Le 15 mai dernier, un accord de paix inter-malien a été signé à Bamako. La solennité de l’événement qui a réuni une dizaine de chefs d’Etat africains et plusieurs hauts dignitaires internationaux rappelle à quel point la situation d’instabilité au Mali préoccupe l’opinion publique internationale. Cet accord vise à instaurer une paix durable dans le nord du Mali, sous le joug de groupes armés qui en ont fait, au-delà d’une revendication autonomiste des Touaregs, un sanctuaire et une base d’opérations djihadistes. Depuis 2012, le pouvoir central de Bamako a perdu le Nord, au propre comme au figuré, peinant à résoudre de façon pérenne un problème qui divise le Mali et les Maliens depuis son indépendance en 1960. En mars-avril 2012, le Nord du Mali est tombé sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l’armée face à la rébellion, alliée à ces groupes. Depuis lors, malgré le fait que les djihadistes ont été en grande partie chassés du Nord Mali par l’opération militaire française Serval, Bamako n’exerce toujours pas la plénitude de son autorité sur la région.
L’accord de paix était très attendu. Et malgré tout, c’est avec mesure et circonspection qu’il a été accueilli. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui réunit des groupes armés rebelles issus des communautés touareg et arabes du Nord du Mali, n’a pas signé l’accord. Elle refuse de signer un document qui pour elle, enterre ses projets d’autonomie. Au demeurant, le statut du Nord du pays est la principale pomme de discorde. La CMA réclame ainsi de nombreux amendements au projet d’accord mis en œuvre à Alger. Elle insiste notamment sur la « reconnaissance officielle de l’Azawad comme une entité géographique, politique et juridique », la création d’une assemblée inter-régionale couvrant cette zone, et un quota de « 80 % de ressortissants de l’Azawad » dans les forces de sécurité de la région. Et sur cet ensemble de revendications, Bamako s’est toujours montré particulièrement chatouilleux. D’accord pour une décentralisation poussée. Mais, il n’est question ni d’autonomie ni de fédéralisme, encore moins de reconnaissance de l’« Azawad » comme une entité politique.
Toujours est-il qu’assurément, une étape importante dans le processus de réconciliation du Mali a été franchie. Mais, les partisans de la paix semblent avoir eu tort de s’emballer. L’accord dont la signature a été maintenue contre vents et marée par Bamako et la médiation internationale conduite par l’Algérie est sans cesse violé. Sur le terrain, on a enregistré au cours des dernières semaines, de nombreuses violations du cessez-le-feu qui avaient théoriquement cours entre les belligérants. Davantage, les mouvements observés autour de Kidal, le fief des insurgés font craindre un nouvel embrasement. A Ménaka au Nord, dans la région de Gao, un groupe armé pro-Bamako a investi la ville en chassant les rebelles qui la tenaient depuis plus d’un an. Dans cette ville, la tension est vive, et ses « nouveaux maîtres » n’entendent s’effacer qu’au profit de l’armée malienne. Du côté de la CMA, cette situation est perçue comme une provocation.
De nombreuses incertitudes demeurent dès lors sur l’évolution de la situation sur le terrain. Et si les rebelles se rebiffaient définitivement ? Pour les médiateurs, ils se mettraient à dos la coalition internationale qui est présente au Mali et deviendraient des « ennemis de la paix ». Sur le terrain, on est plus proche de l’état de conflit que d’une réconciliation sincère. La porte du dialogue n’est pour autant pas fermée. Les groupes rebelles de la CMA demandent de nouvelles discussions avec les autorités de Bamako avant de signer le texte. Le président malien Ibrahim Boubacar Keita n’y voit aucun inconvénient. Mais en attendant, la médiation internationale insiste sur la nécessité de respecter les accords de cessez-le-feu qui sont censés être en vigueur. Un vœu pieu pour l’instant qui retarde un retour à la normale au Mali