait du pays »
A vingt-quatre heures de la cérémonie de signature, Ménaka est toujours sous le contrôle du Gatia, la CMA promet d’être là alors qu’aucune de ses revendications n’a été prise en compte, le cessez-le-feu n’est respecté par personne à part l’armée malienne qui subit de lourdes pertes, le mandat de la Minusma reste le même, les groupes d’autodéfense nomades et sédentaires se sont mis en état de guerre et défient les rebelles terroristes, les responsables des mouvements arabes et touareg ne contrôlent plus leurs éléments sur le terrain, la population est en train d’organiser la résistance et compte se battre. Dans un pareil contexte, les questions à poser sont celles-ci : la signature de l’accord de paix, y compris par la CMA, va-t-elle faire revenir la paix dans le septentrion malien ? La CMA sera-t-elle représentée par des responsables qui peuvent s’imposer à leurs bases ? Rien n’est moins sûr. Toutefois, cela pourrait être le cadre pour l’organisation, le plus tôt possible, de larges concertations inclusives sous forme pyramidale. Les commencer