Ménaka n’est pas une localité comme les autres. Elle est l’Alpha et l’Omega de la rébellion touarègue.
Nombreux sont les maliens, voire le monde entier, à être quelque peu surpris par autant d’intérêt que les mouvement armés et, l’Armée malienne, bien entendu, ont récemment porté pour Ménaka.
Cet intérêt s’est, tout d’abord, manifesté par l’offensive du GATIA qui y a chassé la CMA et consorts au mois d’Avril dernier. Ceux-ci ont vivement tenté de reprendre leur position initiale en organisant une contre-attaque avec le résultat que l’on sait désormais. Bref, les assaillants ont rencontré une farouche résistance et ont été mis en déroute avec d’importantes pertes. Et il faudra très logiquement s’attendre à d’autres tentatives. Aucune des parties n’abandonnera. Une éventuelle victoire de la CMA sera fatalement suivie par des attaques à répétition de GATIA. Mais pourquoi une telle fixation sur cette localité ? Là est toute la question !
Ménaka est la capitale, non de l’Azawad qui reste un espace territorial très confiné dans l’Adrar, mais celle de tous les Touaregs. Tout tamashek se reconnait en effet en Ménaka. C’est le fief du résistant Firhoun de la tribu des Ouillimiden. Mais aussi d’El Hadj Ag Gamou, l’actuel maître des lieux et fondateur du GATIA. C’est en effet dans la localité de Tidermène (cercle de Ménaka) qu’il est né. Il est, à ce titre, l’enfant du terroir. Et son engagement à libérer sa ville se justifie amplement.
Il y a cependant un autre enjeu, cette fois-ci, d’ordre tribal. El Hadj Ag Gamou est imghad, la tribu touarègue largement majoritaire au nord du pays au contraire des Ifoghas (minoritaires) qui détiennent la chefferie traditionnelle personnalisée par l’Amenokal siégeant à Kidal. Mais le pouvoir traditionnel était jadis aux mains des Ouilimiden à Ménaka, fief des guerriers alors que Kidal était plutôt la capitale spirituelle. Mais suite à la rébellion à l’époque coloniale, Firhoun qui dirigeait le mouvement de guérilla contre le colon français fut capturé et décapité. Nombreux sont ceux à Ménaka qui soupçonnent encore aujourd’hui les voisins kidalois d’avoir participé à la trahison dont a été victime le résistant.
En tout état de cause, l’envahisseur Blanc transféra le pouvoir de Ménaka à Kidal et mis les Ifoghas en selle. Il s’appliqua à pérenniser cet acquis à travers l’Amenokal et au fil des ans. Mais selon toute évidence et au regard de l’actualité, la pilule est restée au travers de la gorge des Ménakois lesquels ne semblent pas avoir oublié le rôle joué par la France et ses alliés de Kidal pour renverser la situation au moment des faits.
Profondes divergences
De part et d’autres à Ménaka et à Kidal, personne ne semble avoir oublié. L’histoire a cependant tendance à prendre aujourd’hui une autre tournure avec la présence des groupes djihadistes dont Ançar-dine incarné par Iyad Ag Ghaly. Et pour ne rien faciliter, ce dernier est Ifoghas et Kidalois. Et ce n’est pas tout. Il a fait chemin avec Gamou dans l’armée libyenne dans les années 80.
Retour au Mali dans les années 90. A la faveur de la rébellion à cette date (1990-1995), El hadj Gamou qui combattait dans les rangs de l'Armée révolutionnaire de libération de l'Azawad (ARLA), s’en prit au défunt Amenokal, Intallah Ag Attaher. Il le fit, en effet enlevé et le garda plusieurs jours. Toute chose qui ne fut pas du goût d’Iyad Ag Ghaly qui contrôlait un autre groupe armé, à savoir, le Mouvement Populaire de l’Azawad (MPA). Iyad jura de laver l’offense dans le sang. Il commença d’abord par épouser la première femme de son ennemi juré… Et à la faveur des troubles en date, il fit occuper Ménaka par la CMA qu’il a créée de toutes pièces et taillée à sa mesure.
Naturellement, de son côté, El Hadj Gamou créa le GATIA et libéra la ville. Iyad tenta vainement de la reprendre en fin de semaine dernière. On connait la suite. En tout état de cause, aucun des deux hommes ne s’arrêtera qu’à la mort de l’autre.
Un gros risque de génocide
Souvenez-vous : les Ifoghas qui détiennent le pouvoir traditionnel incarné par l’Amenokal sont minoritaires. L’on est même tenté de parler de rébellion Ifoghas et non touareg tant le mouvement se limite aujourd’hui à une poignée de membres de cette tribu ressortissants de Kidal. En somme, aux imghad (la tribu de Gamou) largement majoritaires, se sont ralliés toutes les autres Touaregs et même les membres d’autres ethnies de la région, à l’image des Arabes, Maures, Peulhs, Songhoï, etc. Tout se passe comme si toutes les autres composantes regroupées au sein du GATIA ont décidé de se dresser contre les Ifoghas et plus précisément contre Kidal. Il faudra donc craindre le pire. Et l’actuel Amenokal semble avoir bien compris le risque d’une guerre d’extermination que fait courir Iyad Ag Ghaly sur les siens. Les Ifoghas sont en effet désormais seul contre tous et ni Barkhane, ni la MINUSMA ne pourront, à long terme les protéger indéfiniment. Raison pour laquelle, il (l’Amenokal) a décidé de rompre avec Iyad et de se rallier à Bamako. Et pour cause. Au-delà d’El Hadj Gamou que l’on trouve modéré, d’autres acteurs plus engagés au sein du GATIA ne donneront autant de chance à Iyad et aux siens.
