Premier paradoxe : le Général Moussa Traoré, dictateur sanguinaire qui dirigea le Mali d’une main d’acier pendant 23 ans était présent à cette cérémonie. Pour rappel, il s’agit de celui-là même qui est à la base de la démilitarisation du nord malien par les accords de Tamanrasset dont il en est le signataire. Accord qui a fragilisé la situation sécuritaire de la zone, la livrant à des hordes de narco-trafiquants et autres bandits de grands chemins. La crise malienne n’étant que la suite logique de la démilitarisation du septentrion malien, nous pouvons affirmer, sans risque de se tromper, que l’Accord de paix a été signé en présence de celui qui en a semé les graines.
Deuxième paradoxe : ce qui choqua la majeure partie de nos compatriotes, c’est le vibrant hommage rendu au père de la Nation malienne en présence de celui-là qui mis fin à son régime par un coup d’Etat militaire et qui très certainement aura été à l’origine de sa mort en prison.
Comment donc en même temps peut-on rendre hommage au président Modibo Keita et saluer la présence de GMT à la cérémonie de signature ? Comment le premier président de la République du Mali indépendant, héros de la lutte contre l’oppression coloniale dans toute l’Afrique pouvait se trouver en prison et y mourir dans des circonstances atroces ? Qu’a ressenti Moussa Traoré lorsque le président du Zimbabwe, Robert Mugabe contemporain du président Modibo Keita, se lança dans un vibrant et sincère hommage au père de l’indépendance en chantant, « Ghana, Guinée, Mali » à plusieurs reprises ? Le président Alpha Condé de la Guinée tout en affirmant qu’il aurait été souhaitable que les présidents ATT et Alpha Oumar Konaré soient présents dans la salle, a aussi salué la présence de GMT. Il n’est pas sans savoir qu’Alpha Oumar Konaré, militant et président du mouvement démocratique, ne pouvait souiller par sa présence la mémoire des martyrs du 26 Mars qui ont donné leurs vies pour la liberté et la Justice. C’est là, d’ailleurs, la seule cohérence de la soirée du vendredi 15 mai 2015. Modibo Keita. C’est peut-être un signe du destin que tout cela se passe aujourd’hui, 15 mai 2015, soit 24 heures avant la date anniversaire de sa mort en détention dans des conditions infra humaines, le 16 mai 1977 par la faute du dictateur Moussa Traoré.
Assurément, le Mali est le pays où l’on a mal compris le concept de pardon. Il n’y manquait donc que la présence de Att, d’AOK et de Amadou haya Sanogo pour que la fresque paradoxale soit complète. Ainsi, d’un seul regard, l’on aurait pu comprendre toute l’histoire contemporaine du Mali. Nous aurions, par ordre chronologique, GMT qui fit un coup d’Etat militaire à Modibo Keita, Att qui fit un coup d’Etat populaire à GMT, AOK, infatigable militant pour la démocratie, Amadou haya Sanogo qui fit un coup d’Etat à Att et enfin, Dioncounda Traoré qui assura l’intérim de la présidence avant l’élection du président iBK.
Ahmed M. Thiam