Aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est que la politique des logements sociaux initiée pour donner un toit aux familles à faibles revenus est en passe de changer de vocation. Car, ces logements ne sont plus à la portée des plus pauvres avec l’application de nouveaux critères d’attribution qui s’apparentent à une opération plus commerciale que sociale.
Avec les nouveaux critères, la frontière entre le public et le privé s’amenuise beaucoup. Au stade actuel, l’Etat n’aura plus rien à envier aux promoteurs immobiliers privés. Initialement prévus pour donner la chance aux ménages à faibles revenus d’avoir un toit pour soi, la politique de logements sociaux prendrait une nouvelle direction, qui noie sa vocation première dans l’économique. Le grand engouement qu’elle ne cesse de susciter depuis un certain temps serait-il à l’origine des nouveaux critères plus contraignant financièrement ? La réponse est probablement oui. Si l’on se réfère au volume des dépôts par le passé. Du coup, les pauvres pour lesquels la politique a été mise œuvre voient leurs chances s’amoindrir. Déjà, le coût desdits logements sociaux avait fait couler beaucoup d’encre et de salives lors des précédents programmes. Car, ils avaient pris de l’ascenseur. Mais, dans le présent programme des 1552 logements de N’Tabacoro, non seulement, les coûts de cession des logements sont élevés, mais les critères d’attribution, n’en sont pas les moins. Ce qui fait monter l’adrénaline des postulants, qui n’ont pas manqué d’attirer l’attention des plus hautes autorités par divers moyens.
Pour ce programme qui compte 842 logements de type F3, 610 logements de type F4 et 100 logements de type F5, certains critères sont indexés par les candidats. Il s’agit en particulier de la caution et l’apport personnel qui se chiffrent à environ 234.000 FCFA pour les logements de type F3, 2.050.000 FCFA pour les logements de type 4 et de 2.400.000 FCFA pour les logements de type F5. Ajouté à cela, la somme que les bénéficiaires devront payer par mois qui est de 44.220 FCFA par mois pour les logements de type F3, 94.000 FCFA par mois pour les logements de type F4 et 125.000 FCFA pour les logements de type F5.
« Avec ces critères, j’aurai beaucoup de problèmes si je dois déduire 44.000 F de mon salaire pour un logement de type F3. Mais c’est la volonté de quitter la location qui me pousse à postuler », témoigne un enseignant rencontré devant le tribunal de première instance de la commune VI après l’établissement de son certificat de nationalité. Et cet agent de santé rencontré au même endroit d’ajouter qu’avec ces critères, les pauvres sont exclus d’office. Et du coup, les logements sociaux cessent aujourd’hui d’être des logements sociaux proprement dits car l’Etat se comporte comme un promoteur immobilier qui cède les maisons aux plus offrants.
« Je vais postuler tout en sachant que mes chances sont minimes pour ces logements sociaux », témoigne un militaire rencontré devant le commissariat du 7ème arrondissement après l’établissement de son certificat de résidence. Et d’ajouter qu’il va postuler pour les logements de type F4 car sa famille est assez nombreuse.
« Je n’ai pas la caution exigée mais un ami m’a promis de me prêter cet argent et c’est ce qui m’a encouragé d’ailleurs à postuler », explique-t-il. Et d’indiquer que nombreux sont les Maliens dans sa situation qui ne pourront pas postuler parce qu’ils n’ont pas la caution exigée.
Partout, c’est le même refrain : les critères d’attribution des 1552 logements sociaux de N’tabacoro excluent les personnes à faibles revenus pour lesquelles la politique de logement sociaux a été mise en œuvre par l’Etat. Mais, une chose est de créer les conditions d’accès universel aux logements pour tous les Maliens, une autre de se donner les moyens de réaliser ce rêve, qui coûte aussi cher pour les contribuables du fait des coûts élevés des matériaux de construction. Le Mali est importateur de plusieurs matériaux de construction à part le ciment. Et nombreux sont les opérateurs immobiliers qui préfèrent le ciment sénégalais à celui produit par le Mali pour plusieurs raisons auxquelles l’Etat doit trouver des solutions.
D. D