B.S. Diarra
Source: La SentinelleMénaka n’est pas une localité comme les autres. Elle est l’Alpha et l’Omega de la rébellion touarègue.
Nombreux sont les maliens, voire le monde entier, à être quelque peu surpris par autant d’intérêt que les mouvement armés et, l’Armée malienne, bien entendu, ont récemment porté pour Ménaka.
Cet intérêt s’est, tout d’abord, manifesté par l’offensive du GATIA qui y a chassé la CMA et consorts au mois d’Avril dernier. Ceux-ci ont vivement tenté de reprendre leur position initiale en organisant une contre-attaque avec le résultat que l’on sait désormais. Bref, les assaillants ont rencontré une farouche résistance et ont été mis en déroute avec d’importantes pertes. Et il faudra très logiquement s’attendre à d’autres tentatives. Aucune des parties n’abandonnera. Une éventuelle victoire de la CMA sera fatalement suivie par des attaques à répétition de GATIA. Mais pourquoi une telle fixation sur cette localité ? Là est toute la question !
Ménaka est la capitale, non de l’Azawad qui reste un espace territorial très confiné dans l’Adrar, mais celle de tous les Touaregs. Tout tamashek se reconnait en effet en Ménaka. C’est le fief du résistant Firhoun de la tribu des Ouillimiden. Mais aussi d’El Hadj Ag Gamou, l’actuel maître des lieux et fondateur du GATIA. C’est en effet dans la localité de Tidermène (cercle de Ménaka) qu’il est né. Il est, à ce titre, l’enfant du terroir. Et son engagement à libérer sa ville se justifie amplement.
Il y a cependant un autre enjeu, cette fois-ci, d’ordre tribal. El Hadj Ag Gamou est imghad, la tribu touarègue largement majoritaire au nord du pays au contraire des Ifoghas (minoritaires) qui détiennent la chefferie traditionnelle personnalisée par l’Amenokal siégeant à Kidal. Mais le pouvoir traditionnel était jadis aux mains des Ouilimiden à Ménaka, fief des guerriers alors que Kidal était plutôt la capitale spirituelle. Mais suite à la rébellion à l’époque coloniale, Firhoun qui dirigeait le mouvement de guérilla contre le colon français fut capturé et décapité. Nombreux sont ceux à Ménaka qui soupçonnent encore aujourd’hui les voisins kidalois d’avoir participé à la trahison dont a été victime le résistant.
En tout état de cause, l’envahisseur Blanc transféra le pouvoir de Ménaka à Kidal et mis les Ifoghas en selle. Il s’appliqua à pérenniser cet acquis à travers l’Amenokal et au fil des ans. Mais selon toute évidence et au regard de l’actualité, la pilule est restée au travers de la gorge des Ménakois lesquels ne semblent pas avoir oublié le rôle joué par la France et ses alliés de Kidal pour renverser la situation au moment des faits.
Profondes divergences
De part et d’autres à Ménaka et à Kidal, personne ne semble avoir oublié. L’histoire a cependant tendance à prendre aujourd’hui une autre tournure avec la présence des groupes djihadistes dont Ançar-dine incarné par Iyad Ag Ghaly. Et pour ne rien faciliter, ce dernier est Ifoghas et Kidalois. Et ce n’est pas tout. Il a fait chemin avec Gamou dans l’armée libyenne dans les années 80.
Retour au Mali dans les années 90. A la faveur de la rébellion à cette date (1990-1995), El hadj Gamou qui combattait dans les rangs de l'Armée révolutionnaire de libération de l'Azawad (ARLA), s’en prit au défunt Amenokal, Intallah Ag Attaher. Il le fit, en effet enlevé et le garda plusieurs jours. Toute chose qui ne fut pas du goût d’Iyad Ag Ghaly qui contrôlait un autre groupe armé, à savoir, le Mouvement Populaire de l’Azawad (MPA). Iyad jura de laver l’offense dans le sang. Il commença d’abord par épouser la première femme de son ennemi juré… Et à la faveur des troubles en date, il fit occuper Ménaka par la CMA qu’il a créée de toutes pièces et taillée à sa mesure.
Naturellement, de son côté, El Hadj Gamou créa le GATIA et libéra la ville. Iyad tenta vainement de la reprendre en fin de semaine dernière. On connait la suite. En tout état de cause, aucun des deux hommes ne s’arrêtera qu’à la mort de l’autre.
Un gros risque de génocide
Souvenez-vous : les Ifoghas qui détiennent le pouvoir traditionnel incarné par l’Amenokal sont minoritaires. L’on est même tenté de parler de rébellion Ifoghas et non touareg tant le mouvement se limite aujourd’hui à une poignée de membres de cette tribu ressortissants de Kidal. En somme, aux imghad (la tribu de Gamou) largement majoritaires, se sont ralliés toutes les autres Touaregs et même les membres d’autres ethnies de la région, à l’image des Arabes, Maures, Peulhs, Songhoï, etc. Tout se passe comme si toutes les autres composantes regroupées au sein du GATIA ont décidé de se dresser contre les Ifoghas et plus précisément contre Kidal. Il faudra donc craindre le pire. Et l’actuel Amenokal semble avoir bien compris le risque d’une guerre d’extermination que fait courir Iyad Ag Ghaly sur les siens. Les Ifoghas sont en effet désormais seul contre tous et ni Barkhane, ni la MINUSMA ne pourront, à long terme les protéger indéfiniment. Raison pour laquelle, il (l’Amenokal) a décidé de rompre avec Iyad et de se rallier à Bamako. Et pour cause. Au-delà d’El Hadj Gamou que l’on trouve modéré, d’autres acteurs plus engagés au sein du GATIA ne donneront autant de chance à Iyad et aux siens.
B.S. Diarra
Source: La Sentinelle