La tentative d’enlèvement par des militaires en armes, dont a été victime, mardi dernier, Mme Maïga Sina Damba, ancienne ministre de la femme, de l’enfant et de la famille sous ATT devenue depuis peu directrice générale de l’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes ( APEJ ) nous oblige au constat suivant : les exactions multiformes et tout aussi détestables, qui avaient marqué l’après-coup d’Etat du 22 mars 2012,si elles avaient observé une pause à cause de la réprobation universelle, n’ont pas disparu.
Les hommes arborant l’uniforme de l’armée, qui ont brutalisé une dame sans défense, déchiré ses habits et laissé hébétée derrière eux, versant toutes les larmes de son corps et incapable de prononcer un mot, sont probablement les mêmes que ceux qui, il ya quelques mois, s’emparaient de personnalités politiques et militaires, de hauts fonctionnaires, d’opérateurs économiques, de journalistes et les détenaient en toute illégalité et dans des conditions atroces au camp militaire de Kati quand ils ne les emmenaient pas nuitamment dans des endroits isolés, loin de l’agglomération bamakoise, pour les frapper à coups de gourdins et de crosses de fusils, les dépouiller de leurs biens et les laisser pour morts.
Cette fois-ci, ils n’ont pu s’emparer de la personne de Mme MaïgaSinaDamba et la conduire sur le lieu de torture qui lui était préparé à cause de la résistance farouche du personnel, hommes et femmes soudés dans un même élan pour rejeter l’arbitraire et l’usage abusif de la force.
C’est le signe que quelque chose commence à bouger chez les Maliens, qu’ils n’entendent pas subir sempiternellement la violence au quotidien que certains, parce qu’ils portent le treillis et détiennent un fusil et des munitions, veulent leur imposer.
La mise en place d’une autorité civile n’a, à l’évidence, rien changé au fait que des militaires, agissant ou non sous les ordres de leur hiérarchie, font des incursions sans les bureaux et les domiciles, enlèvent qui ils veulent, quand ils veulent, le gardent aussi longtemps qu’ils veulent sans être le moins du monde inquiétés.
Tout se passe comme si la protection et la sécurité de citoyens ne font pas partie des missions dévolues au président de la République intérimaire, Dioncounda Traoré et au gouvernement dirigé par le Premier ministre Cheick Modibo Diarra. Il existe certes un ministère de la sécurité publique et de la protection civile, mais son utilité reste à démontrer. Depuis huit mois que durent les exactions (enlèvements, détentions illégales, sévices corporels, vols, destructions de biens privés et j’en passe) leurs auteurs, qui opèrent souvent en plein jour, donc au vu et au su de tous, n’ont jamais été recherchés, arrêtés, traduits en justice, punis conformément aux lois en vigueurs. Ils jouissent d’une impunité totale.
Cette situation est grosse de périls pour le Mali et les Maliens.
Face à l’incapacité du gouvernement à protéger et sécuriser les citoyens, ceux-ci, dans un réflexe de survie, peuvent être amenés à s’organiser en petits groupes d’autodéfense dans les quartiers et sur les lieux de travail ou à s’armer individuellement. On sait ou cela a conduit la Sierra Leone et le Liberia à une certaine époque.
Un pays livré à l’arbitraire et à la violence armée, quotidiennement exercée sur ses citoyens, ne se développe pas. Il s’enfonce un peu plus dans la misère et le désespoir chaque jour que Dieu crée. Le Mali d’aujourd’hui ressemble à un navire en perdition abandonné par les rats qui avaient conquis ses cales. Ses citoyens fortunés préfèrent placer (sécuriser serait plus juste) leurs biens, meubles et immeubles, dans les pays voisins en attendant des jours plus cléments. Ne parlons pas des investisseurs étrangers qui l’ont mis en quarantaine.
Mais le pire peut encore être évité. Partis politiques, organisations de défense des droits de l’homme, de promotion des femmes et des jeunes, organisations professionnelles, intellectuels, étudiants, tous, surmontant leurs rancœurs et leurs divergences, doivent se donner la main pour réaliser le nécessaire sursaut national à même de mettre fin aux exactions en cours. Il y va de l’intérêt de tous et du peule malien tout entier.