Récemment secoué par le scandale de fausse déclaration, le bureau des douanes de Diboli à la frontière entre le Mali et le Sénégal continue de défrayer la chronique. D’après nos sources, le premier responsable du scandale à savoir le chef du bureau, Papa Sean Keïta, qui a fauté sur toute la ligne, a été relevé et remplacé par Amadou Kassambara qui était précédemment aux bureaux des enquêtes. Le chef de brigade a aussi fait les frais.
Les sanctions, selon nos sources, vont s’étendre à tous les maillons de la chaîne du bureau de Diboli. La question est de savoir, si dans la gestion d’une telle affaire, les sanctions administratives suffisent. Le pool économique et financier doit se saisir du dossier.
Les faits
Suite à la découverte d’un scandale de faux dédouanement concernant plusieurs dizaines de citernes remplis de carburant en provenance du Sénégal au niveau du poste frontalier de Diboli avec un préjudice financier qui frôle le milliard de FCFA, une mission du bureau du contrôle interne (BCI) s’est dépêchée sur les lieux pour mener des investigations. A l’issue de la mission, les enquêteurs ont pondu un rapport. C’est ce rapport, dont le contenu restait à la fois biaisé et mystérieux, qui suscite la polémique au sein de la douane et de l’opinion.
Un rapport polémique
Des voix commencent à s’élever en ce qui concerne le contenu de ce rapport. Il y a trois tendances. D’abord, il y a ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas eu de fraude. Dans leurs explications, ils soulignent que le bureau de Diboli est un bureau secondaire. Il n’est pas autorisé à faire un dédouanement qui dépasse 3,5 millions de F CFA de valeur. Le travail du bureau secondaire de Diboli consiste à la conduite et à la mise sous douane en tant que bureau d’entrée. Ensuite, il y a ceux qui disent haut et fort qu’il y a eu fraude en dédouanement. Dans les bureaux de la douane de Diboli, affirment-ils, les natures sont falsifiées, les quantités sont réduites et les valeurs minorées. En plus, les cargaisons passent pour joindre Kayes sans déclaration ni aucun autre document.
« Ce qui se passe à Diboli est pire que la récente affaire. A Diboli, le montant de la fraude, de la malversation, du vol dépasse de loin les 153 milliards indiqués dans le dernier rapport du VGAL », fulmine un agent des douanes très remonté contre la direction quant à sa manière de gérer cette affaire scandaleuse. Il ne croit pas à la volonté du directeur général de la douane, Modibo Kane Keïta de mener jusqu’au bout les enquêtes et de sanctionner administrativement et surtout judiciairement les fautifs. D’ores et déjà, les interventions sociales, relationnelles et familiales pour classer l’affaire ont commencé. D’où la colère de ceux qui suivent de près l’affaire.
Enfin, il y a ceux qui veulent que les enquêtes se poursuivent dans la transparence sans état d’âme et sans influence du ministère de l’économie et des finances, de la direction générale de la douane et du milieu politique. D’où cet appel au bureau du vérificateur général. Selon un agent de la douane sous le couvert de l’anonymat, le chef du bureau de Biboli, Papa Sean Keïta a fauté. Il mérite une sanction à la hauteur de la fraude commise. C’est un habitué du faux. Il s’est enrichi sur le dos de l’Etat. Des pertes colossales sont fréquentes mais vue la rentabilité du bureau des douanes de la ville frontière entre le Mali et le Sénégal, les manquements sont souvent dissimilés. Le chef de bureau de Diboli est tout simplement protégé par les politiques qu’il entretient quotidiennement. Cette fois-ci, il a été pris main dans le sac. Il y a bien eu vol et fraude dans cette affaire de fausses déclarations.
Un ancien cadre de la douane qui n’est pas déconnecté du milieu soutient sans ambages que les pratiques de fausses déclarations sont monnaies courantes dans les bureaux des douanes du Mali. Elles font perdre à l’Etat des milliards de F CFA que se partagent le chef du bureau et ses agents, certains responsables de la direction générale des douane, certains cadres du département de l’Economie et des finances ainsi que certains hommes politiques qui protègent et soutiennent tout ce beau monde de voleurs. Ils sucent le sang des maliens, un pays qui peine à se soustraire des conséquences de la crise politique et sécuritaire qui l’a secoué à partir de l’année 2012.
