Dans la ferveur, le centenaire de Modibo Kéita mobilise le Mali, mais des zones d’ombre qui entourent son héritage méritent d’être éclairées. Que reste-il d’ailleurs de son riche héritage ?
Aux origines de la crise du Nord-Mali : Comment Modibo Kéïta a endigué la première vague de la rébellion Touareg
Défilé devant les troupes de l’armée le 20 janvier 1961
© maliweb.net
La célébration du centenaire du père de l’indépendance malienne, Modibo Kéita, est plus que méritée. Mais, les circonstances dans lesquelles cet événement se déroule alimentent les milieux politiques, car, de nos jours, l’héritage politique, social et économique de l’illustre disparu est émaillé de divergences et de ruptures dans sa famille politique. Des crises de leadership, le parti de Modibo Kéita en a connues, qui ont joué sur sa cohésion. Des clans qui hibernent n’ont pas eu le temps de se retrouver sur l’essentiel qu’est la préservation de l’image de rassembleur de Modibo Kéita.
Sur le plan purement politique, le parti, qui était campé sur son appellation US-RDA a connu un virage pour devenir UM-RDA, fruit de la fusion entre plusieurs partis réclamant son héritage. C’était sans compter avec l’opposition d’une frange du parti qui veut le voir garder son nom originel.
A côté de cette guéguerre, d’autres départs ont joué sur la performance et la représentativité du RDA sur le terrain. Le dernier congrès dit des retrouvailles, qui a vu Bocar Moussa Diarra porté à la tête du parti, a été marqué par une série de candidatures. Le hic c’est que ce sont des enfants des cadres du parti qui se sont affrontés pour être désignés. L’aventure UM-RDA, qui avait pour ambition de rassembler, a, au contraire, laissé des séquelles encore visibles.
La derrière querelle est celle qui concerne la célébration du centenaire. Des véritables interrogations demeurent encore. D’une part le clan dirigé par Bocar Moussa Diarra, président de la commission d’organisation, mène ses activités commémoratives et d’autre part, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni fête en compagnie de certains disciples de Modibo Kéita.
Des biens qui divisent
De son vivant, comme nous l’enseigne l’histoire, Modibo Kéita avait fondé son espoir sur un modèle économique basé sur le social qui intègre le peuple. De cet idéal, il ne reste que le symbole et les premiers à lui porter un coup de griffe sont ses héritiers. La polémique qui avait entouré la vente de la Bar-Mali est une preuve irréfutable.
Selon les frondeurs, les biens laissés par Modibo Kéita méritent d’être sauvegardés et surtout il faut un inventaire pour les déterminer. Ce qui semble être moins partagé par les dirigeants actuels du parti. Aussi, il est rapproché au clan de Bocar Moussa Diarra d’être seulement intéressé par les biens matériels et les petits privilèges du pouvoir (avoir un poste de ministre sous chaque régime et dans tous les gouvernements).
Pendant ce temps, le parti de l’indépendance peine à mobiliser sur le terrain, ses élus se comptant sur les doigts d’une main. Sans oublier que l’UM-RDA manque d’un leader charismatique capable de se présenter à la présidentielle. En 2012, il a porté la candidature d’ATT et en 2013, il a porté son choix sur IBK. Non sans faire remarquer que son candidat en 1992, Baba Akhib Haïdara a été mis en minorité et n’a pas bénéficié du soutien dont il était en droit de s’attendre.
Où est le symbole ?
Dire que le père de l’indépendance porte en lui le symbole d’un leadership avéré et voir les édifices qui portent son nom abandonnés ne peut que révolter. Dans cette reconnaissance pour l’enseignant qu’il fut, parce qu’ayant parcouru le pays profond dans l’exercice de ce noble métier, aucun établissement n’est baptisé en son nom.
Certes, des rues, un stade masqué par le titre « Omnisports », un mémorial en pleine dégradation sont là en la mémoire de Modibo Kéita. Mais au-delà de ces infimes traits de mémoire, tout le monde s’accorde à dire que le père de la nation mérite mieux et que son nom devait figurer de façon indélébile au fronton de l’école malienne.
En dehors du symbole qui entoure la célébration de son centenaire, il est aussi du devoir des autorités de situer les responsabilités sur sa mort au nom de la justice sociale. C’est à ce prix que la vraie histoire du héros national s’écrira et se racontera.
Alpha Mahamane Cissé
CENTENAIRE DE MODIBO KEITA
Vers des funérailles nationales dignes pour le père de l’indépendance