C’est pire au niveau de Diboli. « Des conteneurs entrent au Mali sans document officiel de la part de la douane (uniquement de Tries pas de T1) qui est émis par la douane. Des TC qui sont dédouanés à Diboli alors que le bureau secondaire n’est pas habilité à faire ce genre d’opération », a dit l’ancien cadre et de poursuivre : « Les pratiques malsaines ne se passent pas spécialement à Diboli mais dans tous les bureaux de douanes du Mali. Les importateurs en savent très bien c’est pire à Bamako, ce qui se passe au bureau de Faladié dépasse strictement l’entendement. C’est la fraude et le vol à ciel ouvert ».
La technique de la mafia
Ce qui se passe à Diboli est pire que la récente affaire. A Diboli, le montant de la fraude, de la malversation, du vol dépasse de loin les 153 milliards indiqués dans le rapport annuel du VGAL.
C’est dans les bureaux de la douane de Diboli que les natures sont falsifiées, les quantités sont réduites et les valeurs minorées. C’est dans les bureaux que les bazins riches sont déclarés en popeline ou friperie. C’est dans les bureaux de Diboli que les cargaisons passent pour aller à Kayes sans déclaration ni aucun autre document. Ces cargaisons font l’objet de transfert sur Bamako avec simple bordereau de livraison comme quoi les marchandises ont été payées à Kayes et seront livrées à Bamako. C’est une vraie mafia à la douane. Pendant que le pays traverse une crise économique sans précédent, certains gabelous volent avec leurs complices opérateurs économiques.
A Bamako au niveau des enquêtes douanières, c’est encore très grave. Ce sont des centaines de millions de nos francs qui sont perçus toutes les semaines. Malheureusement cette manne est partagée entre certains cadres de la douane dont certains peuvent se taper plusieurs millions de FCFA par semaine. Toujours à Bamako, une autre technique mafieuse est courante. En principe, tous les camions en provenance de Dakar doivent être dédouanés à Kati. Une fois le dédouanement fait, le chauffeur pour descendre avec le camion doit aller prendre l’autorisation au bureau des enquêtes. Cette autorisation, selon les connaisseurs, est conditionnée au payement d’une somme qui peut atteindre 2,5 millions de FCFA. Très fréquemment, c’est soit la nature, la valeur ou la quantité déclarées qui ne reflètent pas la réalité. Les agents véreux du bureau des enquêtes ferment les yeux. Aucun contrôle douanier sérieux n’est fait. Les raisons sont simples ce sont des fortes sommes qui sont mises sous la table. Ce système mafieux fait perdre au trésor public plusieurs milliards de FCFA. Pour un pays comme le Mali qui a une armée en lambeaux, mal équipée, ces fortes sommes qui vont dans les poches de quelques personnes qui constituent la mafia, peuvent permettre aux Forces armées maliennes de se doter en équipements militaires adéquats. Construire des écoles, des centres de santé, financer les campagnes de vaccination entre autres.
L’administration douanière mérite un nettoyage ou une purge générale. Il faut à la donne des cadres honnêtes qui se soucient de l’atteinte des objectifs assignés par les pouvoirs publics. Si ce n’est pas le vol et la fraude, la douane malienne peu faire mieux.
C’est pourquoi, récemment le FMI a regrette la contre-performance des douanes maliennes.Notre pays est sous l'inspection du Fonds monétaire international (FMI) qui estime que le Mali est sur la voie de la bonne gouvernance. Après les affaires de malversations qui avaient conduit à la suspension des versements du FMI, il y a un an, l’institution financière salue les efforts et les corrections apportées par les plus hautes autorités. Les versements ont repris au début de l’année, et les relations sont assainies. Mais cela n’empêche pas le FMI de pointer certains problèmes et même une contre-performance du côté des douanes, où la collecte des taxes n’est pas à la hauteur. Comme si cela ne suffit pas, les agents de la douane volent et continue de voler. C’est pourquoi, le bureau du vérificateur général est vivement sollicité pour aller voir de visu les mauvaises pratiques en cours dans certains bureaux des douanes plus précisément celui de Diboli.
Moussa Mamadou Bagayoko
Source: L'Humanité